L'étrange après-midi du Pape émérite

Que faisait-il, hier, alors que les cardinaux entraient en procession dans la Chapelle Sixtine? Evidemment, nous n'en savons rien. Nous ne pouvons qu'imaginer, comme le fait ce journaliste italien (13/3/2013)

En ce moment, nombreux sont ceux qui pensent à notre bien-aimé Benoît XVI avec une boule dans la gorge, et mon amie Geneviève en a témoigné hier avec coeur (cf. Conclave: nous pensons fort à Benoît XVI): que fait-il, que ressent-il? Après tout, il est aussi un homme, et nous savons qu'il sait se soucier des petites choses, comme des très grandes.

Je ne suis pas sûre d'aimer l'article qui suit (et je suis même presque sûre que beaucoup ne l'aimeront pas); son auteur m'est d'ailleurs inconnu. Mais, bien que convaincue qu'il donne une image très éloignée de la réalité spitrituelle dans laquelle baigne le Saint-Père Benoît - la métaphore footballistique étant probablement déplacée, mais elle de celles que les gens sont censés comprendre - je l'ai traduit parce qu'en lui restituant son humanité, il donne aussi corps à des questions que beaucoup d'entre nous se sont forcément posés en regardant à la télévision la procession des cardinaux vers la chapelle Sixtine, leur serment solennel, et l'Extra Omnes prononcé par son cérémoniaire très apprécié, Mgr Guido Marini.
Oui, que faisait-il hier à 17h36?
Moi, j'avais immédiatement pensé au plus probable, qu'il était en prières dans sa chapelle privée, et je regrette que l'auteur de l'article ne l'ait pas envisagé. Une nouvelle preuve qu'il y a toute une dimension qui échappe aux journalistes, même quand ils sont bien intentionnés.

Mais l'article n'est pas irrespectueux. Il le montre comme un homme. Une autre façon de le rendre proche de nous.

     

L'étrange après-midi de Ratzinger entre zapping et souvenirs
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Piero Degli Antoni
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Bien sûr, au temps du pape Célestin V, la télévision n'existait pas et la radio non plus. Le premier pape qui démissionna n'apprit sans doute l'élection de son successeur (qui, entre autres choses, le fit emprisonner) que par le message de quelque observateur providentiel.
Evidemment, personne ne pourra jamais le confirmer, mais il est difficile de ne pas penser qu'au contraire, hier après-midi, parmi les millions de téléspectateurs qui ont suivi l'«Extra Omnes», il y avait aussi un homme de 86 ans qui venait de remplacer sur sa carte d'identité, à la ligne «profession», le titre de «pape» par celui de «retraité». Nous pouvons l'imaginer dans son bureau, à Castel Gandolfo, les pantoufles sur le repose-pied, en face d'une télévision de la dernière génération. Un homme en blanc qui regarde les hommes en rouge. Bien sûr, cela a dû être un sentiment étrange pour lui, plus que pour le milliard de catholiques, d'attendre en direct l'éventuelle proclamation. Un peu comme un footballeur qui jusqu'à l'avant-veille, était l'attaquant de l'équipe en tête du championnat et se retrouve à présent dans les tribunes, toujours dans le stade, mais loin du terrain.

Ratzinger aura-t-il - dans la crypte secrète et insondable de son cœur - ses candidats préférés? Ses pronostics? Ses amulettes (ndt: pour conjurer le mauvais sort)? Pour revenir à la métaphore du football, personne ne connaît autant que lui ses coéquipiers, et il sait qui, sur le banc, est le mieux adapté pour remplir le rôle qu'il a quitté. Mais il ne peut le dire à personne. Il connaît aussi très bien les équilibres du vestiaire, les sympathies et les antipathies, le charisme des vétérans et l'innocence des nouveaux arrivants.
Si cela était possible, peut-être, durant l'attente, aurait-il même envoyé un SMS d'encouragement, ou peut-être en aurait-il reçu beaucoup, demandant un conseil, une indication. Au lieu de cela, selon toute probabilité, il a dû se contenter d'appuyer sur les touches non pas du téléphone, mais de la télécommande.

En attendant les premières fumées, aura-t-il revécu les souvenirs de cette autre journée, il y a huit ans? Se sera-t-il ému, enthousiasmé? Cette fois, il participait à ce moment de l'extérieur, comme l'une des nombreuses personnes rassemblées Place Saint-Pierre. Cette fois Extra Omnes valait aussi pour lui. Et le jour de la fumée blanche, quand la vapeur claire des bulletins brûlés s'élèvera dans le ciel de Rome, se sentira-t-il enfin libre ou bien un petit regret lui serrera-t-il la gorge dans un noeud?