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Le Pape François, la réforme dans la continuité?

Sur l'organisation du prochain Synode sur la Famille, et en particulier sur le "questionnaire" annexé, Andrea Gagliarducci est de ceux qui pensent qu'il ne s'agit pas d'une révolution, mais que cela s'inscrit dans une démarche de réforme dans la continuité (12/11/2013)

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Mais (selon moi) même s'il y avait déjà des questionnaires lors des précédents synodes, la nouveauté indéniable, cette fois, c'est la volonté expresse du Pape que le qustionnaire soit largement diffusé dans la base. Ce n'était pas le cas lors des précédentes contestations, et cela autorise les medias à s'inviter dans le débat.

     

Le Pape François, la réforme dans la continuité?

Andrea Gagliarducci
11 novembre 2013
http://www.mondayvatican.com
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Le document préparatoire du synode extraordinaire pour la famille fait les gros titres uniquement en raison du questionnaire qui lui est joint. Il était composé de 38 questions, posées d'une manière inhabituellemnt directes, abordant des questions de façon très pragmatique.

Ce style pragmatique est la seule réforme qui ait eu lieu sous le pontificat de François jusqu'ici. Il y a toujours eu des questionnaires à la fin des Lineamenta (ie les documents préparatoires des synodes). En règle générale, ils sont adressés par le secrétaire général du synode aux présidents des Conférences épiscopales nationales, qui à leur tour les remettent aux évêques. Les évêques les remettent aux prêtres dans leurs diocèses, et finalement les prêtres les remettent à leurs conseils pastoraux, aux catéchistes et aux laïcs actifs dans leurs paroisses. La «chaîne» de transmission n'est pas toujours complétée. Et il y a toujours eu une sorte de coordination centrale dans la gestion des réponses de Rome.

Il n'y a rien de nouveau à ce qu'il y ait un questionnaire. La même chose est vraie au sujet d'une éventuelle réforme du synode des évêques, une question qui est discutée depuis des décennies .

Le Pape Paul VI, après avoir promu le Synode des Évêques, a décidé de le doter seulement d'une fonction consultative . Pourquoi? Parce que la collégialité cum Petro (avec Peter) doit également être collégialité sub Petro (sous Pierre).
En fait, Paul VI a essayé de réformer le synode des évêques, et ses efforts ont été repris par tous les papes qui lui ont succédé. Une possible «voie médiane» entre un synode des évêques représentatifs de toute l'Église et la nécessité d'une coordination centrale à Rome a été recherchée pendant longtemps. Le Pape François espère la trouver.
C'est peut-être la raison pour laquelle François voulait convoquer le plus tôt possible un synode extraordinaire sur la famille, spécifiant que c'est la première de trois étapes. La première étape est le Synode extraordinaire, qui va prendre un «instantané» de la famille d'aujourd'hui, la dernière étape sera le synode général ordinaire (prévu pour 2015) sur le même sujet, qui vise à fournir des lignes directrices, et entre les deux, la Rencontre Mondiale des Familles.

Plus qu'une réforme, c'est un modus operandi, un peu sur le modèle de l'assemblée générale du CELAM , la Conférence des évêques latino-américains que Pie XII a fondée.

Le Pape François agit rapidement, car il sait que c'est seulement pendant les premières années de son pontificat qu'un pape peut vraiment exercer son pouvoir de manière efficace.
A cette période, le Pape François peut tirer parti de son immense popularité auprès des foules qui viennent Place Saint-Pierre pour l'écouter, et qui croient qu'il y a une nouvelle atmosphère sous le dôme de Saint-Pierre. Lorsqu'on a demandé à un fonctionnaire du Secrétariat d'Etat comment les choses allaient sous le nouveau pape, il a ouvert la fenêtre de son bureau du Palais Apostolique, désigné la foule de la place Saint-Pierre, et affirmé: «Comment peuvent-elles aller, sinon bien? »

Les foules, cependant, n'équivalent pas à un consensus. Le pape a été élu par les cardinaux, et non par un grand électorat, dans un sondage. Selon les rumeurs au sujet des réunions de pré-conclave, le pape François a été considéré comme la personne qui pourrait réformer la structure de l'Eglise. Après le patient travail de Jean-Paul II (Pastor Bonus a été publiée sous son pontificat) et sa consolidation par Benoît XVI , les cardinaux ont pensé que c'était le bon moment pour un tournant. Les cardinaux n'ont pas tous ce travers anti-romain et anti-Curial qui affecte surtout les cardinaux plus éloignés de Rome. Tous les cardinaux étaient toutefois convaincus qu'il était temps pour un bond en avant significatif, au moins au niveau de la gestion.

