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Le président du Parlement européen, le socialiste Martin Schulz, invite le pape François. Quelques rappels utiles de l'ère Benoît XVI, quand le même Parlement refusait de le recevoir. (12/10/2013)

     

Marie-Christine me transmet cet article du nouveau correspondant de La Croix à Rome, Sébastien Maillard.
Je me permets de le reproduire partiellement, parce que j'ai quelque chose à y ajouter:

L’invitation est désormais officielle et réitérée.
Le président du Parlement européen, Martin Schulz, reçu en audience privée ce 11 octobre au Palais apostolique du Vatican, a porté son invitation au pape François à venir s’adresser aux 754 députés européens à l’occasion d’une session plénière à Strasbourg ou à Bruxelles.
Une invitation bien accueillie par le Saint-Siège, qui réserve toutefois sa réponse. Pour Martin Schulz, social-démocrate allemand qui pourrait être investi par son parti en février comme candidat à la présidence de la Commission européenne en vue des élections européennes du 25 mai prochain, l’enjeu est que cette visite se déroule avant cette échéance.

Ce n’est pas la première fois qu’un pape s’adresserait aux députés européens.

Comme l’a souligné le P. Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, devant la presse, l’audience de Martin Schulz coïncide avec le 25e anniversaire du discours de Jean-Paul II au Parlement européen à Strasbourg (le 11 octobre 1988). Le pape polonais, qui s’exprimait alors avant la Chute du Mur de Berlin, avait fait part de son espoir que l’intégration européenne gagne le continent entier. Il avait aussi décrit la séparation de ce qui revient à César de ce qui revient à Dieu comme un des apports du christianisme à l’Europe moderne.
Plus tard, Benoît XVI a aussi été invité au Parlement européen par le chrétien-démocrate allemand, Hans-Gert Pöterring, lorsqu’il présidait l’hémicycle européen. Mais cette invitation ne s’est jamais concrétisée, un mauvais accueil par les élus étant redouté, selon l’entourage du président Pöterring.

Sans attendre une hypothétique visite, le pape François et Martin Schulz – ce dernier s’exprimant en allemand et le pape, en espagnol – ont discuté durant trente minutes des graves problèmes sociaux affectant aujourd’hui l’Europe, le chômage des jeunes et l’accueil des migrants, dont la tragédie de Lampedusa du 3 octobre montre l’urgence.
Ces deux thèmes étaient au centre d’une tribune de Martin Schulz en Une du quotidien du Vatican, L’Osservatore Romano, publiée ce 11 octobre, intitulée « Une Europe au service des plus faibles». Le président du Parlement européen devait intervenir sur ces sujets à Rome le même jour, à la Communauté de Sant’Egidio et à l’université pontificale grégorienne.
(http://www.la-croix.com)

     

La tribune complaisamment offerte par "le journal du Pape" à un des représentants les plus sectaires de la gauche européenne interroge une fois de plus sur sa ligne éditoriale.

J'aimerais , pour édifier mes lecteurs, mettre en perspective avec un article de mon site publié en mai 2007 que je reproduis ici.
J'y traduisais en particulier l'anayse que faisait à l'époque John Allen Jr.

Rappelons qu'en mars 2007, le président du parlement Européen Hans-Gert Pöttering (démocrate-chrétien, et catholique), de passage à Rome avait officiellement invité le Saint-Père, et sa venue prochaine paraissait, sinon certaine, du moins très probable; mais les zélateurs de la "liberté" d'expression et leur nouveau 'clergé' ne l'entendaient pas de cette oreille.
On pourra constater que depuis lors, toutes les objections élevées à ce moment contre la venue du Pape (en réalité, de Benoît XVI) sont tombées comme par magie. Encore un problème de communication résolu?

