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Deux hommes, un seul cœur

Dans son éditorial de La Bussola, Riccardo Cascioli revient sur la rencontre du 23 mars. Il s'interroge- lui aussi! - sur la "francescomania" des medias... (24/3/2013)

http://www.lanuovabq.it/it/articoli-due-uominiun-solo-cuore-6102.htm
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Images inoubliables, celles de samedi avec les deux papes qui prient ensemble devant l'image de la Vierge Noire de Czestochowa; et inoubliable l'image de leur étreinte à l'arrivée de François à Castel. Une rencontre sans précédent dans l'histoire de l'Eglise, sur laquelle on a déjà beaucoup écrit.
Mais c'était aussi une rencontre réconfortante après le fleuve de commentaires lus et entendus en ces premiers jours du pontificat du pape François, visant à créer une opposition entre le pape actuel et son prédécesseur: pauvreté contre richesse, accueil contre rigidité, présence parmi les gens contre enfermement dans les palais. Sottises basées sur certains aspects extérieurs, sottises emportées par l'affection sincère que Benoît et François se sont témoignés.

En réalité, déjà les premiers discours et homélies du pape François avaient mis en évidence la continuité substantielle, notamment en proposant la personne du Christ au centre de l'annonce, en identifiant dans le manque de foi l'origine de la crise du monde moderne et de l'Église. Pourtant, à regarder les journaux et les émissions de télé ces jours-ci, on voit émerger une interprétation de rupture, l'avènement d'une ère nouvelle, et même un pape «justicier». Donc, quelque chose de complètement nouveau, qui toutefois coïncide avec les mêmes attentes anciennes: ainsi les signes extérieurs de pauvreté - comme la renonciation à la croix et à l'anneau d'or, ou celle aux chaussures rouges - qui appartiennent à la personnalité du pape Bergoglio, dans l'imaginaire collectif ont déjà été traduits en prêtrise pour les femmes, mariage des prêtres et, bien sûr, dédouanement du préservatif.

On a vu aussi immédiatement surgir des "légendes urbaines", comme celle selon laquelle François, à peine élu, rejeta la mozzette de velours rouge bordée d'hermine, apostrophant le maître de cérémonie Mgr Marini, en disant: «Ce machin, vous le mettez vous-même, le temps du carnaval est terminé». Ou encore l'expulsion de la Basilique de Sainte Marie Majeure, visitée le lendemain de son élection en tant que pape, du cardinal américain Bernard Law, en raison de son rôle dans la couverture des prêtres pédophiles (en fait, il y a des photos de leur rencontre amicale).
Mais par-dessus tout, on a assisté à un phénomène tout à fait nouveau: la grande presse laïciste exalte généralement les papes morts pour taper celui qui est en charge. Dans ce cas, en revanche, au moins pour l'instant, on a l'impression que l'on exalte le pape actuel pour taper sur son prédécesseur.(1)

Ainsi, il a semblé que la grande foule était une nouveauté sans précédent, oubliant qu'il y a seulement quelques semaines, sur la même place, des centaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées pour saluer le Pape Benoît XVI aux derniers Angélus et à la dernière audience (et nous voulons rappeler que les audiences de Papa Ratzinger ont été marquées durant ces dernières années de participation record); idem pour le tour de la place Saint-Pierre à travers la foule à bord de la jeep découverte, un signe d'une proximité inhabituelle avec le peuple, mais il est facile de trouver des image, montrant le pape Benoît XVI faisant le tour de la place Saint-Pierre sur la même jeep découverte, oubliant que la papamobile aux vitres blindées a été le résultat de l'attentat contre Jean-Paul II (et la jeep, ce n'est pas la papamobile).

Cela ne veut pas dire que, dans le passage de Benoît XVI à François ,rien n'a changé: la personnalité et les manières des deux sont très différentes, sans doute Papa Francesco interprétera-t-il son pontificat à sa manière et fera aussi choses différemment de son prédécesseur, mais ne faut pas confondre les détails, les choix contingents, avec ce qui est essentiel.

D'autant plus que dans les journaux et à la télévision, l'opération «Vive François» est pour le moins suspecte, tendant à caser le nouveau pape dans un schéma acceptable pour le monde. A commencer par le nom, qui a suscité des descriptions fantaisistes de Saint François, réduit à un simple phénomène. En conséquence, il est arrivé que de nombreux journaux ont complètement ignoré le passage du discours du Pape Bergoglio au Corps diplomatique, dans lequel il affirme que, en plus de la pauvreté matérielle, il y a aussi la pauvreté spirituelle, identifiée avec la «dictature du relativisme» dont Benoît XVI a tellement parlé. Donc, pour des millions de lecteurs, le Pape a parlé seulement de la pauvreté matérielle.

Si à ce chœur trompeur se joint également le directeur de la télévision des évêques italiens, alors la question devient déroutante: ces derniers jours un certain nombre de lecteurs nous ont écrit, indignés à juste titre par les propos déplacés entendus dans les directs de TV2000, comme lorsque le directeur a explosé en disant que «l'ère du pape-roi est finie» (Jean-Paul II et Benoît XVI, papes-rois?) ou que «finalement, l'Eglise ouvre ses bras à tous», la miséricorde rapproche déjà les gens qui «avant étaient éloignés d'une Église rigide, qui inspirait la peur» (et des millions de jeunes et de familles, qui depuis Jean-Paul II accouraient à chaque occasion pour être avec le pape, nous les avons rêvés?) (2).

Nous n'avons aucune illusion que la rencontre de samedi dernier fera revenir sur eux-mêmes les grands chroniqueurs et opinionistes, mais au moins beaucoup de gens auront pu voir de leurs yeux, dans cette étreinte fraternelle, une image vraie de l'Eglise, une amitié et une profonde communion pour lesquelles les différences culturelles et de caractère ne sont pas un obstacle, mais bien une richesse dont on peut se réjouir sans antagonisme.

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(1) cf. http://benoit-et-moi.fr/2011-II/ .
Massimo Introvigne s'était trompé comme tous ceux qui - en toute bonne foi - refusait de croire que la cible de l'hostilité était le Pape allemand, le gardien de la foi.

(2) Une dame chargée (il me semble), au seins de la CEF, des dons à l'Eglise, a dit ce matin qu'elle espérait que l'arrivée de ce Pape si ouvert, si proche des gens allait enfin permettre d'améliorer les finances de l'Eglise en France.
Outre que son insinuation était révoltante, elle me paraît prendre ses désirs pour des réalités