La lettre de Jeannine du 19 septembre

Le Benoît XVI que j'étais certaine de retrouver au Liban (21/9/2012)

Le Benoît XVI que j'étais certaine de retrouver au Liban
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Chère Béatrice,

Merci pour tous vos articles sur le voyage de notre Saint-Père et tout le travail que cela représente.
Une fois de plus je regrette de constater que les médias français se sont attribués un créneau très particulier et peu flatteur: celui de la parfaite nullité, de la totale méchanceté qui leur colle à la peau, au nom de quoi?, de la laïcité, de la bêtise. Même certains articles, rédigés par une plume qui devrait être inspirée, décortiquent froidement les faits relatés, sans chaleur aucune. Neutralité, surtout ne pas faire de cadeau à l'ennemi, ménager tous les lecteurs, c'est petit!!
(...)

J'ai suivi le voyage sur KTO, mais pas comme je le voulais [à causes de circonstances personnelles]. Dommage que KTO n'ait pas montré la papamobile avec notre Saint-Père circulant dans les rues de Beyrouth avec la nombreuse présence des Libanais et autres très enthousiastes. Je l'ai vu pour la première fois en arrivant au pied de l'autel pour célébrer.
Avec le Benedetto XVI Forum vous avez heureusement fourni des images fort belles et montrant bien la foule en fête qui était sur le parcours : en particulier la papamobile recouverte de pétales de fleurs avec un Benoît XVI bénissant une foule en délire (une foule en liesse à Baabda, cf. l'Orient du Jour, Hoda Chédid 16/9/2012). Philippine de Saint-Pierre a souligné que la messe était le seul grand rassemblement mais ce n'était pas une raison, pour moi, pour ne pas illustrer les rencontres moins importantes en nombre mais tout aussi parlantes où les présents se côtoyaient dans une joyeuse et enthousiaste proximité; restrictions budgétaires drastiques même pour cette visite du Pape?

Partira, partira pas, viendra, viendra pas?, jusque dans l'avion la bêtise des médias n'a pas lâché prise. Il me semblait que l'on parlait d'un VIP très people mais pas de notre Pape. Pourquoi tant de remue-ménage au sujet d'un pontife arrivant désarmé, avec "une voix à peine audible" (F.Mounier La Croix ) et "un comité d'accueil sobre et multi-religieux"b(idem)?
Avant la prise d'antenne de KTO pour l'arrivée, le CTV donnait des images qui montraient que le comité d'accueil n'était pas figé : paroles échangées, rires, les Libanais présents, joyeux, agitaient des drapeaux, des foulards, une grande pancarte avec: WE LOVE YOU.
S'il n'était pas parti cela aurait permis de montrer du doigt cette Eglise pusillanime qui reculait devant le danger. Il continue à être la bête de somme du Seigneur et sa vie est déjà donnée depuis longtemps.
Comme de bien entendu les médias auraient voulu dicter sa conduite à Benoît XVI, ils ont tout fait pour y parvenir mais en vain. Pas de chance, ils ont comme partie adverse un pape âgé certes mais qui sait parfaitement ce qu'il veut et qui a une haute idée de son ministère. Je n'ai jamais cru une seconde que notre Pape céderait aux sirènes alarmistes qui transformaient ce voyage en parcours du combattant. Il voulait ce rendez-vous et, à moins de le verrouiller dans le Vatican en fermant l'espace aérien, j'étais persuadée qu'il partirait. Cet homme fragile ne joue pas avec les personnes qu'il rencontre, il les respecte beaucoup trop. Il l'a d'ailleurs rappelé ce matin lors de l'audience générale, il a été le père qui est allé renforcer ses enfants qui avaient besoin de lui. Aussi simple que cela, pas de grandes phrases mais des discours exigeants et pleins d'amour afin de ne pas donner de faux espoirs: chacun est mis en face de ses responsabilités. Le Saint-Père n'est pas une balle que l'on se lance de côté et d'autre en essayant de l'influencer; rien à espérer, il sait parfaitement ce qu'il veut et le dit sans ambiguïté. Sans mise en scène, avec conviction, sincérité, il exprime une foi profonde, joyeuse, malgré le climat plus que lourd qui règne mais qu'il a la grâce d'alléger en captant l'attention de tout son auditoire, en enthousiasmant des jeunes inquiets, désorientés, en les galvanisant sans rien leur promettre de miraculeux. Il est attentif à tous, aucune suffisance en lui; il a avancé sur un terrain miné, à petits pas, avec précaution, parlant à tous et à chacun en particulier, il suffisait de faire le tri, avec un vocabulaire précis, distribuant remarques et suggestions aux différentes délégations en présence préservant ainsi un impératif équilibre, envisageant pour le futur des pistes bien pensées, surprenantes parfois, faisant preuve d'un esprit ouvert, conjuguant harmonieusement sa longue expérience et une conception visionnaire de l'avenir, à l'affût de toute solution pour avancer vers la liberté, faire reculer la suspicion, la haine, la guerre. Que d'heures consacrées à ce long travail de maturation, dans la prière, la lecture, la pensée, pour arriver à ces textes si fouillés, profonds malgré une apparente facilité. Je suis admirative de cette intelligence lumineuse, de ce croyant si bien dans sa foi, qui dans une époque où le paraître est la règle à respecter pour vivre, laisse apparaître le lent travail des années.
C'est lui qui dit à Mgr Sako, dans la petite chapelle le jour du départ "je suis fatigué mais mon cœur est plein de joie" (interview KTO).
J'aime la simplicité, l'humilité de ce grand personnage qui est venu en pèlerin, a parlé de foi, d'amour, de paix, a ignoré la peur, a su créer une oasis de fraternité dans un contexte brûlant, explosif, dont il parlait avec la parfaite conscience du danger tout proche. Il avait fait confiance aux informations reçues, il savait qu'il était attendu, espéré et il est arrivé.
Ainsi que le dit Madame Pigozzi dans son minable billet du 16 septembre il a montré qu'il a du cran mais je précise: non par forfanterie mais par amour, cela lui est totalement étranger à elle. Il remercie avec beaucoup de chaleur et de simplicité pour tout ce qui a été fait pour le successeur de Pierre, fuyant une fois encore la personnalisation : «Vous visitant, c'est comme si Pierre venait à vous et vous avez reçu Pierre avec la cordialité qui caractérise vos Eglises et votre culture». Il n'est pas dupe. Il n'a pas résolu les problèmes mais il a été présent, a partagé les craintes, les espoirs et a donné le maximum pour insuffler un élan, dire à ceux qu'il venait voir qu'ils n'étaient pas oubliés, qu'ils étaient aimés et qu'avec beaucoup de volonté, de temps, de foi, l'amour sera vainqueur. Ceux qui l'ont reçu l'ont écouté et l'ont compris. J'ai été sensible à la présence du Président de la République pendant tout le programme du Saint-Père. Tant d'autres responsables de convictions différentes, voire opposées, l'ont écouté respectueusement et les expressions qui passaient sur les visages reflétaient bien les questionnements que faisaient naître les paroles de ce "vieux sage", au long passé de lutte mais qui n'a rien perdu de son intime conviction et n'hésite pas à la présenter parce qu'il sait que c'est là que réside la vérité. Samir Nadir (Le Figaro J-M Guénois 13/9/2012) qui voulait que le pape vienne dire «n'ayez pas peur» a été exaucé. Le Père Samir Khalil Samir a qualifié ainsi le message de Benoît XVI dans le chapitre sur la cité dans l'Exhortation : c'est une vision politique, humaine et spirituelle de Benoît XVI.

