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Quand les loups se sont tus

Le blogueur espagnol César Uribarri se pose cette question: les loups ont-ils eu une influence dans le départ de Benoît XVI et l'élection de François? Formidable réflexion, traduite par Carlota (2/4/2013)

     

Carlota, 1er avril 20132
Voici un texte de César Uribarri, un Espagnol, qui a un blog hébergé par « Religión en Libertad ». Ce n’est pas un catholique progressiste et son texte est loin d’être optimiste mais il a le mérite de faire peut-être écho à l’expectative, pour ne pas dire l’inquiétude (voire plus) d’un retour des « théoriciens » d’un certain esprit du Concile…
En effet pour certains jeunes et moins jeunes Européens qui reviennent de loin grâce à l’impulsion du très humble mais tellement lumineux Benoît XVI, la « modernité » perçue (mal perçue à cause des médias ?) chez le Pape François peut leur sembler complètement rétrograde et dépassée, et même plus, dangereusement inconsciente face aux ennemis de l’Église.
Ces jeunes et ces moins jeunes croyaient ne pas avoir attendu le « je préfère une Eglise accidentée dans la rue à une Eglise autoréférentielle » de François (je schématise car le texte était beaucoup plus nuancé), et être déjà sortis depuis bien longtemps du « dogme de l’enfouissement » de l’Eglise moderne « inodore et sans saveur », qui ne devait pas choquer ceux qui la voudraient comme une « secte » ou une « pratique religieuse parmi d’autres » et surtout la plus inoffensive possible et incapable de s’opposer aux mensonges du monde.
Ces jeunes et ses moins jeunes pensaient savoir pourtant qu’un navire, sans un équipage expérimenté aux repères forts, a d’autant plus de mal de naviguer dans la tempête… Mais le futur Pape ne s’adressait pas forcément qu’à eux…

Je veux résolument continuer à croire qu’il ne faut pas s’arrêter à ces premières images du nouveau pontificat. Le faire serait à coup sûr servir l’ennemi et ce n’est pas par hasard s’il tente cette tactique.

Original en espagnol ici: www.religionenlibertad.com

     

Étranges dissonances, ou quand les loups se sont tus
César Uribarri
28 mars 2012

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Le pontificat de Benoît XVI a été infesté de loups et il s’est chargé de nous le rappeler. Il ne voulait pas les fuir, il ne voulait pas fuir par peur d’eux. Parce que le loup, de par sa nature, fait peur. Et celui qui les a vus et a senti leur souffle sait de quoi il parle, en faisant référence à la terreur de leur présence. Benoît paraissait savoir de quoi il parlait, comme quelqu’un qui les a vus, comme quelqu’un qui a perçu leur souffle. C’est peut-être pour cela, comprenant que le premier mécanisme de défense devant le danger, c’est, une fois qu’il est connu, de l’exprimer, de le rendre public, qu’il se chargeait de nous rappeler leur présence.
Mais un simple 13 mars a suffi pour que la personnalité indiscutable de François, auparavant Cardinal Bergoglio, fasse s’écrouler tout souvenir du si perfide animal. Parce que comme un ouragan d’innovation débordant, le pape François fait s’écrouler l’ostentation qui aurait pu le séparer du troupeau et avec lui tout souvenir des pires époques. Commençait une nouvelle espérance pour l’Église

Il a suffit d’un « buona sera » dans la loggia vaticane pour rompre comme par enchantement avec une réalité qui paraissait comme inamovible. Les solides murs des palais du Vatican ont déjà cessé d’être comme avant. Comme si la nouvelle identité du Souverain Pontife voulait tourner le dos à l’identité de l’être Souverain Pontife. Et c'est ainsi qu'est entrée la modernité, dans un délire étonnant d’admiration et de positionnements curieux; comme les positionnements de ceux, qui éloignés de l’orthodoxie [catholique] ont vu renaître leurs espérances en une nouvelle Église ; ou l’admiration de ces chrétiens à la foi fatiguée et à la spiritualité endormie qui ont vu confirmer leur tiédeur comme si ce nouveau Pape devait donner raison à leur froideur de l’âme. C’est un fait observable : l'élection du pape François a fait taire toute critique, avec le rouleau compresseur de la pensée unique, où ont fraternisé les fils de l’Église et les fils de l’anti-Église.

