Accueil | D'un Pape à l'autre | Retour au Vatican | Collages de Gloria | The hidden agenda | Lumen Fidei | Lampedusa | Benoît et les jeunes

Le vrai Saint-François

Ce qu'en disait le cardinal Ratzinger... (26/3/2013)

     

S'inquiéter du sort de la Création
("La gloire de Dieu aujourd'hui", page 175-177)
----

Parmi les noms que l'on trouve dans le calendrier des saints de l'Eglise catholique, celui de François d'Assise occupe une place tout à fait particulière. Les chrétiens comme les non chrétiens, les croyants comme les incroyants aiment cet homme. Il émane de lui une sérénité et une paix qui en font un exemple unique rendant possible la conciliation de contraires normalement irréconciliables.
Chacune à leur manière, les différentes générations ont naturellement vu en lui leur conception idéale du bien en l'homme.
A une époque où l'exaspération devant les guerres de religions commençait à se faire sentir, il semblait incarner un christianisme interconfessionnel se débarrassant du poids d'une histoire douloureuse et redémarrant à zéro avec le Jésus de la Bible.
Le fait qu'il soit perçu différemment de nos jours tient à un double sentiment qui imprègne les pays industriels: d'une part la peur des effets imprévisibles du progrès technique et d'autre part la mauvaise conscience que nous éprouvons face à la faim dans le monde alors que nous vivons dans la prospérité.
Ce qui nous fascine chez François d'Assise, c'est son refus catégorique de la possession et son amour sans artifices de la création, des oiseaux, des poissons, du feu, de l'eau, de la terre. Il fait figure de patron des défenseurs de l'environnement, de meneur du mouvement de protestation contre une idéologie obsédée par la production et la croissance, d'avocat de la vie simple.
Il y a quelque chose de vrai dans chacune de ces perceptions du personnage. Elles abordent toutes en effet des problèmes qui touchent à la condition humaine elle-même. Mais si on examine plus précisément qui était François d'Assise, on se rend compte qu'on est obligé de corriger l'ensemble des représentations que l'on s'en fait. Il ne se contente pas d'accepter ce que nous sommes, il est beaucoup plus exigeant que nous ne voulons le voir et cette exigence-là nous conduit à une exigence de vérité.

J'aimerais illustrer mon propos en vous livrant une anecdote.
François demanda au moine qui s'occupait du jardin « de ne jamais destiner toute la terre à des plantations de légumes et de réserver aux fleurs une partie du jardin afin qu'il puisse produire à tout moment de l'année nos soeurs les fleurs, par amour pour celle que l'on appelle "la fleur du champ et le lys de la vallée" ». De méme avait-il exprimé le souhait que soient plantées de très jolies plates-bandes afin qu'en voyant leurs fleurs les personnes ressentent l'ardent besoin de louer Dieu « car tout ce qui a été créé nous lance un appel: Dieu m'a créé à cause de toi, ô homme » (Le Miroir de Perfection XI, 118).
Cette histoire nous montre qu'on ne peut pas se contenter de reprendre chez saint François le seul rejet de l'idéologie méprisable de l'utilitarisme et le souci de la conservation des espèces. S'engager sur cette voie, c'est ignorer ce qu'il a vraiment fait ou voulu faire.
Nous ne trouvons dans cette histoire aucune trace du ressentiment à l'égard de l'homme,
si souvent mal perçu dans les plaidoyers en faveur de l'environnement. Si l'homme perd la raison et s'il n'est plus capable de s'aimer, il ne peut plus y avoir de place pour la nature. S'il est en accord avec lui-méme, il pourra l'être avec la création et elle le sera avec lui. Cela n'est possible que s'il est en accord avec le Créateur qui a voulu la nature et qui nous a également voulus.
Le respect de l'homme et le respect de la nature sont une seule et même chose mais l'un et l'autre ne peuvent se développer et trouver leur juste pllace que si nous respectons en l'homme et dans la nature le Créateur et sa création.
Il n'est possible de les faire harmonieusement cohabiter qu'en partant de Lui. Si nous refusons cette démarche, nous n'avons aucune chance de retrouver l'équilibre perdu. Et nous avons donc toutes les raisons de nous inspirer de l'exemple de François d'Assise pour qu'il nous montre le chemin à suivre.

     

Note

Ce texte est tiré du livre "La gloire de Dieu aujourd'hui" (cf. http://www.amazon.fr).
L'extraordinaire capacité de Joseph Ratzinger de faire passer des idées puissantes avec des mots simple, lui permettant ainsi de s'adresser à tous les auditoires, est ici particulièrement évidente.

Présentation par l'éditeur
----
Ce volume comprend deux ouvrages particulièrement complémentaires de Joseph Ratzinger écrits respectivement en 1985 et 1988. Le premier, Rechercher les choses d'en-haut, présente des méditations datant de l'époque où il était archevéque de Munich. Le second, Images de l'Espérance, a été écrit alors qu'il avait déjà accédé à la charge de préfet pour la doctrine de la foi à Rome. Qu'il s'agisse de sermons, d'articles de journaux ou d'émissions de radio, tous ces textes étaient destinés à un large public de lecteurs et d'auditeurs.

Présentation par l'auteur
---
Au cours de mes années romaines, j'ai toujours été invité par la Bayerische Rundfunk, à chaque temps fort de l'année liturgique, à des méditations. C'est alors qu'on m'a suggéré de commenter quelques grands tableaux, présents en si grand nombre dans les églises romaines. A l'approche de mon 70e anniversaire, mon frère me proposa de réunir ces textes. Les émissions radiophoniques et télévisuelles étant par nature éphémères, un ouvrage permettrait de pérenniser les commentaires de ces tableaux et d'offrir ainsi un instrument de compréhension intérieure des fétes chrétiennes. Telle est l'histoire de ce petit livre. Il n'est certes pas exempt de contingences mais il est susceptible de rendre plus perceptible ce message d'espérance et de réapprendre ce regard intérieur qui nous fait si cruellement défaut dans le flot d'images et de sollicitations qui nous submergent.
Rome 1996