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Un monastère au Vatican

L'histoire du Mater Ecclesiae, où Benoît XVI devrait se retirer bientôt. (21/4/2013)

     

D'ici un mois, Benoît XVI devrait quitter Castel Gandolfo et s'installer au coeur du Vatican, dans le Monastère Mater Ecclesiae, dont les travaux d'aménagement en cours devraient être finis.
On reverra ici (benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/la-ou-il-vivra) quelques images, et un reportage traduit par Carlota: le témoignage de Mère María Begoña, l'une des six religieuses espagnoles qui ont occupé le Couvent en dernier, de 2009 à 2012.

J'ai traduit cet article paru dans l'OR (via Raffa) aujourd'hui, qui apporte des détails sur l'histoire de Mater Ecclesiae.

A lire aussi (traduction à venir), un entretien avec l'une des mères abbesses, Mère Maria Cichetti, datant d'août 2009: www.vatican.va

     

Le monastère Mater Ecclesiae et la «mission spécifique» que Benoît XVI a décidé d'assumer directement sur ses propres épaules.
Le monastère Mater Ecclesiae a été conçu et construit par Jean-Paul II à la fin des années quatre-vingt


Un monastère au Vatican

Giulia Galeotti
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En ces jours d'Avril, un soleil bienveillant accompagne les derniers travaux de restructuration dans un monastère unique dans la chrétienté, pour son emplacement et son charisme. Unique dans ce qu'il sera, mais également unique dans ce qu'il était dans sa courte, mais en même temps antique histoire.

Le monastère Mater Ecclesiae est ici, moderne et lisse, presque au centre du minuscule territoire du Vatican. Devant, un exemple rare d'Erythrina crista-galli (ndt "crête de coq", voir ici), dit l'arbre au corail, originaire d'Argentine, Uruguay, Brésil et Paraguay, avec ses inflorescences rouge vif caractéristiques.
«Le but spécifique de cette communauté est le ministère de la prière, de l'adoration, de la louange et de la réparation. Pour être ainsi prière orante dans le silence et la solitude, en soutien au Saint-Père dans son souci quotidien pour toute l'Eglise». C'est ce que nous lisons dans les statuts de la fondation du monastère, pensé et voulu par Jean-Paul II il y a plus de vingt ans, à mi-hauteur de la colline du Vatican, dans la partie qui descend vers la basilique, entre l'actuel viale dell'Osservatorio et les antiques murs de la cité léonine.

C'était le 13 mai 1994: ce jour-là, dans les jardins du Vatican, la nouvelle communauté de vie contemplative de femmes prit sur elle cette tâche à la fois nouvelle et antique. Sous une forme inédite en effet, Mater Ecclesiae s'insérait dans la longue tradition de femmes qui - depuis le Calvaire - ont soutenu, en priant, le chemin de Jésus, d'abord, puis des apôtres et des successeurs de Pierre.

Les premières études pour le projet avaient été initiés en 1989, et en 1992 démarraient les vrais travaux pour convertir en monastère de clôture - et l'agrandissant avec un nouveau bâtiment - l'édifice choisi. Construit au début du XXe siècle et connu sous le nom de "Casetta Giardini" le petit édifice simple avait été conçu pour la gendarmerie. Ensuite, la destination a changé à plusieurs reprises, de résidence des jésuites directeurs de Radio Vatican à siège de bureaux.
Entre chapelle, choeur, laboratoire, cuisine, réfectoire, cellules, bibliothèque, petite maison d'hôtes, parloire, infirmerie et autres locaux, périodiquement, la communauté féminine accueillie a varié: en effet, il a été décidé que le couvent accueillerait une rotation, tous les cinq ans (puis ensuite trois) de communautés religieuses cloîtrées et dévouées à la vie contemplative, choisies par le pape sur la recommandation de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique.
Partie importante de la structure, le petit potager adjacent, défriché, soigné, aimé et cultivé par les religieuses dix-huit ans durant, pour fournir de légumes la table du Pape et la leur. Des fruits et des légumes cultivés de façon naturelle, mais aussi des confitures et des conserves. Sous le signe de la prière et du travail, les sœurs ont travaillé entre autres à la restauration de parchemins, la confection de chasubles et de mitres pour les évêques et le pape, le soin de ses vêtements, la broderie. Avec un amour particulier pour la culture des fleurs: parmi les préférées de Benoît XVI, les roses blanches parfumées dédiés à son prédécesseur.

