François, Benoît et le magistère du silence

Magnifique réflexion d'un blogueur italien, Fabio Colagrande: le silence de Bergoglio devant la foule sur la place Saint-Pierre parle du même but que celui indiqué par Ratzinger avec sa renonciation (17/3/2013)
Article en italien sur le blog "Vino nuovo": www.vinonuovo.it/index.php?l=it&art=1211

     

François, Benoît et le magistère du silence
Fabio Colagrande
15 Mars 2013
Le silence de Bergoglio devant la foule sur la place Saint-Pierre parle du même but indiqué par Ratzinger avec sa renonciation
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Un ami m'a fait remarquer que les dernières paroles de Benoît XVI et les premières du pape François sont similaires. Le premier a pris congé de la foule émue rassemblée sous le balcon du palais de Castel Gandolfo, et en même temps de l'histoire de l'Eglise, par un simple «bonne nuit». Son successeur, après une pause, peut-être dûe à l'émotion, qui a tenu sur le fil les 150 mille personnes qui l'attendaient sous la pluie, sur la place Saint-Pierre, a brisé la glace avec une surprenant «bonsoir».
«Bonne nuit», et «bonsoir». Les papes du troisième millénaire semblent avoir porté jusque sur les balcons des palais Sacrés les mots de la vie quotidienne, le langage le plus familier. Mais ce n'est pas la seule ligne de continuité entre ces deux pontificats.

Un des moments mémorables de huit années de magistère de Papa Ratzinger a été le silence intense d'un million de jeunes au cours de l'adoration eucharistique lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne, dans l'été de 2005. Quelques mois après son élection, le Pontife qui avait d'emblée expliqué que son travail était de faire briller la lumière du Christ, pas la sienne, nous donna ainsi la première inoubliable leçon du silence. Cela longue pause effaçait soudainement tout bavardage mondain, toute comparaison irrespectueuse entre lui et son prédécesseur, le Pape médiatique par excellence, et se remplissait, nous remplissait, du Christ.

Mais après huit ans de travail comme humble travailleur dans la vigne du Seigneur, le Pape Benoît XVI nous a indiqué à nouveau le besoin de silence de toute l'Eglise - de toute l'humanité - avec une autre leçon inoubliable. D'une voix brisée, dans un latin ému, il a annoncé au monde sa démission pour se retirer «caché au monde», dans «l'enclos de Pierre», vivre de façon silencieuse et priante, en pape émérite.
Comme on le sait, certains ont vu dans son choix historique, non seulement l'humilité de quelqu'un qui renonce au pouvoir, ne se sentant plus à la hauteur pour tenir les engagements de la chaire de Pierre, mais aussi un acte théologique qui redéfinit la papauté en particulier en termes de service.
Mais c'est peut-être aussi une suggestion particulière à un monde, y compris celui ecclésial, obsédé par une communication de plus en plus frénétique, redondante et inutile. Et à notre monde de la communication, piégé dans la piètre figure d'un imbécile "toto-papa". Soyons muets, débarrassons-nous des fardeaux des mots inutiles, comme de ceux du pouvoir, et cherchons, retrouvons, le contact avec Dieu. Seulement ainsi, nous pourrons retrouver l'homme.

Alors, quand Papa Francesco apparaît au balcon de Saint-Pierre dans cette inattendue et humide soirée de mars, et contraint des milliers de personnes, croyants ou non, à prier ensemble pour Benoît XVI, ce n'est pas, pour moi, accomplir un geste convenu d'hommage à son prédécesseur. Mais, avec un sourire, il rejette toute tentative de cacher en hâte sa renonciation révolutionnaire pour au contraire la souligner encore plus. Avec l'humilité du poverello d'Assise, il demande alors au peuple de Rome, le peuple de Dieu, de le bénir et incline la tête pendant trente secondes de silence. Une absence de son poignante, incroyablement pleine de Dieu, qui à certains a rappelé le silence de la foule émue à Saint-Pierre, le 2 Avril 2005, à la nouvelle de la mort de Jean Paul II. Instants d'éternité dans lesquels un autre pape, dans le silence de son retour à la maison du Père, nous avait mis en communication avec Dieu.
Et tandis que nous souhaitons la bienvenue au Pape François, et le remercions pour ce silence qui nous a rapproché du Christ plus que mille homélies, nous ne pouvons pas oublier celui qui, avant, a commencé ce magistère de la non-parole dont, surtout aujourd'hui, nous ressentons le besoin extraordinaire.