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Une Eglise proche des pauvres

C'est un des maître-mots du Pape François et les médias feignent d'y découvrir une nouveauté. Mais en février 2010, Benoît XVI visitait les locaux de la Caritas, à Rome. Rappel. (27/8/2013)

Merci à Raffa de m'avoir remis cet épisode en mémoire.

En cette froide matinée du 15 février 2010, le Pape se rendait à "l'Ostello Don Luigi di Liegro", de la Caritas diocésaine de Rome (le Secours Catholique), à la Stazione Termini (l'immense gare centrale de Rome), un centre d'hébergement d'urgence, et de soins aux pauvres.

Parmi les saluts prototocolaires qui lui étaient adressés, il y avait celui, très émouvant, d'une femme, une hôte de la structure (1).
Tandis qu'elle parlait, la réalisation a fait un plan serré sur le visage du Saint-Père. Il était très ému, lui aussi, et après la remise du cadeau (le crucifix partiellement épargné des ruines d'Onno, le village des Abbruzzes dévasté par le tremblement de terre), il l'a serrée dans ses bras.

L'ami "Gattorusso" qui a géré pendant tout le pontificat un site extraordinaire de vidéos sur Benoît XVI, avait mis en ligne un court mais magnifique récit en image de ce moment.

Raffa a mis en ligne sur son canal youtube l'intégralité de la rencontre: http://www.youtube.com

     

Discours du Saint-Père (ma traduction)

23 ans se sont désormais écoulés depuis que cette structure, réalisée avec la collaboration des chemins de fer de l'Etat, qui ont généreusement mis des locaux à disposition, et avec le soutien économique de la Ville de Rome, a commencé à accueillir ses premiers hôtes. Au fil des années, à l'offre d'un abri pour ceux qui n'avaient nulle part où dormir, se sont ajoutés des services supplémentaires, comme le dispensaire et la cantine sociale et d'autres donateurs se sont ajoutés aux premiers... témoignant de la force unificatrice de l'amour. Ainsi, l'auberge est devenue un lieu où, grâce au service généreux de nombreux travailleurs et bénévoles, les paroles de Jésus se réalisent au quotidien: «J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'avais soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité »(Mt 25:35-36).

Chers frères et amis qui êtes accueillis ici, sachez que l'Église vous aime profondément et ne vous abandonne pas, parce qu'elle reconnaît dans le visage de chacun de vous le visage du Christ. Il a souhaité s'identifier de manière très particulière avec ceux qui sont dans la pauvreté et la misère. Le témoignage de la charité, qui trouve en ce lieu, une concrétisation spéciale, appartient à la mission de l'Eglise avec la proclamation de la vérité de l'Evangile.

L'homme n'a pas seulement besoin d'être nourri matériellement ou aidé à surmonter les moments de difficulté, mais il a aussi besoin de savoir qui il est, de connaître la vérité sur lui-même, sur sa dignité. Comme je le rappelais dans Caritas in veritate "sans vérité, la charité dérive vers la sentimentalité. L'amour devient une coquille vide, à remplir de façon arbitraire" (n. 3).

L'Eglise, avec son service en faveur pauvres, s'emploie donc à annoncer à tous la vérité sur l'homme, aimé par Dieu, créé à son image, racheté par le Christ et appelé à la communion éternelle avec Lui

Beaucoup de personnes ont ainsi pu découvrir, et redécouvrent encore, leur dignité, perdue parfois lors d'événements tragiques, et retrouvent la confiance en soi et l'espoir dans l'avenir. A travers les gestes, les regards et les paroles de ceux qui prêtent leurs services ici, beaucoup d'hommes et de femmes touchent de leurs mains que leurs vies sont gardées par l'Amour, qui est Dieu, et qui grâce à lui ont un sens et de l'importance ( cf. Lettre encyclique Spe salvi, n. 35).
Cette certitude profonde engendre dans le coeur de l'homme une espérance forte, solide, lumineuse, une espérance qui donne le courage de continuer sur le chemin de vie malgré les échecs, les difficultés et les épreuves qui l'accompagnent.
Chers frères et sœurs qui travaillez en ce lieu, ayez toujours devant vos yeux et dans votre coeur l'exemple de Jésus qui, par amour devint notre serviteur et nous a aimés "jusqu'à la fin des fins" (cf. Jn 13,1), jusqu'à la Croix. Soyez donc des témoins joyeux de l'amour infini de Dieu et, en imitant l'exemple du diacre Saint-Laurent, considérez vos amis comme l'un des trésors les plus précieux de votre vie.

Ma visite se déroule durant l'Année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, organisée par le Parlement européen et la Commission européenne. En venant sur ce lieu comme évêque de Rome, l'Eglise qui depuis les premiers temps du christianisme préside dans la charité (cf. saint Ignace d'Antioche, Lettre aux Romains 1:1), je voudrais encourager non seulement les catholiques, mais chaque homme de bonne volonté, en particulier ceux qui ont une responsabilité dans le gouvernement et les différentes institutions, à s'engager à construire un avenir digne de l'homme, redécouvrant dans la charité la force motrice pour un développement authentique et pour la réalisation d'un monde plus juste et plus fraternel (cf. Lettre encyclique Caritas in veritate, 1). La charité, en effet, "est le principe non seulement des micro-relations: rapports familiaux, famille, petit groupe, mais aussi des macro-relations: les relations sociales, économiques, politiques »(ibid., 2). Pour promouvoir une coexistence pacifique qui aide les hommes à se reconnaître comme les membres de l'unique famille humaine, il est important que la dimension du don et de la gratuité soit retrouvée comme des éléments de la vie quotidienne et des relations interpersonnelles. Tout cela devient chaque jour de plus en plus urgent dans un monde où, au contraire, semblent prévaloir la logique du profit et la poursuite de son propre intérêt.