Où étaient restés ces loups?
Tout avait été balayé par le tsunami Bergoglio. Ses souliers noirs ; sa vêture blanche sans mozette ; sa nouvelle chaise pontificale ; son « appelle-moi père Bergoglio » en étant déjà pape ; son refus de résider dans les appartements pontificaux… ce n’étaient pas simplement des souliers, un habit, une façon de se mettre en rapport avec les autres ou un endroit où vivre. C’était une déclaration d’intentions, des gestes non équivoques, des propositions claires. François commençait ainsi une nouvelle façon de vivre la foi où tout ce qui était avant paraissait remis en question. Et comme l’on surmonte les lieux communs, les loups seraient surmontés. Mais cela, tout cela, a été comme un courant psychique qui a voulu tout imprégner, tout tremper. Comme si le jumelage antinaturel des fils de l’Église et ceux de l’anti-Église avait rencontré enfin quelqu’un en affinité avec cette nécessité de mettre en sourdine tout problème, toute difficulté. Comme si avait été incarné l’homme de la promesse, le nouveau François d’Assise qui chanterait les bontés du frère soleil, de la sœur lune, pour finalement chanter les bontés du frère loup. Et pourquoi ne pas vouloir qu’un loup soit lui aussi béni, pour ainsi ne pas cacher son existence mais le montrer au monde dans sa « louveté » même (ndr l’auteur a fabriqué un néologisme, en espagnol l’on peut y voir un jeu de mots entre bonté et loup)?

Et comme il y avait quelque chose de changé, de façon évidente, notoire, il a été nécessaire d’arguer qu’entre Benoît XVI et François, il y a une unité de critère au-delà de la nécessaire unité de la foi (ndt: il me semble reconnaître là l'attitude des catholiques "loyaux"). Comme si l’un était une continuité de l’autre, une logique et naturelle continuité.
Mais une telle proposition contraste avec ce que nous voyons de jour en jour. François n’est pas Benoît, et le chemin qu’a emprunté Ratzinger, Bergoglio ne veut pas le continuer. D’une certaine façon Ratzinger et Bergoglio ont diagnostiqué la même maladie dans l’Église, la perte de la foi qui a été remplacé par le relativisme. Mais à la même maladie, ils ont mis en lumière des remèdes différents.
Et c’est là que réside la surprise: que l'on ait voulu Ratzinger pour appliquer son remède, pour maintenant chercher Bergoglio pour offrir le sien.
Mais entre l’un et l’autre, il n’y a pas une normalité d’événements, parce que Benoît a laissé la place à François dans une réalité ecclésiale anormale : sa renonciation. Et une renonciation au milieu des loups.
Il y a un mois, il était raisonnable de se demander si les loups avaient eu leur influence dans la renonciation du Pape émérite, bien que le rouleau compresseur de la pensée unique ait voulu empêcher tout regard critique sur une réalité évidente. Et parce nous y avons déjà répondu dans l’article antérieur (1), il est tout aussi raisonnable aujourd'hui de se poser une question plus difficile qui a demandé de nombreux jours pour que l’on ose avancer une réponse : Les loups ont-ils eu une influence dans l’élection de François ?
Question cruciale à laquelle nous ne pouvons répondre que par des indices.

Et ces indices, pour peu que l’ouragan d’étonnement et d’admiration ait balayé tel un tsunami toute réflexion sensée, sont notoires et évidents, bien qu’il faille les prendre avec prudence étant donné que beaucoup naissent d’un serment rompu : celui de garder le silence sur le conclave. Et qui ment à Dieu peut mentir plus facilement encore à l’homme.

Quels sont, alors ces indices?

- Au conclave de 2005, après la mort de Jean-Paul II, il a filtré que Bergoglio a été un candidat qui a été vu comme pouvant être élu. Ses larmes, dit-on, ont empêché que sa candidature triomphe.

- Ces mêmes sources confirment que le collège des cardinaux électeurs voyait en Ratzinger et en Bergoglio deux courants contraires : Ratzinger était le candidat de l’aile « modérée-conservatrice et conservatrice » et Bergoglio celui de l’aile « modérée-progressiste et progressiste ».

- Durant la papauté de Ratzinger le Pape lui-même a du donner d’innombrables fois l’alerte sur la pression à laquelle il était soumis et la solitude dans laquelle le laissaient ses propres frères dans l’épiscopat (sans précédent a été la lettre à tous les évêques suite à la levée des excommunions des évêques lefebvristes).

