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Encyclique, et herméneutique de la continuité

Une réflexion de l'éditorialiste du Catholic Herald, William Oddie, déjà rencontré dans ces pages. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle a été publiée le 23 mai, soit juste la veille de l'annonce - ensuite démentie - d'une "encyclique à quatre mains". Occasion de revenir sur la première encyclique de Benoît, "legs" de JP II (25/5/2013)

>>> Image http://vincenziani.org
>>> De Willian Oddie: Les pères ne démissionnent pas

>>> Voir aussi:
¤ L'encyclique des deux Papes
¤ Encyclique sur la foi: le démenti du Père Lombardi

Merci à mon amie Teresa (freeforumzone.leonardo.it), grâce à qui j'ai eu accès à ce texte.
L'avoir traduit n'implique évidemment pas un assentiment de ma part. Mais: why not?

     

Le pape Benoît n'a pas terminé sa dernière encyclique.
Sa première, «Deus Caritas est», avait été commencée par Jean-Paul II: Le Pape François ne pourrait-il pas compléter sa dernière?
Plus encore: nous avons maintenant deux papes - pourquoi pas le premier document papal commun?
Jeudi 23 mai 2013
William Oddie
(Original en anglais www.catholicherald.co.uk, ma traduction)
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Hier matin, alors que je me demandais ce que j'allais écrire, on a sonné à ma porte: c'était Parcelforce (ndt: service de courrier, l'équivalent britannique disons de Chronopost), avec un gros paquet, provenant de la Catholic Truth Society, qui me faisait la courtoisie de m'envoyer plusieurs de ses dernières publications. Il y avait également un beau livre richement relié, qui m'a rempli d'un mélange de plaisir et de tristesse: c'étaient les encycliques complètes du pape Benoît XVI.

Ou plutôt, ses encycliques incomplètes: d'où, en partie, la tristesse.
En Décembre dernier, alors que l'idée de la démission du pape Benoît XVI était la chose la plus éloignée de l'esprit de quiconque, le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, avait annoncé que la quatrième encyclique du pape Benoît XVI serait publiée dans la première moitié de 2013. Elle viendrait compléter une trilogie, ou plutôt une série de quatre, sur les vertus théologales: une série de quatre, parce que la vertu de charité avait fait l'objet de deux encycliques, Deus Caritas Est (2005) et Caritas in Veritate (2009); la vertu de l'espérance avait été traitée dans Spe Salvi (2007): la série devait se terminer avec une encyclique explorant le sujet de la foi: celle-ci devait paraître durant l'année de la foi elle-même.

Alors, pourquoi n'est-elle pas parue quand elle était censée le faire, si elle était si proche de son achèvement? Le Pape Benoît n'aurait-il pas pu la terminer d'abord, et démissionner ensuite? Presque certainement, il ne l'a pas fait, parce qu'il y avait quelque contretemps majeur dans le processus de son achèvement, lui faisant comprendre qu'il y aurait un retard considérable.
Le problème est qu'une encyclique papale n'est pas seulement écrite par le pape: ce n'est pas comme écrire un livre, sur lequel l'auteur a le contrôle complet. Ces documents sont normalement le produit de beaucoup de va-et-vient impliquant des hauts fonctionnaires de la curie romaine, en particulier la CDF; il y avait eu, selon moi, une sorte d'obstruction, ou peut-être devrais-je dire plus charitablement , de complication, du genre qui a causé le fait que la dernière Encyclique de Benoît XVI Caritas in Veritate (2009) soit parue plus d'un an après la date prévue.

2005 semble aujourd'hui loin: mais qui pourrait oublier l'excitation et pour beaucoup, surtout dans les médias laïcs, l'extrême surprise, causées par la parution de la première encyclique de cette extraordinaire série de textes du Magistère? Le compte-rendu du Guardian sur Deus Caritas Est était intitulé: «Le pape surprend les catholiques avec des mots chaleureux sur le pouvoir de l'amour». Il était écrit par Stephen Bates, le spécialiste religion du Guardian, lui-même catholique, et son ton d'étonnement satisfait, comme je le notais à l'époque, «reflètait la réaction générale chez les catholiques hostiles à l'orientation générale du dernier pontificat, et en particulier à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et son ancien préfet soi-disant glacial».