De 1994 à 2012 se sont ainsi succédés dans le monastère vatican quatre parmi les plus connus des ordres cloîtrés: Clarisses, Carmes Déchaux, bénédictines et visitandines. Et si chacun d'eux a apporté son propre esprit et ses traditions, il l'a toutefois fait en observant les règles et constitutions sous la dépendance directe du Pape. Et sous l'égide de Marie, représentée au sommet de la façade extérieure du monastère. Ce lien avec la Vierge Mère de l'Église sera ensuite solennellement réaffirmé à deux reprises: en 2006, et pour l'année du jubilé; lors du vingt-cinquième anniversaire de l'attentat du pape Jean-Paul II, en effet, Mater Ecclesiae avait reçu l'image de Notre-Dame de Fátima.

En la fin de la matinée du vendredi 13 mai 1994, jour anniversaire des apparitions aux trois bergers et de l'attentat sur la Place Saint-Pierre, arrivaient les Clarisses. Manifestation de l'internationalité expressément souhaitée par Jean-Paul II, les sept religieuses venaient du Nicaragua, de l'Italie, la Croatie, la Bosnie, le Canada et les Philippines. La huitième, du Rwanda, se trouvait temporairement bloquée par la guerre qui déchirait son pays. Cinq ans plus tard, le 15 Octobre - le jour de la mémoire liturgique de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus - firent leur entrée neuf carmélites déchaux, venant d'Italie, d'Espagne, de Pologne, de Belgique et d'Israël.
En 2004, ce fut ensuite le tour de huit religieuses bénédictines venant des Philippines, d'Italie, de France et des Etats-Unis. Leur entrée eut lieu le 7 Octobre, mémoire liturgique de la Bienheureuse Vierge Marie du Rosaire. Benoît XVI célébra la messe deux fois pour elle et avec elles, à 7h30, chaque fois dans un climat de grande joie.
La fête du 7 Octobre fut encore choisie cinq ans plus tard, en 2009, lors du dernier passage de témoin, quand firent leur entrée dans le monastère les visitandines, auxquelles le Pape souhaita publiquement la bienvenue le 24 Novembre suivant. Elles étaient sept religieuses de l'ordre de la Visitation de Sainte-Marie (fondée par François de Sales et Jeanne-Françoise de Chantal Frémyot): six espagnoles et une italienne. «Votre prière, chères sœurs, est très précieuse pour mon ministère», leur dit le pape ce dimanche, après la récitation de l'Angélus.

Dans ses dix-huit années de vie, du Monastère Mater Ecclesiae ont donc brillé la richesse et la variété de l'Eglise. Dans la vocation et l'origine géographique s'est manifesté sa vraie catholicité. Visitées quotidiennement par des cardinaux, des évêques, des religieux et des laïcs, au fil des ans, les religieuse ont raconté la profondeur d'une expérience d'Eglise inégalée, de proximité au Pape et de partage communautaire. Prière, rencontres, regard sur le monde et sur la chrétienté avec des yeux différents: dans la redécouverte de son charisme et de la dimension universelle de l'Église.

Quand Papa Ratzinger «est venu chez nous pour la première fois - a dit en 2008, la prieure bénédictine Mère Maria Sofia Cichetti à notre collègue Nicola Gori - il nous a demandé avec beaucoup d'humilité et une souffrance de père, de prier spécialement pour lui, parce que , a-t-il dit, "la croix de la papauté est parfois lourde et alors, seul, je n'arrive pas à la porter. J'ai besoin du soutien et des prières de toute l'Église, mais en particulier (...) de vous qui avez cette mission spécifique". »
Cinq ans plus tard, Benoît XVI a décidé d'assumer directement sur leurs épaules cette «mission spécifique». Et à partir de ce même monastère où on a tant prié pour lui, il va prier pour son successeur et pour toute l'Eglise.
A Pierre qui, selon l'évangile de Matthieu (19, 27-29) lui demande ce que nous aurons, nous qui «avons tout quitté pour te suivre», Jésus répondit: «Celui qui a quitté maisons, frères ou sœurs, père, mère, enfants ou champs à cause de moi recevra cent fois autant et aura la vie éternelle ».

(© L'Osservatore Romano, 21 Avril 2013)