Mariage homosexuel: seront-ils les prochains?

Intéressant article de Massimo Introvigne. A la veille de ses élections générales, l'Italie risque-t-elle, elle aussi, d'être contaminée par le syndrome "mariage pour tous". Où l'on verra que le paysage politique transalpin présente plus que des similitudes avec le nôtre... et que contrairement à ce que l'on croit trop souvent, l'herbe n'est pas plus verte dans le pré du voisin. (16/1/2013)

Mariage homosexuel: serons-nous les prochains?
Massimo Introvigne
15/01/2013
http://www.lanuovabq.it/
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La guerre fait rage en France sur les chiffres relatifs à la «Manif pour tous», qui s'est déroulée à Paris ce dimanche 13 Janvier 2013, pour protester contre le projet de loi du président socialiste François Hollande sur «Le mariage pour tous», qui étend la notion de mariage aux couples de même sexe
Comme cela arrive souvent, la police a annoncé un chiffre - 350.000 participants - qui ne concorde pas avec celui des organisateurs (800.000), ni avec celui de la majorité de la presse française, qui oscille entre 500.000 et 600.000 participants (en Italie, curieusement, «La Repubblica» donne un chiffre - 300.000 - qui reste inférieur à celui de la police française). Mais certains disent qu'ils étaient environ un million.

Quoi qu'il en soit, il s'est agi de la plus grande manifestation contre le mariage homosexuel dans l'histoire, et de la deuxième plus grande manifestation contre un projet de loi spécifique dans l'histoire française (la première avait rassemblé plus d'un million de personnes pour la défense des écoles privées - en 1984). Alors qu'il y a quelque temps, une manifestation en faveur du mariage homosexuel a vu défiler à Paris, tout au plus, 150.000 personnes.
Le grand succès de la manifestation à Paris mérite quelques commentaires, y compris de nature politique.

En France, Hollande a réussi à battre aux élections le président sortant de centre-droit Nicolas Sarkozy, parce que beaucoup de Français en avaient assez de la subordination de l'administration Sarkozy à l'Allemagne et aux institutions européennes, et sans doute certains n'appréciaient-ils pas la forte influence de la franc-maçonnerie française sur cette administration (ndt: que Massimo Introvigne veuille bien me pardonner, mais cette remarque est typique d'un intellectuel étranger qui s'informe à travers la grande presse: la plupart des électeurs français ne savaient rien de l'appartenance maçonnique des ministres de Sarkozy; l'alternance est en France - et ailleurs, sans doute - un sport national. Et évidemment, la campagne insensée de la presse contre Sarkozy est La principale raison de sa défaite).
En dépit des promesses électorales, le nouveau gouvernement Hollande continue à dépendre étroitement des institutions européennes de direction allemande dans la gestion de l'économie - renforçant même «l'austérité» et les taxes.
En qui concerne la franc-maçonnerie, pour la première fois dans l'histoire française, trois des quatre ministères «régaliens» qui, traditionnellement, déterminent la politique nationale - Intérieur, Affaires étrangères, Justice et Défense - ont maintenant des titulaires qui ont été initiés dans les loges maçonniques (voir Sophie Coignard, «Hollande et ses francs maçons», Le Point du 3 Janvier 2013, p. 44-48) [nous y sommes!].

Si elle ne dispose d'aucune autonomie dans le domaine économique, l'administration Hollande peut toutefois se distinguer dans le domaine des «droits», en introduisant le mariage homosexuel et, finalement, l'euthanasie.
La manifestation de Paris a eu un grand succès, et a mis le gouvernement en difficulté, parce qu'elle a réussi à rassembler des personnes et des forces très différentes unies par l'hostilité au mariage homosexuel: catholiques, juifs, musulmans, athées, socialistes et même homosexuels envisageant une loi sur le mariage entre personnes du même sexe comme une erreur (ndt: là encore, ce pourrait bien n'être que la surface. La vague de fond était bien différente).

