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Serviteur de deux papes

Un article exceptionnel de Paul Badde sur Mgr Gänswein, reproduit sur le site cath.net, et traduit par Marianne (27/6/2013)

Serviteur de deux papes

Paul Badde
Schwäbische Zeitung
22/6/2013
http://www.kath.net/news/41782
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Avant le 28 février, il n’y avait personne qui ait été aussi proche de Benoît XVI que Georg Gänswein, ce fils de forgeron de la Forêt Noire. En tant que secrétaire privé, il a été considéré comme l’un des personnages les plus puissants du Vatican. C’est pourquoi, beaucoup ont pensé, voire souhaité que ce soit la fin de la carrière de Don Giorgio lorsque Benoît XVI, après son retrait, a pris avec lui son plus proche collaborateur dans son exil monacal.

Il est vrai que les secrétaires privés des papes ont toujours été des personnalités puissantes, mais avec un statut incertain. C’est qu’ils sont choisis, non pas élus. Ils ne font pas partie de la hiérarchie de la curie, mais ils doivent parfois barrer la route à des cardinaux et à d’autres personnes en vue, pour que le pape soit exempt de leur pression. Certes, il y a des milliers de personnes qui voudraient parler au pape, lui présenter leur requête, l’une plus importante que l’autre. En fait, la tâche de barrer la route d’accès au pape n’est qu’une infime partie des devoirs multiples de son secrétaire. C’est à lui que revient de repêcher dans l’océan du courrier, les quelques demandes que son chef doit absolument lire. C’est une tâche délicate qu’il doit exécuter avec la plus parfaite retenue, mais aussi avec de la prévoyance et le discernement nécessaire pour tout filtrer avec rapidité, mais aussi avec une grande exactitude. Bef, une entreprise invraisemblable qui est en même temps une mission de confiance sans pareil.

Une fresque dans le Palazzo Ducale à Tagliacozzo montre tout cela de façon admirable. On y voit Pie IV (1499–1565) dormir dans son lit, avec la tiare, et un livre ouvert avec une clochette sur une table de nuit. A ses pieds repose sur une chaise longue son secrétaire privé, Charles Borromée (1538–1584), tout habillé, tenant sa tête entre ses mains, toujours prêt à bondir au premier son de la clochette, étant au service du souverain pontife, comme son alter ego.

Des secrétaires consciencieux sont dépeints aussi par Raffael. Regardons par exemple son tableau de la Madone de Foligno commandé par Sigismondo de Conti (1432–1512) qui fut le secrétaire privé du pape Jules II (1443–1513). C’est à sa demande aussi que sera réalisé un an plus tard le chef d’œuvre de la Madone de la Sixtine. Les Romains ont pu admirer aux pieds de la Madone de Foligno le secrétaire privé en compagnie des saints Jérôme et François ainsi que de Jean le Baptiste. Cette conscience professionnelle des secrétaires privés qui allait de soi à cette époque, est encore valable de nos jours. On raconte que le cheval qui avait portait sur son dos un pape du moyen âge a été conduit après la mort de ce pape au Latran pour ne pas être exposé aux insultes et au mépris. Car ce qui est reproché au pape de son vivant porte souvent préjudice ensuite à son secrétaire.

Un exemple récent : Après la mort étonnante de Jean-Paul Ier, décédé en 1978 au bout de 33 jours de pontificat, son secrétaire Don Diego Lorenzi, après avoir été pour un temps missionnaire aux Philippines, vit maintenant presque à l’incognito, près de Côme.
Ce fait était présent dans l’esprit de Jean Paul II lorsqu’il a consacré évêque son secrétaire Stanislaw Dziwisz le 19 Mars 1998 à la basilique St Pierre.
De même, Benoît XVI a bien fait de promouvoir Georg Gänswein comme prélat le 6 Janvier, en le consacrant archevêque titulaire de la petite ville d'Urbisaglia dans les Marches, et en le nommant Préfet de la Maison pontificale. Il savait bien que le 28 février prochain il renoncerait à sa charge, et il était conscient du fait que les archevêques, contrairement aux prélats, à la mort d’un pape ont leur avenir assuré, ne se laissant pas facilement éloigner de Rome, même s’ils ont des envieux et des ennemis.
Par le fait même, Georg Gänswein est devenu depuis le 13 mars le serviteur de deux papes. Il s’est adapté à l’ancien professeur venu d’Allemagne comme il s’adapte maintenant au pasteur et provincial arrivé de Buenos Aires. Il a été nommé pour cinq ans Préfet de la Maison pontificale et en tant que tel, ses tâches sont devenues de plus en plus compliquées depuis que le pape s’appelle François.
Néanmoins, il est resté le secrétaire du pape émérite Benoît XVI, qui s’est retiré à “Mater Ecclesiae“ aux jardins du Vatican. Il a bien juré “fidélité jusqu’à la mort“ à Joseph Ratzinger après l’élection de celui-ci au pontificat le 19 Avril 2005. Benoît XVI a demandé à son collaborateur efficace de continuer à l’assister en restant son secrétaire privé, charge qu’il remplit depuis 2003 (10 ans déjà). Et ce serment de fidélité reste valable maintenant que le pape s’est retiré.

