Les jeunes et le Pape

A Bkerké, la «JMJ du Moyen-Orient». je traduis, presque une semaine après, le très beau reportage de l'envoyé de Vatican Insider. Et dire qu'il y en a qui disent que ce pape ne sait pas parler aux jeunes!! (20/9/2012)

A Bkerké, la «JMJ du Moyen-Orient»
Les jeunes ont attendu Benoît XVI pendant des heures, entre espoir et inquiétude pour l'avenir
http://vaticaninsider.lastampa.it/
Alessandro Speziale
BEYROUTH
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Ils ont agité des centaines de drapeaux blancs et jaunes du Vatican, que l'organisation leur a donnés à l'entrée; dansé pendant des heures sous le soleil, à la musique libanaise déversée à fond par les haut-parleurs; applaudi et salué avec enthousiasme les centaines de caméras venant du monde entier. Mais s'ils sont à la colline de Bkerké, c'est pour une unique raison: voir le Pape.

«C'est une grande joie que le Pape soit là, il a été très courageux de venir au Liban justement en ce moment», dit Jeanne, étudiante à l'université jésuite de Beyrouth, l'Université Saint-Joseph. Pour elle, la chose la plus importante est que Benoît XVI n'ait pas renoncé à son voyage à haut risque au Moyen-Orient, malgré la proximité de la poudrière syrienne et les protestations anti-occidentales qui ont enflammé la région ces jours-ci.

«Le fait qu'il soit venu donner un grand courage aux chrétiens du Moyen-Orient qui en ont un grand besoin. Le pape les rend fiers et leur fait sentir qu'ils ne sont pas seuls, que l'Église de l'Occident est proche d'eux». Pour mieux voir le pape quand il arrivera, elle est grimpée sur la structure de fer qui soutient l'un des podiums.

Et elle n'est pas la seule. Ils sont une douzaine qui, tandis que les hommes de l'organisation regardent ailleurs, tentent d'escalader les barrières et entrer dans la zone réservée à la presse afin d'être dans une meilleure position et d'apercevoir Papa Ratzinger. Beaucoup d'entre eux portent un maillot de football avec le nom «Benoit» et le numéro 16. Beaucoup d'autres, le T-shirt réalisé par le Chemin Néocatéchuménal pour la venue du pape.

Pour Masar Louis, ce sera la deuxième «rencontre» avec Benoît XVI. En 2010, il était venu d'Erbil, dans le Kuridistan irakien, à Madrid, pour les Journées Mondiales de la Jeunesse: «Mais ce jour-là, j'étais loin, aujourd'hui, j'espère le voir de plus près». Cette fois-ci, à lui et ses 230 compagnons, il a suffit d'une nuit de car.
«Au Kurdistan - dit-il - aujourd'hui, la vie n'est pas difficile pour nous. Mais dans le reste de l'Irak, si, parce que les enlèvements de chrétiens se poursuivent». Lorsqu'on lui a parlé de la Syrie, il n'a pas caché son pessimisme: «Il y a des groupes extrémistes qui arrivent dans le pays. Ce sera très dur pour les chrétiens». Une histoire qui lui rappelle de façon inquiètante celle de son pays: «Saddam Hussein était un dictateur, et très méchant, mais au moins il ne tuait pas les chrétiens».

Pour Bachar al-Assad, évidemment, le même discours s'applique. Qui sait si les jeunes arrivés de Syrie pensent la même chose. Mais, contrairement à leurs frères irakiens, ils n'agitent pas avec fierté le drapeau de leur pays; parmi les quelques 20 mille personnes qui se pressent sur l'esplanade du patriarcat maronite, ils sont impossibles à détecter.

Mais sur tous, y compris ceux du Liban, où ils étaient autrefois la majorité et plus aujourd'hui, pèse le spectre d'un avenir incertain dans une région qui leur semble parfois destinée à devenir de plus en plus hostile. «Ces jeunes - dit le patriarche maronite Béchara Raï - sont assoiffés d'espérance», mais alors que tout change autour d'eux de plus en plus vite, ils sont saisis d'«anxiété». «Ils suppportent des crises politiques, sociales, économiques et culturelles qui influent sur leur foi et conduisent certains à la perte de leurs racines dans leurs terres et leurs Eglises».

Le Pape arrive juste au moment où le soleil commence à se coucher dans la mer derrière le Palais du Patriarcat. Les jeunes de Benoît XVI redoublent leurs chants tandis que la chaleur s'estompe. Ils lui apportent des cadeaux, ils lui racontent des cadeaux, ils chantent des hymnes très anciens et des litanies modernes. A la fin, une vingtaine d'entre eux lèvent une grande croix et lui racontent leur histoire. «Nous voulons rester liés en Orient, enracinés dans notre terre - disent-ils depuis la scène - non par fanatisme, mais pour préserver le caractère unique de cette partie du monde».