- Avant et durant son pontificat Benoît XVI a dénoncé les graves péchés au sein de l’Église. Et il n’a pas voulu terminer son pontificat sans rappeler cette réalité crue « de comment à certaines occasions » le visage de l’Église « est défigurée. Je pense, en particulier, aux fautes contre l’unité de l’Église, dans las divisions du corps ecclésial ».

- Le texte de la renonciation de Benoît manifeste les durs coups que devra affronter dans un avenir bref le gouvernement de l’Église du fait d’ « un monde sujet à de rapides transformations et secoué par des questions de grandes importances pour la vide de la foi ».

- Quelques jours après la communication de la sa renonciation, certains évêques allemands, face à un pontificat en déclin évident, font des manifestations polémiques favorables au sacerdoce féminin. Parmi eux le cardinal Lehmann. Au contraire, l’également cardinal allemand Kasper est d’accord avec un diaconat féminin.

- À une semaine de la renonciation de Benoît, ce sont alors tous les évêques allemands qui approuvent (dans des cas déterminés) la licéité de l’usage de la pilule du lendemain.

- Après la communication de la renonciation papale, démarre le rouleau compresseur des médias, qui prétendent voir comme naturel ce qui, avant qu’elle n’arrive (la renonciation) leur paraissait une grossière prétention à générer des tensions. Curieusement une fois faite la renonciation, toute explication au-delà de l’incapacité liée à l’âge, leur paraît une grossière prétention à générer des tensions.

- Un certain secteur parmi les cardinaux demande à Benoît XVI avant sa renonciation qu’il modifie la règle qui gère la "sede vacante" puis ensuite l’élection du pape. Ils demandent qu’elle puisse commencer avant ces 15 jours effectifs à partir de la "sede vacante". Ce qui évidemment doit favoriser ceux déjà savent ce qu’ils veulent et savent déjà ce qui se passe.

- En situation de "sede vacante" les mêmes cardinaux laissent savoir que l’on traîne à choisir un « outsider » (un candidat que ne soit pas « au loto » des papabiles) ou un étranger au collège des cardinaux. On constate, dans les jours qui précèdent le conclave, que non seulement il n’y a pas un candidat qui se détache avec force mais le collège des cardinaux lui-même manque de clarté pour discerner un candidat optimal.

- Depuis d’autres sources on a su que les jours précédant le conclave, peut-être dès le moment où Benoît XVI a annoncé sa renonciation, un important travail de consultations a commencé dans le secteur progressiste. Un certain secteur de l’Église, du collège des cardinaux, travaillait déjà avant le conclave sur un candidat concret, d’une façon méticuleuse et tenace.

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Le Conclave commencé, la nouvelle filtre que déjà lors d’un premier vote Bergoglio atteint une trentaine de votes. Est-ce que c’est à relier avec les réunions préalablement mentionnées ? Dès le premier moment du conclave la force de sa candidature, après ce premier vote, commence à changer la perspective des cardinaux. L’un confessera plus tard que sans savoir exactement comment sera Bergoglio, la confiance du nombre important d’électeurs qui votent dès le début pour lui l’encourage à contribuer à la même direction de vote. Se propage, par conséquent, la thèse Bergoglio sur les électeurs, jusqu’à ce qu’il dépasse rapidement et largement les deux tiers nécessaires. Il y a un nouveau pape, en un très bref conclave, avec une unanimité surprenante. Un cardinal racontera que sa main « fut portée par une force qui sortait de lui, mais qui n’était pas de lui » (ndt: le cardinal Mahonny). « J’ai vu l’action du Saint Esprit », dira-t-il, parce qu’il a voté ce qu’il ne voulait pas mais que cette force le poussait. Nous ne savons pas quel a été l’objet de ce « mouvement » mais cela nous révèle jusqu’à quel point a été vécu lors de ce conclave un déconcertant effet contagieux.

- Après sa nomination, le pape François manifeste sans ambages sa nouvelle façon de comprendre la chaire de Pierre. Il y a une intention évidente d’innover. Et toute innovation suppose rupture avec ce qui est antérieur. Son nom même, - le premier François dans toute la vie de l’Église, sans référence à aucun pontificat antérieur, le contraire de ce qu’avait fait ce premier Jean Paul qui avait pris son nom en honneur à ses prédécesseurs, indiquera à tous une nouvelle forme de comprendre la papauté. Les faits iront le confirmant avec des gestes comme la renonciation aux appartements du Vatican. Curieusement une des premières citations publiques du Pape François, - dans son premier Angelus, sera sur le cardinal Kasper. Le même cardinal Kasper favorable au diaconat féminin.