L'auberge de la Caritas constitue, pour l'Eglise de Rome, une occasion précieuse pour sensibiliser aux valeurs de l'Evangile. L'expérience du volontariat que beaucoup vivent ici, est, surtout pour les jeunes, une véritable école où on apprend à construire la civilisation de l'amour, capable d'accepter les autres dans leur singularité et leur différence. De cette façon, l'auberge montre concrètement que la communauté chrétienne, à travers ses propres organismes et sans négliger la Vérité qu'elle annonce, collabore utilement avec les institutions civiles pour promouvoir le bien commun. J'ai confiance que la synergie fructueuse créé ici s'étende à d'autres réalités de nos villes, en particulier dans les zones où on ressent le plus les conséquences de la crise économique et où le risque d'exclusion sociale est le plus grand.

Dans son service aux personnes en difficulté, l'Église est animée uniquement par le désir d'exprimer sa foi en ce Dieu qui est le défenseur des pauvres et qui aime chacun pour ce qu'il est et non pour ce qu'il possède ou réalise. L'Eglise vit dans l'histoire avec la conscience que les angoisses et les besoins des hommes, des pauvres surtout, et de tous ceux qui souffrent, sont aussi ceux des disciples du Christ (cf. Concile oecuménique Vatican II, Gaudium et spes, 1) et, par conséquent, dans le respect des compétences de l'État, elle s'emploie afin qu'à chaque être humain soit garanti ce qui lui est dû.

Chers frères et soeurs, pour Rome, l'Auberge de la Caritas Diocésaine est un lieu où l'amour n'est pas seulement un mot ou un sentiment, mais une réalité concrète qui peut apporter la lumière de Dieu dans la vie des hommes et de la communauté tout entière. Cette lumière nous aide à regarder vers demain avec confiance, certains que dans le futur, notre ville restera fidèle à la valeur de l'hospitalité, si fortement ancrée dans son histoire et dans le cœur de ses concitoyens.

     

Le discours de bienvenue de l'hôte

(1) Il était reproduit sur le site de La Caritas de Rome, ma traduction.
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Sainteté,

les mots de ce salut ne sont pas les miens, mais les nôtres.
Dans cette bienvenue filiale, Très Saint Père, ma voix donne la parole à tous ces visages et surtout à ces âmes qui étaient ici, à l'Ostello, pour un moment ou pour une longue période.
J'ai depuis longtemps la mémoire de ce lieu: il m'arrive souvent de penser à tous ceux qui, dans ces années ont été ici, beaucoup d'entre eux ne sont plus avec nous, mais ils ne nous ont pas quitté pour toujours. Nous avons besoin de le croire, avec toutes nos forces.
Il y avait celui qui était toujours isolé et seul, qui peignait des tableaux et nous communiquait des émotions, celui qui n'avait d'autres talents que de savoir comment entrer dans notre cœur et ne jamais le quitter. Moi-même, quand j'ai connu l'Ostello, j'étais différente: mon histoire m'avait changée et là j'ai changé de nouveau. Changé au point de recevoir la confiance et la grâce d'être en mesure de m'adresser à vous.

Je voudrais donner un sens à ce salut: Sainteté, nous vous demandons de résister aux peines du monde, de vous rappeler que si nous vous demandons de prier pour nous, c'est parce que nous vous prommettons de prier pour vous, afin que Dieu vous donne la force d'être serein et fort et rempli d'espérance comme nous le sommes. Ici vous trouverez la douleur, certes, mais si, sur le chemin du retour, vous pouvez emportez une seule chose, je vous en prie, que ce soit l'espérance.

Sainteté, nous avons eu l'idée de vous offrir le Christ de l'Eglise de Saint-Pierre d'Onna [ndt: le très beau crucifix ancien a été offert au Saint-Père, qui s'en est approché, et l'a baisé, c'était un moment très intense. Pour autant que j'ai pu voir, les membres en ont été brisés lors du tremblement de terre, mais la partie supérieure est intacte], le pays le plus petit et le plus martyrisé lors du tremblement de terre des Abruzzes. Il a vu le village tomber sous la fureur du tremblement de terre et il s'est à nouveau offert lui-même comme projet de rédemption, comme certitude de renaissance. Sur cette croix, brisée par le tremblement de terre, il y a la douleur de ceux d'entre nous qui habitons l'Ostello, le peuple des Abruzzes, les enfants d'Haïti, le déchirant martyre des pères et des mères qui, dans la mort de leurs enfants renouvellent chaque fois la douleur de Marie. Douleurs inexpliquées, lancinantes, mais pas désespérée. La Croix restaurée dont nous vous faisons don n'est donc pas l'image de la souffrance, mais l'attente de l'aube et de la rédemption.

Il est difficile, Saint-Père, de prononcer des mots dignes face à votre immense sagesse; acceptez donc l'humilité d'un cœur simple et l'amour qu'il peut contenir. Portez avec vous l'exhortation à conduire ce troupeau, parfois si perdu, si insuffisant, si inadapté.

Mais un troupeau qui est pourtant votre troupeau et qui repose sa confiance dans votre direction. Et quand les jours de pluie alternent avec les jours de soleil, ne pensez pas à nous, mais "aussi" à nous, qui ne cessons de vous envoyer nos salutations fraternelles, notre amour filial et le sens profond d'un pain rompu et partagé.