Le Vatican pour Monti? Pas si sûr, dit Mgr Negri
Une interviewe sur La Stampa du néo-archevêque de Ferrare, dont le fond (les valeurs non-négociables en politique) dépasse largement le cadre de la politique italienne (2/1/2013)
Capture d'écran Google Actu
Lu sur l'AFP :
Le quotidien du Vatican a apporté jeudi son soutien marqué à Mario Monti en estimant que l'expression "montée en politique" choisie par ce dernier pour illustrer sa démarche est "un appel à retrouver le sens le plus noble de la politique".
Dans un article intitulé "La montée en politique du sénateur Monti", L'Osservatore romano a longuement analysé la formule utilisée par le chef du gouvernement démissionnaire, volontairement en contraste avec l'expression souvent utilisée de "descente" dans l'arène politique.
L'article de l'OR (je ne traduis pas): www.news.va/it/news/la-salita-in-politica-del-senatore-monti
Un autre article, de la Tribune, donne bien le ton (cliquez sur le titre pour développer):
Le journal du Saint-Siège, L'Osservatore Romano, ne tarit pas d'éloges sur le président du conseil. Un appui bienvenu et intéressé.
Au Vatican, on vote pour Mario Monti. Dans son édition de jeudi, le quotidien du Saint-Siège, L’Osservatore Romano, a donné une bénédiction à peine voilée à la candidature à peine voilée du président du conseil italien à sa propre succession. L’entrée en politique du sénateur Monti, explique le rédacteur du journal du Vatican, est «un appel à retrouver le sens le plus haut et le plus noble de la politique, celui du bien commun.» Difficile de faire plus élogieux.
Dans sa même édition, L’Osservatore Romano, signale un fait encore plus significatif : Mario Monti a téléphoné ce mardi à Benoît XVI pour lui transmettre ses vœux de Noël. Un entretien, précise le journal «particulièrement cordial». Le fait n’est pas anodin, car il est de tradition que seul le président de la République italienne transmette au nom de l’Etat ses vœux. Là encore, il y a donc un geste significatif du Vatican envers le Professore Monti.
Ce vendredi matin dans la presse italienne, on ne cessait de souligner l’appui de l’Eglise à Mario Monti, alors même que, dès dimanche, le président de la conférence épiscopale italienne, Angelo Bagnasco ne tarissait pas d’éloges sur la «méthode innovante» du président du conseil. Du reste, beaucoup, comme le quotidien de centre-gauche (!!) La Repubblica évoquait la recomposition autour du Professore de l’ancienne Démocratie Chrétienne (DC), le parti centriste qui a dominé la politique italienne de 1946 à 1992. On conviendra que pour quelqu’un qui doit rénover la politique italienne, il y a là un paradoxe assez troublant.
Quelles sont les raisons de ce soutien ? C’est d’abord l’échec du centre-droit de Silvio Berlusconi qui s’est entièrement discrédité. «Il paie la facture des scandales», reconnaît le sénateur berlusconien Carlo Giovanardi dans La Repubblica. Impossible pour l’Eglise de soutenir un tel parti. A l’inverse, retrouver la douceur de l’époque de la DC n’est pas sans charme pour le Vatican. D’autant que le Saint-Siège peut s’inquiéter de l’influence des partis de gauche laïques, notamment du SEL de Nicchi Vendola, et du syndicat Cgil sur un futur gouvernement de centre-gauche.
Mais il y a peut-être aussi plus prosaïque. En soutenant Mario Monti et en pariant sur son maintien au pouvoir, le Vatican peut espérer que la rigueur et l’austérité menée par l’actuel président du conseil s’arrête au bout de la Via della Conciliazione, la rue qui mène à Saint-Pierre de Rome. En effet, l’Eglise bénéficie en Italie d’un régime fiscal et de revenus confortables. Mario Monti avait, du reste, dans sa grande sagesse politique, engagé à l’automne un bras de fer avec Bruxelles pour éviter de demander à l’Eglise les arriérés dus de l’impôt sur l’immobilier, l’IMU. Un geste qui coûtait 1,2 milliard d’euros à l’Etat italien, mais que l’Eglise n’aura certes pas oublié…
Cette "médiatisation" appelle au moins deux commentaires:
1. La "grosse" presse (qui ne connaît décidément pas de trêve dans le commentaire fielleux!) a certainement ses raisons de donner une résonnance à cet article de l'OR (elle est beaucoup plus discrète quand il s'agit de relayer certaines prises de position du quotidien du Saint-Siège, dès lors qu'elles n'arrangent pas son propre "agenda"). Sans doute les mêmes qui l'ont conduit à présenter Silvio Belusconi somme un bouffon, un rustre, un escroc, et un pervers sexuel.