Je ne vois pas notre Saint-Père à travers un prisme déformant qui enjolive tout, je suis beaucoup trop pragmatique pour cela, je le décortique bien trop. J'admire sans réserve ce serviteur qui ne craint rien, ne vit que pour son Eglise et son Seigneur. Il a fait de ce voyage court un temps de paix, d'une très grande richesse, une parenthèse bénie qui gardait bien les pieds dans la réalité. Fatigué, serein, entouré, confiant dans ceux qui étaient présents, souriant, touchant dans sa simplicité, son humilité, son apparente faiblesse, il donnait aux jeunes sa présence rassurante, ses paroles si vraies et suivait avec plaisir les danses et les musiques préparées pour lui. Aux adultes il a apporté sa sagesse, sa conception d'un avenir sans drame, dans une unité faite d'amour et d'équilibre, de respect de l'autre. Ses paroles étaient valables pour tant d'autres pays et nos sociétés sécularisées devraient en tenir compte au lieu de se perdre dans des situations sans cesse à risques. Que dire des magnifiques images de nuit , du chapelet flottant au-dessus de la foule, du globe terrestre aux couleurs chatoyantes et du feu d'artifice final. C'était une fête organisée pour ce visiteur prestigieux qui consacrait un peu de temps à sa famille qui se sentait abandonnée. Jusqu'au départ les Libanais ont été avec lui et les paroles de notre Benoît XVI disaient bien à quel point il avait apprécié et aimé le Liban et les Libanais. J'ai retrouvé la délicatesse de l'homme qui apporte à ses remerciements une touche poétique en précisant «mais, à l'égard et au respect, vous avez apporté un complément; il peut se comparer à l'une de ces fameuses épices orientales qui enrichit la saveur des mets». Les remerciements conventionnels deviennent un message très personnel, un cœur à cœur entre le Pape et ses hôtes.

Grâce à vous, on participe à la visite surprise du Saint-Père aux carmélites du Liban. En fin de voyage, fatigué, cet homme, qui ne demande jamais rien pour lui, n'a pas hésité à faire un détour non prévu, pour partager un temps de prière avec ces femmes qui ont été comblées : décision privée dictée par un cœur désireux de donner le maximum aux autres sans battements de tambour; ce que j'appelle de la très grande classe. Pour moi il est une grâce pour l'Eglise.

Jeannine
19 septembre 2012