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Le maître de la terre

Le roman prophétique de Robert H. Benson, lu et apprécié par Benoît XVI et François (24/5/2013)

>>> Le livre a été réédité à la librairie Téqui (www.librairietequi.com/A-51085-le-maitre-de-la-terre)

     

Dans un de ses derniers articles sur son site multilingue Chiesa, intitulé "Bergoglio, révolutionnaire à sa manière", Sandro Magister écrit du nouveau Pape:

Le piège le plus redoutable, à son avis, est constitué par ce qu’il appelle le "progressisme adolescent", un enthousiasme pour le progrès qui, en réalité, se retourne – dit-il – contre les peuples et les nations, contre leur identité catholique, "en lien étroit avec une conception de l’État qui est, dans une large mesure, un laïcisme militant".
... Il voit, dans le fait que de telles lois [l'avortement libre et les mariages "gay"] se répandent partout dans le monde, l'offensive d’"une conception impérialiste de la mondialisation", qui "constitue le totalitarisme le plus dangereux de la postmodernité".
C’est une offensive qui, d’après Bergoglio, porte la marque de l'Antéchrist, comme dans un roman qu’il aime citer : "Le maître de la terre" de Robert H. Benson. Celui-ci était le fils d’un archevêque anglican de Canterbury et il se convertit au catholicisme, il y a un siècle.
Dans les homélies qu’il prononce depuis qu’il est pape, les références très fréquentes au diable ne sont pas un artifice rhétorique (1). Le pape François considère que le diable est plus réel que jamais, qu’il est "le prince de ce monde" qui a été vaincu pour toujours par Jésus mais qui est encore libre de faire du mal.
Il y a quelques jours, dans une homélie, il a lancé un avertissement : "Le dialogue est nécessaire entre nous, pour la paix. Mais on ne peut pas dialoguer avec le prince de ce monde. Jamais".

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(1) Un lecteur, Gilles B., m'écrit à ce sujet:

Une chose est frappante dans la prédication de François et cela le relie directement au roman de Robert Hugh-Benson, qu'il affectionne : son insistance à parler du diable et, donc, du mal, envisagé non comme une simple absence du bien, mais comme une force autonome. Il ne s'agit pas de prétendre que ses prédécesseurs ne croyaient pas à l'existence de Satan et de ses fumées (comme a dit Paul VI, cf. benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/la-prophetie-de-paul-vi), mais nous sommes là en présence d'un thème très intéressant, dans la mesure où le XXe siècle a été marqué, dans le discours théologique, par un véritable effacement de la figure du diable (alors même que ce siècle fut le pire de l'histoire humaine). Avez-vous souvent entendu des prêtres vous parler du diable et de l'enfer ?

Décidément, l'ouvrage prophétique de Benson figure en bonne place parmi les lectures profanes préférées des Papes. Il était aussi très apprécié de Benoît XVI, comme l'illustre cet article publié en août 2011 dans l'Avvenire, que j'avais traduit (http://benoit-et-moi.fr/ete2011).
Mgr Luigi Negri avait écrit la préface d'une nouvelle édition en italien, et faisait état des confidences du saint-Père Benoit.

     

La société «parfaite» qui renonça à Dieu

Quels romanciers lit un pape?
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Aujourd'hui, nous avons une réponse, avec un auteur aimé de Benoît XVI. Et elle concerne un écrivain anglais, qui s'est converti au catholicisme et a vécu au tournant des XIXe et XXe siècles. C'était le fils du primat de l'époque de l'Eglise anglicane (ndt: l'archevêque de Cantorbery), qui a grandi de pain, de Bible et de liturgie, sans que son cœur brûle réellement pour le Seigneur: "Théoriquement, j'ai accepté le credo chrétien, mais il ne conditionnait pas ma volonté ou mes émotions, sinon pour de courtes périodes. C'était une religion sans une étincelle de vitalité vraie".
Ainsi écrivait Robert Hugh Benson en 1906 dans son "Journal intime d'un converti" (Confessions of a Convert), récit autobiographique de son périple, qui l'a conduit de Canterbury à Rome. Et de Benson, les Editions Foi et Culture publient aujourd'hui une nouvelle traduction de son chef-d'œuvre littéraire, Le Maître de la terre (Lord of the World, en italien Il padrone del mondo ), après la publication en 2010 de "L'aube de tout" (Dawn of All ), texte qui narrativement en constitue la suite.