«Le pape Benoît XVI a dégelé son image précédemment frisquette - écrivait Bates - en présentant comme premier message à son 'troupeau mondial', une chaleureuse réflexion sur la nature de l'amour. Deus Caritas Est ... a été accueillie avec étonnement et soulagement parmi les catholiques seniors ». Le message de l'encyclique, affirmait Bates, «était loin de l'index tendu "tu ne feras pas" qui caractérisait certaines des déclarations de son prédécesseur et contrastait avec la réputation sévère de Benoît ....».

C'est assez vrai: le ton de l'encyclique démentait effectivement la «réputation sévère» du pape: mais, doit-on se demander, d'où venait-elle? La réponse est que le glacial "Panzer-Cardinal" Ratzinger d'autrefois était du début à la fin, une construction des médias. Mais ce que la presse a construit, la presse peut le déconstruire, et il s'en est suivie, comme je l'ai écrit dans le magazine Faith, l'année suivante, une transformation des médias «inégalée.. depuis que Dickens dans "The Christmas Carol" décrivit le vieil Ebenezer Scrooge, transformé par l'Esprit de Noël, étonnant et effrayant même un peu la famille Cratchit en revenant le jour de Noël avec une énorme dinde (l'encyclique avait été signée le jour de Noël)».
«Il n'y avait jamais eu une telle dinde», écrit Dickens: «Il n'y avait jamais eu une telle encyclique", écrit presque Ruth Gledhill, dans The Times (qui accordait à Deus Caritas Est une double page).

Le bonne Mrs Gledhill attendait une nouvelle dose de déception: «J'ai commencé à lire Deus Caritas Est en m'attendant à être déçue, punie, et d'une façon générale démolie», écrit-elle. «Une encyclique sur l'amour, venant d'un pape de droite ne pouvait contenir que les condamnations plus accablante de notre matérialiste société occidentalisée; davantage d'évocations du «mal intrinsèque» de la contraception, du mariage des prêtres, de l'homosexualité. Elle continuerait probablement la grande tradition de mépris de l'Église pour l'érotique, une tradition qui garantit une gueule de bois coupable à tout catholique qui ose s'aventurer à faire l'amour pour une autre raison que celle primaire de la reproduction. Comme c'est merveilleux d'avoir tort. Cette encyclique - poursuit-elle - n'est pas l'œuvre d'un inquisiteur. Elle est l'œuvre d'un amoureux - un vrai amoureux de Dieu ».

Même The Tablet (ndt: catholique libéral) était enthousiaste. «La première encyclique du pape Benoît XVI - écrit le directeur - confirme qu'il est un homme d'humour, de chaleur, d'humilité et de compassion, désireux de partager l'amour que Dieu prodigue sur l'humanité, et de le présenter comme la réponse aux besoins les plus profonds du monde. C'est le «produit» remarquable, agréable et même attachant des premiers mois du pape Benoît XVI. Si les premières encycliques donnent le ton à une nouvelle papauté, alors celle-ci a commencé assez brillamment».

Bon, The Tablet a bientôt retrouvé son vieil équilibre anti-ratzingerien (ouf!), mais il essaie aujourd'hui de témoigner pour le Pape François le même genre d'enthousiasme qu'il avait eu au début pour Benoît XVI, en espérant qu'il va se révéler un joyeux libéral: mais je prédis que le journal ne persistera pas longtemps dans cette voie, une fois que le nouveau Saint-Père aura établi, comme il est déjà en train de le faire, qu'en dépit de ses manières attachantes, il croit inévitablement exactement les mêmes choses que son prédécesseur, la fonction de base du ministère papal étant de garantir la continuité du magistère de l'Église: il n'y aura jamais un pape au goût de The Tablet, à moins que et jusqu'à ce que cet organe ne redevienne une fois de plus ce qu'il était dans ses beaux jours, sous Douglas Woodruffe.

Ce qui me ramène à l'encyclique «perdue» du pape Benoît XVI sur la vertu théologale de la foi.
Le Père Lombardi explique que le pape Benoît pourrait éventuellement publier le document sous son propre nom, mais ce ne serait pas du tout la même chose. Il ne ferait alors pas partie du magistère pontifical.

Mais pourquoi le Pape François lui-même ne pourrait-il pas terminer et ensuite promulguer cette encyclique sur la foi?
On rappelle rarement que la première encyclique du pape Benoît XVI, Deus Caritas Est, avait été commencée par son prédécesseur.
François, après tout, est désormais le pape qui présidera la phase finale de cette année de la foi. Les enseignements des encycliques papales font partie de l'organe permanent de l'enseignement papal. Nous avons pour la première fois, deux papes (???) , vivant à proximité l'un de l'autre dans la Cité du Vatican. Pourquoi pas une autre première: une encyclique commune? La première encyclique du Pape François pourrait alors être la dernière du Pape Benoît.