Que pouvons-nous dire de tout cela ?
Qu’il y a une intention manifeste à promouvoir la figure de Bergoglio. C'est-à-dire, que certains cardinaux électeurs ont su se bouger pour faire se détacher et obtenir de Bergoglio un candidat évident. Et ils l’ont obtenu. Peut-être parce que le secteur conservateur s’est vu embobiné par l’optimisme régnant, ou simplement parce que l’argument de l’âge, a tranquillisé leur conscience (« S’il n’est pas bon, au moins il ne durera pas longtemps »). On ne peut pas ne pas reconnaître que dans la figure de Bergoglio il y a une certaine idée de l’Église, une idée qu’il a manifesté lui-même avant et après sa nomination.
Avant, quand il affirmait que, entre une Église auto-référentielle ou une Église accidentée qui sortirait dans la rue, il préférait cette dernière. Ce qui équivaut à cette vie aux frontières de la foi que les Jésuites ont tant aimée ces temps-ci. Et une fois élu pape, quand il a affirmé qu’il veut une Église pauvre et pour les pauvres. Qui sans être univoque dans sa signification, d’entrée présume l’attirance pour une Église différente de celle qu’il y a, de celle dont il hérite.

Que dire? Que les cardinaux ont voulu pour ces temps-ci le remède Bergoglio, que peut-être quelques uns l’ont déjà voulu en 2005 mais qu’alors les temps n’étaient pas mûrs. Et qu’une partie de ces cardinaux ont ainsi manifesté que l’Église, le Pape, doivent entrer dans la valorisation de situations qui jusqu’à maintenant étaient fermées à toute valorisation. Des situations qui se trouvent à la frontière de la foi et nous pouvons deviner lesquelles : comme la communion des divorcés [remariés civilement], le célibat sacerdotal non obligatoire, la marche en arrière dans la réforme liturgique entreprise par Benoît XVI, le sacerdoce féminin ou tout au moins une nouvelle place de la femme dans la liturgie de l’Église, etc., etc. Il faut distinguer entre ce que voudra François sur « cela » et ce qu’il va être poussé à répondre sur ce « cela » - le cardinal Sistach (2) lui-même l’a anticipé récemment.

C’est-à-dire que peut-être quelques loups ont cherché leur candidat. Mais le Pape, une fois nommé, cesse d’être le candidat de quelqu’un, pour être l'élu de Dieu. Les hommes peuvent avoir leurs desseins, mais Dieu a les siens.

Et c’est ce qui s'est passé avec la bienheureuse Élisabeth Canori Mora (3) le 10 janvier 1824, après l’élection de Léon XII, quand en larmes elle demanda à Dieu de voir le triomphe de l’Église qui lui avait été promise.

« Quand viendra le temps » priait Élisabeth, «de te voir honoré et glorifié comme il convient par tous les hommes ? Au contraire, mon Dieu, comme ils sont peu ceux qui t’aiment. Au contraire, combien est plus grand le nombre de ceux qui te méprisent, mon Dieu, et comme est grande ma peine ».
Et la bienheureuse poursuivait: « Je croyais qu’avec cette nouvelle élection du souverain pontife, la Sainte Église allait être rénovée et que le christianisme changerait ses habitudes, mais pour ce que je vois, nous continuons à cheminer sur le même chemin ».
Alors le Seigneur lui répondit : « Ma fille, ne te rappelles-tu pas que je t’ai dit que le navire (de l’Église) continuera à être le même et que le fait d’avoir changé de pilote bénéficiera peu aux marins ! ».
« Ah oui, mon Seigneur, - lui dit Élisabeth, je me rappelle que trois jours après l’élection de Léon tu m’as fait bien comprendre que la série de persécutions ne prendrait pas fin. Mon Dieu, si le navire continue à être toujours le même, nous continuerons à être sujets aux mêmes maux ! ».