Mais quel rapport entre Benson et Papa Ratzinger?
Mgr Luigi Negri l'explique dans la préface au "Maître de la Terre":
"En parlant avec le Saint-Père, j'ai reçu la confidence que pour lui aussi la lecture du Maître de la Terre, dans la première édition allemande, fut un fait de grande importance".

En d'autres termes, Joseph Ratzinger a été fasciné par le récit de Benson. Qui, ante litteram, a donné une voix romanesque à l'un des centres névralgiques de la pensée de Joseph Ratzinger-Benoît XVI:
" Ne sommes-nous pas, nous – peuple de Dieu –, devenus en grande partie un peuple de l’incrédulité et de l’éloignement de Dieu? N’est-il pas vrai que l’Occident, les Pays centraux du christianisme sont fatigués de leur foi et, ennuyés de leur propre histoire et culture, ne veulent plus connaître la foi en Jésus Christ? ".
Ainsi a parlé le Pape, le dernier Jeudi saint, dans l'Homélie de la messe chrismale (ndt: texte ici www.vatican.va).
Une apostasie silencieuse que l'Occident, autrefois berceau du christianisme, accomplit dans le roman de Benson.

Au cœur de tout cela, il y a le Londres de l'auteur, où l'on embrasse la credo de l'humanitarisme et où se répand l'abjuration du credo chrétien. A ce "mouvement nouveau" des "ministres de l'euthanasie" en "faveur" des malades, prêtent leur concours plein de compassion; le mariage sacré n'existe plus, mais le "mariage à bail"; on s'en tient à un "nouvel évangile": "Il n'y a pas Dieu, mais l'homme, pas le prêtre, mais le député, pas le prophète, mais le pédagogue".
Seule Rome résiste, fidèle au catholicisme: le pape et une poignée de cardinaux trouvent ensuite refuge là où le christianisme est né à Nazareth, en attendant la fin. Cette nouvelle religion a son messie, ce Julien Felsemburgh, auteur de la paix entre Orient et Occident, qui préannonce une ère nouvelle de paix pour l'humanité.

Auquel le peuple désormais - mais c'est une constante de tout athéisme: recréer le simulacre d'une religion sur les cendres de celle "défunte" - voue des sentiments religieux: : "Il avait rapporté de petites scènes dont il avait été témoin oculaire: un groupe de gens agenouillés devant un portrait de Felsenburg, un homme mourant qui invoquait son nom".
Dans le roman, il y a d'autres personnages: le couple Olivier et Mabel Brand, grands soutiens du nouveau credo; le Père Francis, un prêtre anglais très catholique élevé par la suite au rang de cardinal, et un pape... nommé Benoît XVI ...! Et entre le personnage fictif et le pape actuel il y a d'autres associations: Si Ratzinger a entrevu dans les "minorités créatives" la possibilité de garder vivant le christianisme encore dans l'ère post-moderne, le personnage de Benson invente un ordre religieux (dont il prend la tête) pour un témoignage, désarmé et total, de la foi. Il s'appelle "Nouvel Ordre du Christ crucifié."
L'inspiration vient du père Francis, lequel en recommande l'institution au pape précisément pour cette raison: «Un fondateur nudus sequens Christum nudum ... oui, des francs tireurs, prêtres, évêques, laïcs et femmes". "Minorités créatives" et "francs tireurs" de la foi: difficile de penser à une consonnance plus éclatante! Mais il y a plus, sur la piste Benson-Ratzinger.
Par exemple, le monde sans Dieu: comme celui présenté par l'«humanitaire» Mabel à sa mère mourante, qui, peu avant la fin avait demandé l'Eucharistie: «Maman, ne comprenez-vous pas que tout ce que Jésus-Christ a promis est devenu réalité, mais dans un autre sens. Vous me dites vouloir le pardon des péchés, eh bien, le voilà,le pardon: nous l'avons tous, car il n'existe aucun péché, il n'y a que des actes criminels. Et vous voulez recevoir la communion, croyant en cela participer à Dieu lui-même. Eh bien, nous participons tous de Dieu, pour cette raison que nous sommes des êtres humains! Vous ne vouyez pas que le christianisme est simplement un moyen d'exprimer toutes ces choses? J'admets que c'était le seul, autrefois; mais à présent, il est déjà dépassé par un autre, bien meilleur".

