Le «spread» de Benoît XVI

Sur le site italien "Il Sussidiario", formidable réflexion autour de la tribune de Benoît XVI sur le Financial Times du 20 Décembre. Ou comment Benoît XVI est un très grand communicant, qui ne se dérobe à aucun défi! (23/12/2012)

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Cf. Le Pape écrit au monde

     

Le «spread» (1) de Benoît XVI
Gianni Credit
http://www.ilsussidiario.net
Ma traduction
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L'intervention du Pape Benoît XVI sur le Financial Times du 20 Décembre mérite d'être lue le jour de Noël.

Chacun y trouvera sans aucun doute ce qu'il voudra y chercher: le fruit - la parole - d'un intellect parmi les plus «smart» actuellement vivants; l'irréductibilité de l'annonce chrétienne dans le temps et dans l'espace; la Raison et l'Espérance aux prises avec la récession, avec l'austérité, avec les spreads.

Pour un observateur des «media» internationaux et des «big thinkers» qui s'exhibent sur leurs pages, le texte est «du Ratzinger DOC» (ndt: DOC = Denominazioni di Origine Controllata; autrement dit 'appellation contrôlée', on pourrait peut-être traduire par «du pur Ratzinger») dans lequel - surtout - il est imposible de ne pas saisir et apprécier l'effort - élevé, immédiat - de réaliser dans l'article ce que l'article laisse entendre.

Si la tâche humaine des chrétiens (de tous «les hommes de bonne volonté») est d'être toujours présents - adultes, responsables - dans le monde; si le Jésus de l'Evangile, a voulu et a su répondre ponctuellement à une question sur les impôts: le Pape de 2012 dit oui, sans retard ni hésitation à un grand quotidien international, qui lui a demandé une réflexion politico-économique au terme d'une année d'economic hardship. Et il le fait en acceptant toutes les règles - les «meilleures pratiques» - de la communication mondiale. Cinq mille caractères: la taille, le rythme, la langue d'une «column» (ndt: rubrique) classique. Une homélie est une homélie, une encyclique est une encyclique, un éditorial est un éditorial.

Le pape Benoît accepte - avec la bonne humeur raffinée d'un universitaire allemand - le défi tout «British» du FT, qui le place dans les pages des contributions externes (ndt: tribunes libres), aux côtés de l'analyse d'un expert néerlandais sur les perspectives de l'extraction du gaz naturel et d'un commentaire - très Oxonien - sur le dernier scandale autour du Libor. Benoît XVI ne se soustrait pas davantage à l'obligation de la mention «évêque de Rome», non plus qu'à celle d'être auteur d'un «hit» des vitrines des librairies de Noël du monde entier («L'Enfance de Jésus»). Il en est toutefois payé - sur la première page - avec un jeu de mots qui n'est qu'apparent, mais qui est au fond respectueux , à la limite de l'admiration affectueuse, avec un trait rare pour la presse londonienne: le «front» (chapeau?) le dépeint - presque un demi-millénaire après le schisme d'Henri VIII - vêtu de ses parements, avec le titre «L'édit du FT du pape».

La «nouvelle», c'est cela, et les collègues du FT sont les premiers à le reconnaître, en tout fair play moral: en acceptant de réciter un «Confiteor» de Noël avec le professeur Ratzinger, penseur et polémiste de race, peu importe qu'il soit un prêtre catholique, et en plus allemand. La prétention à dominer le monde par le biais technico-financier a échoué: let's think about it, il est temps de s'arrêter un instant et de réfléchir à ce sujet. Avec Benoît XVI, definetely with Father Joseph.

Il est temps pour les chrétiens du monde de s'engager (la suite de la tribune ici: Le Pape écrit au monde)

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Note:
(1) Spread est un mot anglais utilisé en finance qui désigne de manière générale, l'écart ou le différentiel entre deux taux.
Le spread est une mesure de la liquidité du marché. Plus le spread est proche de zéro, plus les transactions sont aisées. (wikipedia)

Pour faire simple, il s'agit de jargon économique auquel l'homme de la rue, par la force des choses, ne comprend pas grand chose, mais qui a été utilisé par la presse italienne (plus que par celle française) comme un mantra - un peu comme le "triple A" pour nous - pour lui faire comprendre que la situation était grave, et qu'il devait se préparer au pire. Comprendre: de lourds sacrifices économiques.