Et après un intéressant dialogue sur les temps futurs, notre Seigneur disait: « Comprends que cela (rénover l’Église) n’est pas un travail terrestre comme celui de Noé mais un travail céleste dans la mesure où les travailleurs de ce navire sont mes anges. Réjouis-toi ma chère fille, et ne te rends pas triste ! Le temps est entre mes mains ».

Les maux qui affligeaient l’Église, l’oubli de Dieu, son dédain pour les hommes, c’étaient déjà des maux que vivaient Élisabeth Canori Mora. Mais le Seigneur lui-même lui indiquait que le changement de Pape ne devait supposer une réforme dans l’Église jusqu’à ce que s’accomplissent les temps des persécutions. Et alors, celles-ci passées, ce serait le même Ciel, celui qui devrait faire des merveilles avec une Église ombre d’elle-même. Non, non le changement de pape en lui-même n’amènerait pas une réforme, mais chaque nouvelle élection devrait voir la naissance de nouvelles persécutions (4).

Et ainsi en voyant ce qui est arrivé ces jours-ci, nous observons un curieux parallélisme entre cette espérance rénovatrice qui était née en la bienheureuse Élisabeth avec l’élection de Léon XII et ce qui est arrivé avec l’élection de François, alors que se répand une étrange sensation de réforme pleine d’espérance, comme si avec le seul changement d’une personne à la barre du navire de l’Église, avec les seules forces humaines de ce nouveau « pilote » on pouvait redresser le cap pris par l’histoire, l’Église. Et cette même sensation rénovatrice, comme magique, a été en son temps un patrimoine de celui qui était alors le cardinal Bergoglio, comme l’affirme le rabbin Skorka dans le livre « Le Jésuite » qui sera réédité d’ici peu. Skorka qui a eu de longs entretiens avec le cardinal Bergoglio, laisse entendre que, tant lui que le cardinal argentin, avaient en commun « la foi que le cap pris par l’histoire peut et doit être changé, que la vision biblique d’un monde racheté, guetté par les prophètes, n’est pas une simple utopie, mais une réalité que l’on peut atteindre : il ne manque que des gens engagés pour la matérialiser » (5).

Comme si nos propres forces suffiront. Parce que là est la principale différence entre la médecine de Benoît XVI et celle de François. Ce que François comprend c’est qu’il faut sortir dans la rue, dans la confiance de ses propres forces et l’assistance de la Miséricorde de Dieu, tandis que Benoît comprend que le remède est presque le contraire, se coller à Dieu-Eucharistie, dans la prière et dans l’adoration, revenir à la beauté de son culte, être assaini par cette rencontre eucharistique, lentement, peu à peu, pour ainsi assainir l’Église, et une fois assainie, assainir le monde.
Le saint intercesseur même auquel ont recours les deux pontifes dénote ces différences: parce que Saint François d’Assise était un saint d’une Église malade mais dans une société avec la foi, Saint Benoît, au contraire, était un saint d’une Église débutante dans une société sans foi.
Et c’est la différence de départ : dans une société qui manque de foi, comme c’est le cas, quand on aura compris que le nouveau François propose des valeurs que cette même société dédaigne et persécute, l’on en viendra à le persécuter. Et ce qui est pire, peut-être, dans cette quête des frontières du monde où François envoie l’Église, qui est aujourd’hui une Eglise malade de foi, c’est qu’elle peut non seulement rester accidentée mais abandonnée (ndt le mot espagnol peut aussi vouloir dire désorientée) sur les chemins, avec moins de foi encore et en outre sans espérance. C’est pour cela que Benoît a voulu que l’Église se centre sur le Christ, qu’elle rende plus forte sa foi devant Sa présence, car il percevait comment cette dictature du relativisme préparait une nouvelle persécution de l’Église

Déjà de tout cela notre Seigneur avertissait la bienheureuse Élisabeth Canori Mora, de ce que le navire de l’Église ne pourra être réformé que par le Ciel et que cela n’aura d’effet qu’en passant par les tourments d’une mer menaçante.

Et de tout cela, Benoît ne nous a-t-il pas averti? Les loups n’ont-ils pas menacé son pontificat jour après jour ? N’y-a-t-il plus de loups maintenant ? Tous les dangers ont-ils été conjurés par un simple changement de pilote et un simple changement de vestiaire ?

Nous devons plutôt penser que toute réforme qui va être demandée à François aura en ces loups un important patronage. C’est pourquoi, comme à son cher Saint François, les plaies de la passion attendent notre Pape, peut-être pas mystiquement, mais d’une façon vitale, existentielle.