Même s’il n’est pas encore mort, fort heureusement, ce service qui demande une loyauté sans condition a mené G. Gänswein depuis le 13 mars jusqu’à la limite de ses forces. C’est que non seulement physiquement, mais surtout moralement, il a dû faire face à l’acte de renonciation. Ce pas décisif n’avait affecté personne autant que lui. On l’a vu pleurer derrière Benoît lorsqu’ils ont quitté tous les deux le Palais apostolique le 28 février. Ce grand joueur de tennis a dû réaliser qu’à Castel Gandolfo, l’activité qui le prenait autrefois à 400 % a chuté tout d’un coup à zéro.

Pendant ce temps à Rome, les tâches du préfet de la Maison pontificale ont augmenté de façon vertigineuse par les faits et gestes inhabituels du Successeur. L’affluence des pèlerins place St Pierre pour rencontrer le pape François est inimaginable. Tout d’un coup, le Successeur de Benoît occupe deux maisons pontificales : le Palais apostolique et l’hôtellerie Sancta Martha d’où François ne veut pas déménager. La présence de G. Gänswein y est constante, même s’il ne jouit plus, comme avant, de la proximité du pape dans une relation de confiance ininterrompue. Pourtant, lorsque François a visité les appartements du Palais apostolique pour la première fois, c’est G. Gänswein qui se trouvait à ses côtés pour éclairer les pièces en s’appuyant sur le bouton électrique. Et lorsque le nouveau pape a rendu visite à son prédécesseur à Castel Gandolfo, l’ancien secrétaire était également présent. Puis enfin, au moment où Benoît, de retour au Vatican, fut introduit dans sa nouvelle maison par François, Georg Gänswein les regardait tous les deux, avec un large sourire, par-dessus des épaules de Benoît.

“Figaro par ici, Figaro par là !“ Depuis le 13 mars, on dirait que l’archevêque Gänswein, après le retrait de son protecteur, avait appris à “biloquer” ; cela veut dire, faire comme le Padre Pio, être au même moment, à deux endroits différents ! Mais avant le 2 mai, cela lui a demandé beaucoup de fatigue et d’énergie d’être toujours sur la route entre Rome et Castel Gandolfo, pour passer les soirées près de Benoît sur les collines d’Albano après avoir été présent toute la journée au Vatican. Et tout cela sans l’hélicoptère qu’il pouvait utiliser auparavant en compagnie du pape. Cette fois-ci il lui fallait parcourir 45 kilomètres, souvent avec des embouteillages, en voiture, à l’aller comme au retour. Cela faisait au moins deux heures par jour, ce qui abrégeait son temps de travail déjà si minuté. Mais personne ne l’a vu tendu, bien au contraire, il se montrait toujours détendu aux côtés du nouveau pape, que ce soit à sa Résidence actuelle ou lors des grandes célébrations depuis les Rameaux jusqu’à la Pentecôte. Georg Gänswein est toujours présent, organisant les rendez-vous et les audiences pour le nouveau pontife.

Il n’a pas présidé une seule messe depuis sa consécration du 6 janvier. Mais un homme comme lui restera toujours prêtre. Comme jusqu’à présent, il continue à dire le rosaire en tant que “segretario particolare“ de Benoît, en l’accompagnant tous les jours dans les jardins du Vatican, même si le trajet devient de plus en plus court.
En tant que secrétaire du pape précédant, le prélat jouissait déjà d’un champ d’action avec une créativité considérable. Maintenant qu’il est archevêque et préfet, il a un rang plus élevé et donc une efficacité encore plus puissante. Mais ce n’est pas pour cela qu’il avait embrassé dans sa jeunesse le célibat « par amour du Christ ». Cette tension qui s’exprime dans sa vie est perceptible, bien entendu, aussi bien par ces anciens amis que par ces vieux ennemis. Il y a donc des cardinaux qui voudraient, à cause de cette double position, l’envoyer sur la lune, ou à Cologne, ou à la tête d’un autre diocèse en Allemagne.
La dernière rumeur parvenue jusqu’en Allemagne veut que le Cardinal Woelki (actuellement archevêque de Berlin) retourne à Cologne, que le Cardinal Marx (actuellement archevêque de Munich-Freising) aille à Berlin, et que Gänswein vienne à Munich-Freising. Mais on verra que le pape François ne se laissera pas influencer par les médias allemands ! Gänswein aime sa patrie, mais il ne partage pas ce genre de spéculation.
Et puis, il y aussi la fidélité qui lie ce fils de la Forêt Noire à Benoît par son serment « jusqu’à la mort ». De ce serment il ne pourra être relevé que par Benoît en personne.
Du fait de sa fonction comme préfet, ”Don Giorgio“ doit regarder derrière les colonnades la vie de Charles Borromée qui, après avoir été secrétaire du pape, puis créé cardinal a réussi à faire aboutir la Contre-Réforme catholique à Milan à nul autre pareil : comme un héros et un saint !

Le serment de don Georg

"Heiliger Vater,
ich verspreche Ihnen meinen Gehorsam
meine Treue, meinen Einsatz
in allem, was Sie von mir verlangen.
Ich stehe Ihnen
mit all meinen Kräften
ohne Einschränkung
zur Verfügung"

Georg Gänswein

Saint-Père,
Je vous promets mon obéissance
ma loyauté, ma disponibilité
dans tout ce que vous me demanderez.
Je serai prêt à vous servir
avec toutes mes forces
et sans limite.

Georg Gänswein