Relations politiques entre l'Union Européenne et le Vatican sur la corde raide
John Allen Jr, 7 mai 2007
* * *

Les arguments couramment agités au sujet de l'invitation faite au pape Benoît de venir s'exprimer devant le Parlement européen, illustrent à la fois la profondeur des tensions actuelles entre l'UE et le Vatican, mais aussi l'exercice de corde raide des diplomates qui, des deux côtés, s'emploient à maintenir ouvertes les lignes de communication.
Le président du Parlement Européen, l'allemand Hans-Gert Pöttering, a adressé cette invitation à Benoît XVI le 23 mars, lors d'une rencontre avec le Pape à Rome.
A la mi-avril, un groupe de parlementaires de gauche, soutenus par des ONG, a écrit à Hans-Gert Pöttering pour s'y opposer. Dans sa réponse du 26 avril, Hans-Gert Pöttering a démenti que cette invitation constituait un "traitement de faveur" pour l'Eglise Catholique. De plus, il a dit que cette invitation n'avait été faite qu'après consultation des différents groupes parlementaires.

Les critiques contre l'invitation à Benoît XVI émanent du Groupe de Travail sur la séparation entre la Religion et la Politique, un groupe constitué de 19 parlementaires issus de différents partis de gauche.
Ce groupe est soutenu par les "Catholiques pro-choix" (Catholics for free choice), une organisation qui plaide pour un changement dans l'enseignement catholique sur la sexualité et la reproduction. Contre l'invitation de Pöttering, on trouve aussi la Fédération Humaniste Européenne, basée en Belgique, un groupe qui défend le sécularisme et la neutralité religieuse des institutions publiques, et qui proclame qu'elle représente "au moins 50% des européens", ceux qui n'ont pas de convictions religieuses.

"Un monologue, par le chef d'une religion spécifique, qui se trouve être aussi un chef d'état étranger, peut difficilement prétendre être un dialogue franc, régulier, et transparent", écrit une parlementaire allemande, Sophie in’t Veld, présidente du Groupe de Travail sur la séparation entre la Religion et la Politique, dans une lettre adressée à Pöttering le 10 avril.

La lettre de la Fédération Humaniste Européenne, ironiquement datée du 16 avril, anniversaire du Pape, est plus acerbe, accusant l'invitation à Benoît XVI d'être une "menace, qui mine la confiance dans le parlement européen".
"Les gens n'accepteront pas qu'une religion ou une croyance qui n'est pas la leur, soit reconnue, honorée, qu'on puisse lui accorder de l'influence sur les institutions d'un gouvernement séculier", dit-elle.

La lettre conclut: "S'il est trop tard pour retirer cette invitation superflue, alors, pouvons-nous au moins vous demander de faire en sorte que le Pape réponde à des questions des parlementaires, qui pourront ensuite lui demander de se justifier, lui et sa politique, dans un débat beaucoup plus libre que ce qu'il rencontre habituellement?"

Cet échange à propos de l'invitation couronne deux mois particulièrement rugueux pour les relations entre l'UE et le Vatican, qui avaient commencé en mars avec une conférence à Rome sous le patronnage du Conseil des Evêques Européens, conférence marquant le 50ème anniversaire du Traité de Rome, qui créa l'UE.
Autant les organisateurs de la conférence que Pöttering, espéraient que cet évènement marquerait un tournant positif dans les relations entre l'UE et le Vatican, après les bagarres consécutives à l'appel du Vatican en faveur de références à Dieu et aux racines chrétiennes de l'Europe dans la nouvelle Constitution Européenne.
Pöttering, membre du parti Chrétien-démocrate en Allemagne, et catholique pratiquant, a soutenu les positions du Vatican. A la conférence de Rome, il argumenta que l'Union Européenne et les corps religieux, comme l'Eglise Catholique, devaient coopérer.
L'espoir d'une ère nouvelle de bons sentiments s'amenuisa, cependant, quand recevant le 24 mars des participants à la conférence, Benoît utilisa un ton mordant pour accuser l'Europe d'apostasie, une remarque qui, dans ce contexte, frappa certains comme une manifestation de mauvaise humeur. Un catholique travaillant pour l'Union Européenne la qualifia de "Ratisbonne de l'Europe".
Les tensions s'exacerbèrent encore le 30 mars quand Mgr Bagnasco, l'archevêque de Gênes, président de la Conférence épiscopale italienne, s'exprima lors d'une rencontre avec les opérateurs des médias diocésains.
Adressant des propositions sur la reconnaissance légale des unions entre personnes du même sexe, Bagnasco mit en garde contre les conséquences sociales de l'abandon de critères objectifs de moralité. Il usa d'un langage que certains interprétèrent comme une comparaison de l'homosexualité avec l'inceste et la pédophilie, ce qui provoqua des protestations indignées et même des menaces de mort contre Bagnasco en Italie.