Les temps de la paix apparente, l’idylle du monde avec François arrivera à sa juste fin quand le monde verra que peut-être les leurs ont choisi François mais celui qui l’a pris pour lui, comme une œuvre de son cœur, c’est le Dieu lui-même. Et Lui a d’autres plans.

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Remarques de traduction
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(1) Je n’avais pas traduit cet articule antérieur (voir en vo ici phttp://www.religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=27733) pour ne pas en rajouter sur cette renonciation qui nous a tétanisés. César Uribarri montrait son appréhension par rapport à cette incroyable décision (se rappeler de ceux qui parlaient même d’une descente de la croix !) en concluant son article intitulé « Benedicte P.P.XVI, quo vadis? » par ces mots et après avoir parlé notamment des tendances sédévacantistes (il est vrai qu’ils s’en donnent en ce moment à « cœur joie » et d’autant plus avec les déclarations passées ou présentes de Jorge Bergoglio!), lefebvristes, modernistes, protestantistes progressistes, etc :
[…] « quoiqu’il arrive nous devrons savoir par où chemine Pierre pour difficile que soit le chemin à suivre. Je peux me tromper, mais je reconnais que je ne voudrais pas que cette confusion dans laquelle nous nous mouvons, se fasse aussi confuse que celle des temps où l’on vit dans l’Église jusqu’à trois papes coexistant en même temps sans savoir lequel était le bon ».

Je rajouterai à mon niveau, qu’aujourd’hui comme hier, il y a l’Église du Christ, il y a Pierre ou plutôt son successeur, il y a nous le peuple de Dieu, mais il y a aussi les puissants qui disposent aujourd’hui de leviers (médiatiques) qui sont peut-être plus puissants encore que ceux d’hier. Sachons-nous aussi utiliser ses leviers, en nous posant, toujours, toujours la question : « À qui profite le crime ? ». En la circonstance, cette confusion où nous pouvons nous trouver. Ce n’est seulement en commençant à identifier la cause que l’on peut essayer de se battre contre ses conséquences.

(2) Mgr Sistach est l’archevêque de Barcelone qui devrait être très prochainement remplacé eu égard à son âge, dans le climat très difficile et sécessionniste (de la part d’une minorité déchristianisée, politisée et agissante sur un fond de crise morale, sociale et économique) de la Catalogne avec l’Espagne.
Mgr Sistach, est considéré par les catholiques non adultes, comme un prélat progressiste qui a «accompagné » la déchristianisation de la province qui est allée de paire avec la radicalisation de « non vivre ensemble ». Là aussi beaucoup d’expectative, son remplaçant poursuivra-t-il la fermeture de entreprise « église catholique » en faillite ou s’appuiera-t-il sur les paroisses qui prospèrent (et plutôt de sensibilité traditionnelle ou tout au moins plus référentielle que à la limite de la foi…) qui ont fait un excellent travail de maintient de la petite flamme de la foi dans un environnement hostile.

(3) Elisabetta Canori Mora est née à Rome (États Pontificaux) en 1774, elle va donc connaître tous les terribles bouleversements amenés par la Révolution Français, l’occupation de son pays par les armées françaises, l’emprisonnement du Pape, la montée des courants anticatholiques. À cela s’ajoutera, bien qu’issu d’un milieu aisé, Elisabetta aura à supporter un mari particulièrement pauvre de cœur et d’esprit… http://nouvl.evangelisation.free.fr/elisabeth_canori_mora.htm . L’on sait, bien évidemment, ce qui est encouru de l’après 1824, ces temps-là et à venir n’ont guère été plus faciles pour l’Église et les catholiques.

(4) L’on ne peut pas dire que le nouveau Pape François n’a pas manqué de rappeler avec ses mots à lui qu’être catholique c’était porter la Croix et que le diable était bien là.

(5) Je n’ai pas lu le livre de ce rabbin et je ne peux rien dire, à mon petit niveau, de la présentation qu’en fait César Uribarri. Mais il me semble pourtant que les gens engagés ne suffisent pas. La terre comme lieu de prédilection du mal ou au contraire comme celui d’un bien possible grâce aux justes, n’est ce pas deux facettes d’une même utopie. Saint Augustin nous a bien rappelé que ces deux mondes cohabitent jusqu’au jugement dernier.