Accueil | D'un Pape à l'autre | Retour au Vatican | Collages de Gloria | The hidden agenda | Lumen Fidei | Lampedusa | Benoît et les jeunes

Où va le Pontificat ?

La lettre de Jeannine, réagissant à son tour au « fauteuil vide » - pourtant généralement encensé par la presse (25/6/2013).

Elle est assez sévère. Je lui laisse évidemment la responsabilité de ses propos !!

Mais après tout, les jugements qu'à de rares exceptions près nous avons entendus à ce jour, comme le sien, quoique dans un sens opposé, se réfèrent eux aussi exclusivement à l’homme, puisque le pape n’a encore rien fait, sinon des gestes, que l'on a le droit de ne pas apprécier.

     

Chère Béatrice,

Merci pour votre traduction de la si belle homélie donnée par le « jeune archevêque » cardinal Joseph Ratzinger pour la messe célébrée dans sa cathédrale en hommage au Pape Paul VI qui venait de rejoindre la maison du Père (Une homélie inédite de Joseph Ratzinger). Un véritable morceau choisi plein de foi, de finesse, de notes personnelles délivrées avec discrétion mais aussi conviction; l'ampleur de la pensée de celui qui le prononce, les paroles de son frère Georg disant qu'il admire en lui sa prescience des évènements futurs, sa justesse de vue, sa détermination, tout cela apparaît encore plus prégnant à la lumière de la décision libre et mûrement réfléchie du 11 février 2013.

Paul VI et Benoît XVI font partie de cette catégorie de personnages racés, distingués, dotés d'une double richesse : intellectuelle et spirituelle, ouverts au monde, animés d'une foi indéracinable et pour qui la Croix n'est pas un vain mot. Ils inspirent le respect, la reconnaissance, l'admiration, l'affection mais sont dépourvus de la trop grande simplicité populaire qui permet de paraître inoubliable; encore faut-il avoir du recul pour évaluer la pérennité de cette reconnaissance des foules qui s'enthousiasment et haïssent avec autant de chaleur que de rapidité. Paul VI est mort à Castel Gandolfo dans la solitude alors que des millions de personnes l'avaient applaudi mais il y a eu la défense du célibat des prêtres qui l'a rendu responsable de la fuite de ces derniers et des églises qui se sont vidées et le refus de la pilule; alors il a été bon à jeter aux chiens, comme quoi la renommée tient à peu de choses. Heureusement que l'Eglise a le culte des anniversaires et on voit réapparaître ce pape qui a beaucoup voyagé et loin du Vatican à une époque où le Souverain Pontife restait à la maison. Bien sûr il n'a pas transformé son pontificat en un parcours incessant de toutes les nations mais dire que Jean-Paul II a été l'initiateur des déplacements continus et lointains a été injuste à l'égard de ses prédécesseurs et cela aussi, entre autres choses, m'a déplu.

La simplicité telle que je la conçois, pas celle du pape François munie d'une mince couche de vernis, n'est pas une qualité très répandue. Le coup du fauteuil blanc vide ne m'a pas étonnée. Lorsqu'on se retranche derrière le titre d'évêque de Rome et grand amateur de bains de foule, le fait de se trouver bien en vue, sur le fauteuil blanc réservé au pape et les remerciements à défaut de commentaire à faire en fin d'exécution des œuvres interprétées, tout cela a dû lui paraître un pas irrévocable à franchir dans l'intégration à sa fonction.

Mgr Fisichella est beaucoup mis à contribution: a-t-il été ravi d'avoir à annoncer l'absence du pape et, pour retrouver la dissimulation tant reprochée à l'Eglise, de devoir fournir un prétexte cousu de fil blanc? De toute façon, avec une touchante connivence, le pape est défendu. Le Père Laurent Mazas, directeur du Parvis des Gentils dont dépend le Parvis des Enfants (23/6) a déclaré à Zenit « le pape peut bien manquer un concert... Il a travaillé toute l'après-midi de samedi à Saint-Marthe. Mais pas question en revanche de décevoir les enfants. Et puis c'était dimanche ». Bonne comme je suis, j'en ai conclu que le dimanche était réservé aux loisirs et que le concert du samedi était une corvée. Dans ce faux prétexte qu'en est-il de l'hypocrisie vilipendée par le curé de Rome?

