Loreto, Vatican II et la piété populaire

A la veille du pélerinage de Benoît XVI à Loreto, Sandro Magister explique sa signification, pour la foi des simples. Et le cardinal Vegliò président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement, pointe les dérives de Vatican II, sans craindre de nommer les "catholiques progressistes" (3/10/2012)

A l’occasion du 50e anniversaire de la visite de Jean XXIII à Lorette (*), dans les Marches italiennes, Benoît XVI se rendra lui aussi au sanctuaire de la Sainte Maison de la Vierge Marie, le jeudi 4 octobre.
Le bienheureux pape Jean XXIII s'était en effet rendu à Lorette pour confier les travaux du Concile Vatican II à la Vierge Marie, le 4 octobre 1962.
...
Ce sera la seconde visite de Benoît XVI au sanctuaire de Lorette (**) après sa visite pour le rassemblement des jeunes catholiques italiens, l’Agora des Jeunes, des 1er et 2 septembre 2007 (**).
(http://www.zenit.org/article-31911?l=french )

 

Le chapelet de Benoît XVI

Loreto ou la piété populaire. Les coups de canif ("fendenti") du cardinal Vegliò
Texte en italien: Settimo Cielo.
Ma traduction.
--------------------
Jeudi 4 octobre, Benoît XVI se rendra à Loreto, juste un demi-siècle après la visite qu'y fit Jean XXIII. Le pape célébrera la messe sur la place devant le sanctuaire.

Pourquoi ce voyage?
Les sanctuaires sont le lieu par excellence de la piété populaire. Cette piété qui s'exprime dans les pèlerinages, les fêtes des saints patrons, la dévotion à Marie et aux saints, dans la récitation du chapelet. Contre la piété populaire, on vit s'élever dans les années soixante et soixante-dix une vague de protestation, au nom d'une foi «pure» et «engagé». Mais depuis Paul VI, les Papes ont réagi à cette tendance. Benoît XVI, dans ce domaine, est particulièrement décisif. Les images de sa vie privée le montrent souvent récitant le rosaire, dans les jardins du Vatican ou à Castel Gandolfo, et priant devant la grotte de Notre-Dame de Lourdes.

L'importance de la piété populaire dans la vie des catholiques ordinaires en Italie est confirmée, entre autre chose, par les indices d'écoute extrêmement élevés qu'enregistre le chapelet retransmis en direct de Lourdes sur la chaîne TV 2000, tous les jours à 18 heures, et rediffusé à 20 heures. Le cardinal Angelo Bagnasco, dans le discours d'ouverture devant le Conseil permanent de la Conférence épiscopale italienne le 24 Septembre dernier, n'a pas manqué de le remarquer.

Les propos tenus récemment par un autre cardinal, Antonio Maria Veglio, président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement sont donc d'autant plus intéressants: il y voit le terreau principal de la piété populaire.
Dans une conférence du 20 Septembre dernier devant le Réseau Marial Européen, le cardinal Vegliò a retracé l'enseignement du Concile Vatican II sur la piété populaire.
Vatican II - a-t-il expliqué - la valorisa comme «praeparatio evangelica», comme acte du peuple de Dieu, comme expression de l'inculturation, comme liée à la liturgie.
Mais malgré cela - a poursuivi le cardinal, - dans l'immédiat post-concile, on a assisté à «une tentative d'éliminer, ou du moins d'ignorer les manifestations populaires de la foi», qui a été suivie par «une réévaluation de la piété populaire de la part du Magistère, de la théologie, de la pastorale et de la liturgie».

Voici le passage de la conférence, qui analyse, avec une franchise inhabituelle dans la bouche d'un haut fonctionnaire du Vatican, l'onde de contestation des années soixante et soixante-dix.
A laquelle contribua, selon lui, la manière irresponsable avec laquelle fut réalisée la réforme liturgique.

 

Le piège d'une religion "pure"
Antonio Maria Veglio
-----------------
Dans l'évaluation négative de la religiosité populaire, on voit l'influence à la fois de causes internes et externes à la communauté ecclésiale.
Parmi les premières ressortent l'existence de lectures partielle et sélectives des textes conciliaires au cours de la période post-conciliaire, ainsi qu'une interprétation partiale et intéressée de sa doctrine.
Parmi les secondes, on doit recenser l'influence considérable qu'exercèrent les théories de la sécularisation. L'accueil (l'acceptation) que de nombreux cercles ecclésiaux réservèrent à la théologie de la sécularisation comportait le mépris d'un christianisme manifesté dans les formes extérieures, dont l'exemple le plus évident est, bien sûr, la religiosité populaire.
Celle-ci fut considérée comme un catholicisme superficiel, séparé de la vie et des engagements historiques.