Une manifestation «alternative» (ndt: celle de Civitas) de catholiques, qu'en France on nomme «intégristes», qui ne voulaient pas manifester à moins de préciser que les pratiques homosexuelles - et pas seulement leur reconnaissance juridique - sont toujours un péché, et inacceptables, a sans aucun doute rappelé un point important pour les catholiques, mais - comme on pouvait facilement le prévoir - n'a rassemblé que quelques milliers de personnes, et son importance politique a été plutôt modeste.

Aucune force politique d'une certaine dimension n'a appuyé la manifestation de manière unanime. Le Front national de Madame Marine Le Pen a été divisé, avec sa présidente qui a dit qu'elle ne voulait pas participer, craignant «des dérives homophobes», tandis que défilaient quelques membres du Parti socialiste (ndt: franchement, je ne les connais pas!).

Problèmes seulement français? Peut-être pas. La campagne électorale en cours dans notre pays appelle à une réflexion sur le thème «Aujourd'hui en France, demain en Italie».

La Parti démocratique (gauche) - avec ses alliés de Sinistra e Libertà - propose depuis longtemps une reconnaissance juridique des unions homosexuelles et a au moins le mérite se prononcer sur la question de façon claire et sans détour.
Le Mouvement "5 stelle" de Beppe Grillo et "Rivoluzione Civile" du juge Antonio Ingroia, se sont exprimés, de différentes façons, en faveur de la reconnaissance des unions entre personnes du même sexe.

Ailleurs règne une confusion considérable. L'agenda de Monti prévoit la liberté de conscience pour les parlementaires de la coalition Monti sur ce point. Mais évidemment - en plus des positions connues de Gianfranco Fini - un signe inquiétant est la candidature annoncée, sur la liste qui se réfère au président du Conseil, de militants homosexuels, dont Alessio De Giorgi, responsable du site homosexuel italien le plus populaire, gay.it, qui se présente comme un contrepoint singulier à la présence sur la même liste de catholiques engagés pour la vie et pour la famille, comme le président de Scienza & Vita Lucio Romano et le neurologue Gian Luigi Gigli, qui s'est distingué dans la lutte contre l''euthanasie lors de la tragédie d'Eluana.

Le PDL (Berlusconi) a certest le mérite d'avoir évité, dans les années où il était au pouvoir, la dérive vers la reconnaissance des unions homosexuelles qui ont marqué la France et nos autres voisins. Mais dans cette campagne, en plus de déclarations ambiguës et diversement interprétées de Silvio Berlusconi lui-même, on enregistre des adhésions significatives à des projets de reconnaissance des unions homosexuelles, accompagnées de déclarations pour le moins peu respectueuses envers les catholiques hostiles à de tels projets de la part de membres éminents du PDL comme le coordinateur national Sandro Bondi et l'ancien ministre Mara Carfagna.

En dehors des grandes coalitions, il y a sans doute des formations petites et méritantes qui sont hostiles à la reconnaissance des unions homosexuelles, mais dans le système conçu par la loi électorale en vigueur, leurs chances d'élection de députés et de sénateurs semblent modestes.
A quelques louables exceptions près, les hommes politiques qui se déclarent catholiques ne semblent pas être conscients de la gravité de la question
- il suffit de se rappeler que dans son discours à la Curie romaine le 21 Décembre 2012 Benoît XVI a décrit l'idéologie du «genre» et ses traductions juridiques comme la menace la plus grave qui menace le bien commun et la paix au sein des nations - et parfois soutiennent ouvertement - en opposition évidente avec le Magistère pontifical - que les questions qui comptent sont celles de l'économie, et que faire des «principes non négociables» le principal critère de choix politique est erroné.

La manifestation française et la situation italienne semblent donc contenir les mêmes enseignements.
Ceux qui partagent l'analyse du Pontife, selon laquelle non pas la crise économique, mais les transcriptions législatives de l'idéologie du «genre» sont maintenant le plus grand danger pour le bien commun, ont le devoir d'oeuvrer à créer à l'encontre de ces transcriptions de larges fronts, politiquement efficaces, unissant des personnes et des forces qui sur d'autres questions pensent autrement.
Et il ne faut pas se lasser de souligner que les principes non négociables ne sont pas une «option». Ils sont en fait la boussole pour un jugement catholique sur chaque parti et chaque programmes