A Bruxelles, trois parlementaires italiens de gauche proposèrent que les remarques de Bagnasco soient condamnées en vertu d'une déclaration de l'UE sur l'homophobie. Cette suggestion déclencha une avalanche de critiques d'officiels catholiques. SIR, l'agence de presse officielle des évêques italiens, titra son éditorial "Il est temps de dire 'cela suffit!' ", et condamna ce qu'il désigna comme " des arguments de propagande violemment anti-cléricale, venant d'une poignée de mécontents".

Pour finir, la déclaration du 26 avril ne désignait pas nommément Bagnasco, mais dénonçait "le langage, ou le discours de haine, menaçant et incendiaire" de certains dirigeants politiques et religieux. Le texte critiquait "les remarques discriminatoires émanant de leaders religieux, visant les homosexuels, qui attisaient la haine, même en ayant été retirées par la suite", et réclamaient leur condamnation par les hiérarchies des organisations concernées.
Les observateurs disent que Pöttering doit faire face au scepticisme des deux bords dans son effort pour garder stables les relations UE/Vatican. Il est coincé entre la gauche parlementaire, qui n'a pas forcément intérêt à entretenir un dialogue constructif avec l'Eglise Catholique, et les hauts reponsables du Vatican, qui sont de plus en plus réticents à considérer l'UE comme un interlocuteur. Certains en sont arrivés à considérer l'UE comme agressivement "sécularisée" et hostile à l'Eglise, et préféreraient éviter de traiter directement avec les institutions européennes.

Dans sa réponse du 26 avril à Madame in't Veld, Pöttering dit que l'une de ses priorités comme président du parlement européen est le "dialogue interculturel", "y compris les échanges avec les leaders religieux". Se référant à l'article 52 du 'premier jet' de la constitution européenne, qui concernait les relations avec les Eglises et les religions, Pöttering dit qu'il y a un soutien clair, au sein du Parlement, à l'engagement de ce dialogue.

"Comme vous, je suis favorable à une séparation claire entre l'Eglise et l'état", écrit Pöttering. "Mais je partage aussi votre point de vue que les églises peuvent grandement contribuer au débat public, et à façonner une Union Européenne des valeurs". Il dit que le 15 mai, à Bruxelles, l'UE tiendra une conférence destinée aux "leaders de haut-niveau" des traditions orthodoxe, catholique, protestante, anglicane, sunnite, chiite, et juive, sur le thème "Bâtir une Europe basée sur la dignité humaine".

Pöttering ajoute qu'il a consulté tous les groupes politiques du parlement avant de lancer les invitations, et qu'il recueillera leurs impressions après. Bien que Pöttering ne le précise pas dans sa lettre, selon des sources de l'UE, ceci inclut le groupe de coalition libérale dont Mme in't Veld est membre.
Une invitation précédente à s'exprimer devant le Parlement Européen, avait déjà été adressée en Avril 2006 à Benoît XVI par le président d'alors, René Van der linden. Un porte-parole du Vatican avait dit que le Pape avait "volontiers accepté l'invitation", mais aucune date n'avait été fixée.
Le Saint-Siège a un statut d'observateur, au Parlement européen. L'actuel représentant est un archevêque français, Mgr André Dupuy.