Dans le livre entretien Lumière du monde, Benoît XVI affirmait: "La chose importante aujourd'hui est que nous voyons à nouveau que Dieu est là, que Dieu nous regarde et nous répond. Et, qu'au contraire, quand il vient à manquer, tout peut être aussi rationnel qu'on le veut, mais l'homme perd sa dignité et son humanité spécifique, et ainsi s'écroule l'essentiel". Lequel, pour Benson, est simple: "La vraie paix ne concerne pas seulement les relations des hommes entre eux, mais principalement celles qui intercèdent entre les hommes et leur Créateur."

Lorenzo Fazzini

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Note
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Au début du siècle dernier un auteur catholique anglais, Robert Benson, dans son roman Le maître de la terre prédit la disparition de la foi chrétienne, non pas à cause d'une persécution sanglante, mais à travers l'humanitarisme. Pour utiliser les mots de Benson, la charité serait remplacée par la philanthropie et la foi aurait été évincée par la culture. Le Mal se cache derrière l'idéologie pacifiste et progressiste.

Robert Hugh Benson (1871-1914) est un personnage extraordinaire.
Catholique converti de l'anglicanisme, il était le quatrième fils de l'archevêque de Canterbury. Animé par un zèle sincère pour Dieu, il chercha dans la Communion anglicane une vie religieuse qui aurait satisfait son désir de faire la volonté de Dieu. Il entra dans la Communauté de la Résurrection et fut ordonné prêtre anglican en 1901. Mais en poursuivant ses études, il se trouva insatisfait de la position doctrinale de la Communion anglicane, et prit la décision d'embrasser la foi catholique. Il fut ordonné prêtre catholique en 1904. En 1907, il a écrit un roman extraordinaire, Le Maître de la Terre. C'est un livre incroyablement actuel, parce qu'il décrit le monde d'aujourd'hui, avec ses réalités et ses hypothèses inquiétantes. Lire aujourd'hui Le Maître de la Terre donne des frissons.

Communications instantanées à travers le monde, autoroutes à quatre voies. Transports aériens et souterrains. Lumière artificielle. Euthanasie légalisée et assistée. Un Parlement européen. Attentats en chaîne, avec des kamikazes. L'effondrement du géant russe. La menace (déjouée) d'une guerre mondiale avec des affrontements entre l'Amérique, la Russie et la Chine. Un pape du nom de Jean, après cinq siècles. La crise des religions, avec la promotion d'une nouvelle religion universelle, genre New Age. Des prêtres qui quittent le ministère. Des laïcs consacrés qui oeuvrent dans le monde sans uniformes ni insignes. La menace d'un «Big Brother» voué à gouverner à l'échelle globale . Tout cela est décrit dans le roman.
Le grand philosophe Augusto Del Noce (ndt: 1910-1989, politologue, philosophe et homme politique italien. Spécialiste de Hegel et de Marx, il fut titulaire de la chaire d'histoire des idées politiques à l'université de La Sapienza, et, à partir de 1984, sénateur de la Démocratie chrétienne) ,lors de la parution de la première édition - on en est aujourd'hui à la seizième - en italien a écrit: "Dire que pour les catholiques, la chose qui est le plus à craindre est "la force immense que peut exercer l'humanitarisme", avec le remplacement de la charité par la philanthropie et de l'espoir par la satisfaction, et conduire un livre entier sur la base de cette idée est apparu dans les années suivantes comme une sorte de paradoxe....
(Source)