2. L'OR N'EST PAS la voix du Pape
Ceci étant dit, il est bon d'entendre une voix de bon sens, une voix qui n'a pas peur de transgresser les tabous du politiquement correct, celle de Mgr Negri. Sa récente promotion au titre d'archevêque nous assure au moins qu'il n'est pas mal vu par le Saint-Père.
Au passage, saluons la presse italienne: Mgr Negri est interviewé par la Stampa, l'un des plus grands quotidiens italiens. Je n'ose faire de comparaison avec la France, mais ceux parmi nos évêques qui osent marcher en dehors des clous ne sont jamais invités dans les grands medias. A l'opposé de Mgr Negri, très présent dans la presse transalpine
«De la part du Vatican, plus de prudence dans le soutien au Professeur»
Mgr Negri: les politiciens doivent être jugés sur les valeurs qu'ils défendent.
L'archevêque de Ferrare s'est déclaré sceptique relativement à l'«endorsement» (l'approbation) de Monti par l'Osservatore Romano
(La Stampa, http://tinyurl.com/ameeach )
Mgr Negri, neo-archevêque de Ferrare, collaborateur de longue date du fondateur de CL (Communion et Libération), don Giussani, commissaire de la CEI pour la Doctrine de la Foi et président de la Fondation Internationale Jean-Paul II pour le Magistère social de l'Eglise, nie tout «endorsement» de l'Eglise en faveur du Premier Monti.
Et il prévient: «Monti devrait être jugé comme tous les politiciens sur ce qu'il fait pour la défense de la vie et de la famille, et la sobriété du style ne garantit rien: l'histoire est pleine de totalitarismes extrêmement sobres».
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- Les médias catholiques et la CEI (conférence des évêques italiens, dirigée par le Cardinal Bagnasco) ont pris le parti de Monti?
«Exprimer une évaluation ou formuler une déclaration d'estime ne veut pas dire accorder un certificat de catholicisme à un parti. Dans son message pour la Journée mondiale de la Paix, le Pape a expliqué que les valeurs non négociables sont rationnelles et donc aussi valables pour les non-croyants, mais il y a des partis qui excluent les questions de bioéthique de leurs programmes. Le mariage hommes-femmes, la liberté d'éducation, la protection du caractère sacré de la vie, de sa conception à sa fin naturelle, la subsidiarité. Voilà le test. C'est là que s'évaluent les forces politiques. Dans le cas contraire, le soutien a priori des autorités ecclésiastiques sonnerait comme utilitariste, un «do ut des» (je donne afin que tu me donnes) en contraste frappant avec l'enseignement de Benoît XVI. L'Eglise ne peut pas raisonner en fonction du «donnant-donnant». Je ne crois pas que ce soit l'optique du pape de soutenir un parti ou un candidat».
- Assiste-t-on à une chasse aux «votes du ciel»?
«Nous éduquons les fidèles, nous ne les télécommandons pas aux urnes. Au Synode, le Pape a toujours uni les termes dialogue et identité forte. Quand j'entends parler d'approbation de Monti, je suis certain que cela ne doit pas être attribué au pape. C'est un scénario simpliste et désuet. A quelles conditions prétendent-ils négocier avec la politique? La responsabilité de ceux qui servent de médiateur entre le Pape et le reste de l'Eglise et de la société serait une plus grande prudence et plus de discrétion. Chaque croyant vote librement pour qui il veut, selon les principes fondamentaux de la foi. Le choix de tel ou tel parti est une expression de l'identité, et non le résultat d'un signe «d'en haut».
- Qu'est-ce qui ne vous convainc pas chez Monti?
«La question ne doit pas être personnalisée. En tant que pasteurs, nous ne devrions pas nous réduire à la seule analyse politique, il est donc inapproprié de s'exprimer sur les individus. Ce sont les principes non négociables qui sont les seuls critères pour juger les candidats et les programmes gouvernementaux. Il n'y a aucune trace des thèmes éthiques dans son agenda et je me demande comment on peut parler de soutien de l'Eglise à Monti en l'absence d'un engagement explicite sur les questions de foi fondamentales. Au Vatican et à l'extérieur, il y a eu des interventions des autorités ecclésiastiques qui cependant, ne peuvent pas être interprétés comme un soutien ouvert de l'Eglise au premier ministre. Et même l'accent mis sur le changement de style dans la vie publique semble superficiel. Les livres sont pleins de dictateurs absolument sobres. "