De la seconde où j'ai vu Mgr Gänswein et le docteur présents dans l'assemblée j'ai su que Benoît XVI était hors circuit d'inquiétude et donc le fauteuil blanc vide ne m'a pas posé de problème, déception dans la salle mais pas pour moi. J'ai suivi sur le CTV le concert en direct. La salle Paul VI était la même, l'éclairage de la sculpture de la Résurrection varié; j'ai écouté avec plaisir et admiré les instruments si nombreux qui, sous les doigts des musiciens, participent à la qualité des prestations. La caméra n'a pas survolé la salle comme elle le faisait très brièvement pour Benoît XVI pendant que les exécutants jouaient.
Benoît XVI m'a manqué, la frêle et élégante silhouette blanche n'était pas là. Je savais qu'il n'y aurait pas la joie de retrouver en fin de rencontre les remerciements et le commentaire circonstancié d'un pape raffiné, musicien dans l'âme, plein de sensibilité et de connaissances profondes en la matière. Bercé par la musique depuis l'enfance, élevé dans une famille où musique et beauté servaient à exalter la joie de la foi, c'est ce pape musicologue qui m'a manqué, pas seulement pour son érudition dans ce domaine comme dans tant d'autres, mais pour son exquise politesse, son très grand souci de l'autre, son humilité, la véritable, qui le faisait se sentir comme un simple serviteur pour travailler la vigne du Seigneur et accepter, jusqu'à l'épuisement, une fonction qui changeait sa vie et l'attachait encore plus à la Croix. Mgr Gänswein n'a pas hésité à dire que le pontificat avait été ressenti comme un véritable tsunami par le nouveau pape, il y a huit ans. Comment oublier que lors du concert offert pour l'anniversaire de son frère (19/1/2009) il a eu la délicate et affectueuse attention de ne pas faire de commentaire et donc ainsi de s'effacer mais le fauteuil blanc était occupé. J'entends encore Benoît XVI avec sa voix éraillée malgré les boissons apportées et les pastilles sucées discrètement pendant les audiences (j'aimais bien ce côté fragile, humain de notre Saint-Père) demander de bien vouloir l'excuser pour « (sa) pauvre voix ». Toutes les obligations fixées ont été honorées mais toutes l'ont-elles été avec un égal bonheur pour lui? j'en doute. Le deuxième voyage en Allemagne lui a réservé des couacs retentissants, certaines rencontres avec des jeunes ont été l'occasion de spectacles qui pouvaient être diversement appréciés et qui ne correspondaient en rien à ses goûts mais il était là et remerciait. Dans le Benedetto XVI forum, véritable mine d'or pour les photos de notre Benoît, je relevais depuis longtemps des expressions de visage qui parlaient d'un pape qui paraissait parfois très loin et ne cherchait pas à jouer avec le photographe. Toutes les nuances défilaient sur le visage racé, expressif mais j'y trouvais de plus en plus souvent, selon moi, une sensation de tristesse, de lassitude et cela m'inquiétait, je n'avais pas tort. Epuisé, il a rempli scrupuleusement les engagements prévus jusqu'au 28 février 2013. Il suffit de regarder les gros plans sur son visage pour mesurer la volonté qu'il lui a fallu pour arriver à la date fixée par lui en toute liberté. Un évêque ou un cardinal , je ne sais plus, disait en 2005 " ce pasteur intérieurement pacifié est totalement libre ". Il l'a prouvé mais a fait le pape jusqu'à l'extrême limite.
...

J'ai aperçu votre article sur la reculade des évêques français; ce ne sont pas des foudres de guerre.

La Croix a fait un article sur la fameuse homélie de 1978. Elle n'est pas citée en entier mais la renonciation est déjà envisagée par le cardinal Ratzinger et l'on retrouve l'allusion très directe au fait de ne plus avoir un moment de vie privée. Un peu moins de 35 ans après celui qui est devenu Benoît XVI en parle deux fois lors de sa dernière audience générale le 27 février. Il y a eu le pontificat chahuté, l'usure liée à l'âge, une hostilité permanente, des moments de joyeuse lumière qu'il ne faut pas oublier mais il lui a fallu renoncer à ce qui était sa vie, ne plus s'appartenir. Jusqu'à la mort de sa sœur il a été très entouré et par la suite il a été attaché aux personnes qui s'occupaient de lui. Aimant la solitude mais pas solitaire il a besoin d'une certaine stabilité et reste fidèle aux personnes qui recréent "la maison" pour lui. Les memores domini l'ont suivi, Mgr Gänswein reste au monastère, c'est une vie simple, stable, qui lui permet de récupérer de tout ce qui l'a agressé et de mener une vie hors du monde.

Continuez à fouiller dans vos richesses, ce nouveau pontificat ne me dit rien qui vaille. Ai-je tort de penser à Vatican 2035 et au clan des Mexicains?

Jeannine