Un père est né. L'ADN du nouveau Pape

Pour répondre à nos questions, Carlota a traduit ce portrait du nouveau Saint-Père par Julián de la Morena, responsable du Mouvement Communion et Libération pour l'Amérique latine (19/3/2013)

     

Carlota:
Beaucoup se posent des questions sur le nouveau Pape, surtout parmi ceux qui sont des catholiques plutôt non progressistes (et c’est vrai qu’à lire la große presse plutôt bienveillante l’on peut être méfiant).
Évidemment le Pape François peut déconcerter ne serait-ce que par le fait qu’il vient juste d’arriver de son immense diocèse de Buenos Aires, et n’a jamais occupé de poste à la Curie romaine, mais les observateurs attentifs l’ont entendu parler du diable et de la confession, des mots presque disparus du vocabulaire même de certains prêtres à une certaine époque. Et même si dans un pays aussi difficile que l’Argentine, il n’a peut-être pas pu faire ce que l’on aurait voulu le voir faire (accueil plus favorable des fervents de la messe tridentine), et qu’il n’a pas pu empêcher l’ingénierie sociale version zapatériste dans un pays pourtant encore très majoritairement catholique, il semble avoir montré au gouvernement l’opposition de l’Église. N’oublions pas non plus qu’il ne faut pas regarder l’Argentine comme l’on regarde par exemple la France, et que chaque pays a son histoire propre, un peuplement propre. Bref pour l’instant le Pape François a peut-être une vision pas tout à fait universelle, pas toujours aussi « liturgie traditionnelle » que Benoît XVI, et plus latino-centrée (1) mais nous somme confiants qu’il va savoir nous aider, nous aussi Européens, peut-être pas encore aussi pauvres matériellement parlant que certains de son ancien troupeau des rives du Río de la Plata dont il parle, mais tout aussi pauvres de cœur et d’esprit, et pourquoi n’aurait-il pas comme son prédécesseur non pas une méthode mais plusieurs pour nous guider, nous sermonner, nous consoler, dans l’amour du Christ.
Julián de la Morena, responsable du Mouvement Communion et Libération pour l’Amérique latine, dresse de notre nouveau Pape, un portrait qui peut répondre à certaines questions.
L’original ici http://www.paginasdigital.es

     

Un père est né. L’ADN du nouveau Pape

De nouveau l’Esprit Saint a soufflé où il a voulu, cette fois dans hémisphère sud, désarmant tous les pronostics et mettant en évidence que nos pensées ne sont pas celles de Dieu.

L’expectative que nous avons vécue sur toutes les latitudes depuis que la fumée blanche est apparue par la cheminée de la Chapelle Sixtine jusqu’à ce que se soit ouvert le balcon de la basilique Saint Pierre et que soit apparu l’élu, le nouveau Vicaire du Christ sur la terre, est semblable à l’émotion que l’on éprouve dans les familles quand naît un nouvel enfant, sauf que dans ce cas celui qui « naissait » c’était un père. L’Église a vibré avec des sentiments de gratitude et de joie, en recevant un homme qui vient du bout du monde pour être l’évêque de Rome, en définitive, appelé à être le père de tous.

Les cardinaux ont démontré au monde en élisant le Cardinal de Buenos Aires que l’Église est un corps vivant, capable de surmonter d’innombrables crises, mais en même temps d’offrir une vie et une espérance chaque fois renouvelée. Et ils les ont tous défiés en regardant le futur stimulés par les vies de Jean Paul II et de Benoît XVI.

L’ADN du Pape François a montré être celui d’un homme avec une grande simplicité évangélique, désarmante, qui l’ont transformé en un constructeur de ponts de communion à l’intérieur de l’Église comme ce qui est arrivé lors de la rencontre du CELAM (ndr conseil épiscopal latino-américain, et des Caraïbes) à Aparecida (Brésil) en 2007, avec tout l’épiscopat latino-américain, où sa contribution fut décisive pour montrer la véritable nature de l’Église.

Le nouveau pape est un homme de prière qui a su vivre engagé avec ceux qui souffrent le plus sans tomber dans la logique de la théologie de la libération, comme l’a mis en évidence tout le soutien qu’il a donné aux prêtres qui sont dans les bidons villes de Buenos Aires, appelés familièrement les curés « villeros » (ndr en référence au terme « villa » qui s’emploie là dans le sens de zones d’habitation misérables, l’on pourrait dire les curés zonards). La préoccupation avec les plus pauvres a été tout d’abord que le Christ ne leur manque pas en envoyant un nombre significatif de prêtres et en se faisant présent lui-même avec les plus défavorisés. Il part de la conscience de ce que l’homme a besoin de pain mais avant il a besoin de Dieu. Cela a permis une proposition intégrale de la vie de l’Église de telle manière que l’impact des sectes, qui en d’autres lieux du continent comme le Brésil et l’Amérique Centrale a été très fort, a été ici mitigé (2).

Il n’a pas eu une situation facile dans les relations avec les gouvernements argentins, il a condamné sans ambigüité la dictature comme le terrorisme, en rejetant tout compromis avec la violence. Actuellement le Gouvernement de Cristina Kirchner (3) maintient une relation de confrontation avec l’Église, mais il ne s’est pas montré disposé au choc et a cherché à être clair d’un côté mais ne pas créer des guerres qui divisent plus la société argentine.

Mais le pape que nous verrons sera très supérieur, comme c’est arrivé avec ses prédécesseurs, à l’homme que nous pensions connaître. Il défendra la liberté de l’Église et nous montrera une partie du Christ que nous ne connaissons pas. Il convient que nous l’accueillons comme des fils, attentifs et dans l’attente de la créativité du Mystère durant son Pontificat.

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Remarques de traduction

(1) L’Argentine c’est cinq fois la superficie de la France, 40 millions d’hts soit presque 100 fois plus qu’au moment où certains Espagnols ont voulu faire sécession avec la mère patrie de (à la fin du XVIII, 0,5 million d’hts ; 1 million en 1870, 4 millions en 1895, 8 millions en 1914, 15 millions en 1947, ces quelques chiffres pour montrer que le peuplement de l’Argentine est lié à une énorme immigration non hispanique). Actuellement 86% des Argentins sont encore baptisés catholiques, 5% protestants, 2% sont musulmans. Il y a aussi parmi d’autres minorités dont des chrétiens d’Orient, l’une des plus fortes minorités juives du monde.

(2) Cette capacité à combattre les sectes au sens large, car malheureusement il y a des « frères chrétiens » qui ne s’occupent pas que de l’ « évangélisation » des non chrétiens, n’est pas à négliger et nous pouvons espérer que les JMJ brésiliennes seront pour les jeunes Américains une extraordinaire possibilité de redécouvrir leur catholicité.

(3) Mme Kirchner, qui est arrivée à Rome pour la messe de prise de fonction du Pape, a été le premier chef d’État à être reçu ce lundi 18 mars 2013 par le Pape, pour une visite privée, par courtoisie par rapport à sa nationalité et au peuple argentin dont est issu François.