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Dieu et César. Les chrétiens dans le monde

A l'occasion de son dernier Noël comme Pape, Benoît XVI, dans une initiative sans précédent, s'adressait au monde à travers les pages "opinion" du Financial Times" (14/6/2013)

Le Pape enjambe les canaux habituels de communication pour s'adresser directement aux hommes de bonne volonté. Il le fait en anglais, à travers un journal de la presse "mainstream" susceptible d'atteindre le plus grand nombre de gens, Le Financial Times.

Les médias grand public, au moins français, avaient largement snobé cette opération exceptionnelle, et il n'est pas difficile d'imaginer que très peu de gens s'en souviennent encore, moins de 6 mois après!

Ma traduction de l'époque (http://benoit-et-moi.fr/2012(III)/la-voix-du-pape/le-pape-ecrit-au-monde.php )

Un temps pour les chrétiens pour s'engager avec le monde
par le Pape Benoît XVI
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«Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu», fut la réponse de Jésus quand on l'interrogea sur le paiement des impôts. Ses interlocuteurs, bien sûr, lui tendaient un piège. Ils voulaient le forcer à prendre parti dans le débat politique très tendu sur la domination romaine dans la terre d'Israël.

Pourtant, il y avait plus en jeu ici: si Jésus était vraiment le Messie attendu depuis longtemps, alors il s'opposerait certainement au suzerain romain. Ainsi, la question était calculée pour l'exposer soit comme une menace pour le régime, soit comme un imposteur.

La réponse de Jésus déplace adroitement l'argument sur un plan supérieur, mettant avec douceur en garde à la fois contre la politisation de la religion et la déification du pouvoir temporel, avec la poursuite implacable de la richesse. Son auditoire avait besoin de se faire rappeler que le Messie n'était pas César, et César n'était pas Dieu. Le royaume que Jésus est venu établir était d'un ordre autrement plus élevé. Comme il l'a dit à Pilate: «Mon royaume n'est pas de ce monde».

Les récits de Noël dans le Nouveau Testament sont destinés à transmettre un message similaire. Jésus est né au cours d'un «recensement de toute la terre» ordonné par César Auguste, l'empereur renommé pour amener la Pax Romana à tous les territoires sous la domination romaine. Pourtant, cet enfant, né dans un coin obscur et reculé de l'empire, devait offrir au monde une paix bien plus grande, vraiment universelle dans sa portée et transcendant toutes les limites de l'espace et du temps.
Jésus nous est présenté comme l'héritier du roi David, mais la libération qu'il a apportée à son peuple n'était pas de tenir en échec des armées hostiles, elle était de vaincre le péché et la mort pour toujours.

La naissance du Christ nous pousse à revoir nos priorités, nos valeurs, notre mode de vie même. Alors que Noël est sans aucun doute un moment de grande joie, c'est aussi une occasion de réflexion profonde, même un examen de conscience.

A la fin d'une année qui s'est traduite par des difficultés économiques pour beaucoup, que pouvons-nous apprendre de l'humilité, la pauvreté, la simplicité de la scène de la crèche?
Noël peut être le moment où l'on apprend à lire l'Evangile, où l'on en vient à connaître Jésus non seulement comme l'enfant dans la crèche, mais comme celui en qui nous reconnaissons ce Dieu fait l'homme.

C'est dans l'Evangile que les chrétiens trouvent l'inspiration pour leur vie quotidienne et leur engagement dans les affaires du monde - que ce soit au Parlement ou à la bourse.

Les chrétiens ne devraient pas fuir le monde; ils devraient s'engager avec lui. Mais leur engagement dans la politique et l'économie devrait transcender toute forme d'idéologie.


Les chrétiens combattent la pauvreté en raison d'une reconnaissance de la dignité suprême de tout être humain, créé à l'image de Dieu et destiné à la vie éternelle.
Ils travaillent pour un partage plus équitable des ressources de la terre en raison de la croyance que - comme intendants de la création de Dieu - nous avons le devoir de prendre soin des plus faibles et les plus vulnérables.

Les chrétiens s'opposent à la cupidité et à l'exploitation en raison d'une conviction que la générosité et l'amour désintéressé, tel qu'enseignés et vécus par Jésus de Nazareth, sont le chemin qui mène à la plénitude de la vie.

La croyance en la destinée transcendante de chaque être humain rend urgente la tâche de promouvoir la paix et la justice pour tous.

Parce que ces objectifs sont partagés par beaucoup, une fructueuse coopération est possible entre les chrétiens et d'autres. Cependant, les chrétiens rendent à César seulement ce qui appartient à César, et pas ce qui appartient à Dieu.

Les chrétiens ont parfois à travers l'histoire été incapables de se conformer aux exigences formulées par César. Du culte de l'empereur dans la Rome antique aux régimes totalitaires du siècle dernier, César a essayé de prendre la place de Dieu.

Quand les chrétiens refusent de se prosterner devant les idoles proposées aujourd'hui, ce n'est pas à cause d'une vision du monde archaïque. Au contraire, c'est parce qu'ils sont libres des contraintes de l'idéologie et inspirés par une vision si noble de la destinée humaine qu'ils ne peuvent pas être de connivence avec ce qui la mine.

En Italie, de nombreuses crèches représentent en arrière-plan les ruines d'anciens édifices romains. Cela montre que la naissance de l'enfant Jésus marque la fin de l'ordre ancien, le monde païen, où les prétentions de César sont pratiquement incontestées. A présent, il y a un nouveau roi, qui ne compte pas sur la force des armes, mais sur la puissance de l'amour.

Il apporte l'espérance à tous ceux qui, comme lui, vivent aux marges de la société. Il apporte l'espérance à tous ceux qui sont vulnérables face aux aléas d'un monde précaire.

De la mangeoire, le Christ nous appelle à vivre comme des citoyens de son royaume céleste, un royaume que toutes les personnes de bonne volonté peuvent aider à construire ici sur terre.