L'un des résultats du Concile fut la définition de l'Église comme Peuple de Dieu, chose qui encouragea les associations laïques. Dans ce contexte, apparurent de petits groupes qui se considéraient comme plus engagés. Ces «catholique d'engagement» ou «catholiques progressistes» adoptèrent une attitude d'opposition aux chrétiens qui participaient aux manifestations de la piété populaire, les considérant comme simples, ritualistes, incapables de s'adapter aux temps nouveaux et appelées à se purifier.

Dans le même temps, ils accusèrent la piété populaire d'avoir des nuances de superstition, de s'éloigner de la réalité, de se détourner de l'engagement chrétien, d'être incapable de former des militants et de promouvoir des attitudes évangéliques qui favorisent le développement et la libération.

Un des fruits les plus évidentes du Concile fut la réforme liturgique. Cependant, le développement de ce processus n'a pas toujours été aussi opportun qu'il aurait été souhaitable. Enumérons brièvement quelques caractéristiques qui ont eu des effets contraires aux pratiques de la piété populaire.

En premier lieu, et comme fruit de l'enthousiasme que le Concile souleva dans l'Église, on prétendit développer cette réforme à une vitesse vertigineuse, sans le temps suffisant pour assimiler les textes conciliaires et leur application consécutive à l'Église universelle. Par ailleurs, et dans certaines initiatives, on soumit des interprétations erronées, ou, de façon intéressée, partiales, des enseignements du Concile.
Il n'était pas rare que l'on fît la promotion d'une liturgie trop pragmatique, où abondaient les éléments pédagogiques et didactiques au détriment de son caractère de mystère, ce qui conduisit à négliger les chants, les silences et les gestes.
L'un des objectifs louables était de parvenir à une expérience religieuse purifiée, à la fois dans le milieu interne (les motivations), et externes (les formes). Le problème surgit de la manière concrète avec laquelle tout ceci se développa. On promut une religiosité pure, déracinée et abstraite, qui supposait, entre autre, l'élimination des traditions religieuses auxquelles furent attribués des traits magiques, superstitieux ou utilitaristes.
L'affirmation conciliaire de la centralité de la liturgie et de l'Eucharistie impliqua qu'un nombre non négligeable de pasteurs supprimèrent de nombreuses pratiques populaires, du fait que la religiosité populaire se manifeste, en de multiples occasions, sous d'autres formes que celles prévues par les textes liturgiques officiels.

La réforme soulignait également la grande importance que devait avoir les Saintes Écritures dans les célébrations liturgiques. Et, par conséquent, on évalua de façon négative la présence biblique limitée dans les événements populaires, dont beaucoup sont pauvres en théologie et en citations bibliques, mais riche de sentimentalité.

La promulgation de la Constitution «Sacrosanctum Concilium», en 1963, coïncida avec l'un des moments où le mouvement de sécularisation eut la plus grande force, et cela influença l'application des réformes conciliaires. A partir de ce contexte, on assigna à la liturgie un engagement temporel fort, avec l'acquisition d'un ton prophétique, la dénonciation des situations sociales de péché et l'invitation à l'engagement. Pour cette raison, la piété populaire fut évaluée négativement, lui attribuant un effet anesthésiant face aux problèmes sociaux.
Tous ces éléments, qui ont été présents d'une manière ou d'une autre lors de la réforme liturgique post-conciliaire, se traduisirent par la suppression aveugle et arbitraire des pratiques de piété populaire.
Dans ce contexte, apparaissent éloquents les mots de Paul VI lors d'une audience publique en 1973:

« Des voix autorisées nous recommandent de conseiller la plus grande prudence dans le processus de réforme des coutumes traditionnelles religieux populaires, en prenant soin de ne pas éteindre le sentiment religieux, dans l'acte de le revêtir de nouvelles et plus authentiques expressions spirituelles: le goût du vrai, du beau, du simple, du communautaire, et même du traditionnel (là où il mérite d'être honoré), doit présider aux manifestations extérieures du culte, en essayant d'y maintenir l'affection du peuple»

Notes

(*) La ville de Lorette abrite une basilique qui contient les pierres de trois murs de la maison de Nazareth, que les croisés ont transportées à Lorette pour qu’elles échappent aux pillards. Le quatrième mur étant la paroi de la grotte de l’Annonciation. On voit nettement la trace des trois murs dans la basilique de l’Annonciation de Nazareth. (Zenit)

(**) Il en a été question largement dans ce site, le mot clé pour le moteur de recherche est en l'occurence "Loreto".
On reverra en particulier le Saint-Père réciter son extraordinaire prière:
Maria, madre del si... (paroles ici: http://beatriceweb.eu/Blog/ )

Video "maison" à télécharger ici:
http://benoit-et-moi.fr/2007/downloads/loreto.wmv