Si le pape François, ainsi que tous ceux qui étaient déjà impliqués dans la composition de l'encyclique du pape Benoît XVI sur la foi, allait aujourd'hui la compléter, et éventuellement la publier sous les noms conjoints des deux papes (bien que ce ne soit pas indispensable) son prédécesseur mourrait sûrement heureux de l'avoir laissée incomplète. Elle aurait alors servi comme l'illustration parfaite d'une de ses plus célèbres formules, et son principe doctrinal le plus fondamental: «l'herméneutique de la continuité».

     
Rappels...
A propos de Deus Caritas est

Lors de l'audience du 18 janvier 2006, le Pape annonçait lui-même la parution de sa première Encyclique (il n'était pas question de l'ébaucche de JP II, et connaissant son extrême précision, cela m'inspire quelques doutes sur la fiabilité des informations de W. Oddie..)

Dépêche de l'Agence ASCA.
Ma traduction (http://beatriceweb.eu) :

Benoît XVI a annoncé en personne, improvisant sans notes, la publication de sa première encyclique. Et il l'a fait au cours de l'audience générale, à l'issue de la cathéchèse sur la semaine de prière de l'unité des chrétiens qui se conclura le 25 janvier.
(ASCA, 18 janvier 2006)
"Ce même jour, le 25 janvier - a ajouté le pape, levant les yeux du texte avec ferveur - sera finalement aussi publiée ma première encyclique (NDR: applaudissements), dont vous connaissez déjà le titre 'Deus caritas est'", Dieu est amour, ce n'est pas immédiatement un thème oecuménique, mais dans le vaste cadre, le fond du thème oecuménique, c'en est un, car l'amour de Dieu, et notre amour, c'est la condition de la vie des chrétiens, c'est la condition de la paix dans le monde.
Dans cette encyclique, je voudrais montrer ce concept de l'amour dans ses différentes dimensions.
Dans l'idéologie que nous connaissons aujourd'hui, l'amour apparaît très loin de ce qu'un chrétien pense de la charité chrétienne, mais je voudrais montrer qu'il s'agit d'un unique mouvement avec différentes dimensions.

Il y a l'eros, ce don d'amour entre un homme et une femme qui vient de la même source de bonté du Créateur, c'est avec cette possibilité d'un amour qui renonce à soi en faveur de l'autre que l'eros se transforme en agape, dans la mesure où les deux s'aiment réellement , et chacun finalement ne recherche plus soi-même, sa propre satisfaction, ses propres délices, mais cherche avant tout le bien de l'autre.
Et ainsi, cet eros se transforme en charité, au cours d'un chemin de purification, d'approfondissement. Il s'ouvre ensuite avec la famille , il s'ouvre à la famille plus grande de la société, à la famille de l'Eglise, à la famille du monde.
Et je cherche aussi à démontrer que l'acte si personnel de l'amour qui nous vient de Dieu, est un unique acte d'amour qui doit aussi s'exprimer comme un acte écclésial, et même organisationnel.
S'il est réellement vrai que l'Eglise est l'expression de l'amour de Dieu, que Dieu a pour sa créature humaine, il doit être vrai aussi que l'acte fondamental de l'Eglise unit l'Eglise, nous donne l'espérance de la vie éternelle, et que la présence de Dieu dans le monde génère un acte ecclésial, c'est-à-dire que l'Eglise en tant qu'Eglise, en tant que communauté, en tant qu'organisme institutionnel, doit aimer.
Et ce que nous appelons Caritas n'est pas une simple organisation, comme il y a d'autres organisations philosophiques, mais nécessaire expression de l'acte plus profond de l'amour personnel que Dieu a créé dans notre coeur, et c'est le reflet de cet acte que Dieu est, et qui nous rend image de Dieu.

Alors, jusqu'à ce que tout soit prêt, traduit, etc.., il s'est passé du temps. Mais maintenant, il m'apparaît que c'est un signe de la Providence que justement en ce jour où nous prions pour l'unité des chrétiens, le texte soit prêt, il peut nous éclairer, et nous aider dans notre vie de chrétiens...

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Pour présenter le texte, le Saint-Père avait eu recours à un procédé inédit: il avait écrit une lettre aux lecteurs de la revue "Famiglia Cristiana", dont le n° courant proposait un exemplaire de l'encyclique.
On lira la traduction en français ici: beatriceweb.eu/downloads/famillechretienne.pdf