Donc, surfant sur sa popularité auprès des foules, le pape François essaie de mener à bien toutes les réformes qu'il a en tête dans les délais les plus brefs qu'il peut.

La réforme du Synode des Évêques est la première. Les nouveaux règlements du synode ont été approuvées par Benoît XVI en 2006. Avant ces nouveaux règlements, l'Ordo Synodi Episcoporum avait déjà été modifié à deux reprises. D'autres légères modifications à l'ordo avaient été présentés comme des exceptions aux règlements, suite à la praxis des synodes de peaufiner les directives pour faciliter les sessions.

Les évêques d'Angleterre et du Pays de Galles semblaient vouloir contribuer à réformer du synode. Ils l'ont fait, toutefois, sans réfléchir. Avant même que le document préparatoire ne soit publié, ils ont mis le questionnaire en ligne sur le site "surveymonkey" . En conséquence, n'importe qui pouvait répondre au questionnaire, même en ne faisant pas partie d'un diocèse britannique (il suffisait de le prétendre). Plus qu'un exercice de démocratie, cela témoignait d'un certain manque de jugement. La Conférence des évêques devait certainement encore examiner les réponses avant de les transmettre à Rome. Le secrétaire général du synode, Mgr Lorenzo Baldisseri, a également invité les fidèles à répondre au questionnaire et à envoyer le tout à Rome. Évidemment, la bureaucratie vaticane examinera ces réponses.

Tout cela peut difficilement être qualifié de changement. En effet, le changement est recherché et nécessaire, mais personne ne sait comment le gérer. Discuter de changements possibles nécessite la participation d'experts en droit Canon, de fonctionnaires du Vatican, et même de la Secrétairerie d'État, car cela touche des questions comme: Comment organiser le gouvernement de l'Eglise? Et comment préserver la primauté de Pierre?

Présentant le document dans une conférence de presse, Mgr Baldisseri et le cardinal Erdö Petr (rapporteur général du synode) ont tous deux souligné - intentionnellement - la nécessité de «collégialité», et non de «synodalité».

Mgr Baldisseri a aussi expliqué que le pape François - qui a présidé la réunion du Conseil du Synode les 7 et 8 octobre - veut «faire du synode, en tant qu'institution, un outil véritable et efficace de communion à travers lequel la collégialité souhaitée par le Concile Vatican II puisse s'exprimer et se réaliser». Selon Mgr Baldisseri, le pape François veut aussi renforcer l'activité du secrétariat général du synode des évêques «afin qu'il puisse remplir adéquatement sa mission de promouvoir la collégialité épiscopale» cum Petro et sub Petro «dans le gouvernement de l'Église universelle». Ceci représenterait non seulement des «changements structurels», mais aussi un «ajustement fonctionnel».

Ces mots semblent contredire une compréhension générale selon laquelle, sous le pape François, la synodalité subirait une poussée en avant, et ceux qui mentionnent la synodalité en parlant d'une refonte en cours.

Il est vrai que le pape François a dit que il voulait plus de synodalité, et s'est référé aux Eglises orthodoxes comme exemples. D'autre part, leurs synodes sont une des raisons pour lesquelles les Eglises orthodoxes deviennent ingouvernables et divisées intérieurement, capables de faire des pas en avant extraordinaires et des pas de géant en arrière.

La méthode du synode des Églises orthodoxes n'est pas une méthode qui correspond à la personnalité du pape François. Parlant avec des journalistes sur le vol de retour de Rio de Janeiro, François dit qu'il aimait collaborateurs qui lui disent «non» de temps en temps, et ne voulait pas d'être entouré par des hommes qui lui toujours oui. C'est vrai. L'écoute est l'une des principales qualités des jésuites, et le pape François est très jésuite.

Mais il est un Jésuite de prise de décision. Il a lui-même admis qu'il avait eu des problèmes avec la Compagnie de Jésus parce qu'en tant que supérieur provincial, il prenait des décisions brusquement. L'expérience et la maturité l'ont rendu plus «consultatif». Cependant, à la fin, c'est toujours lui qui décide.

(...)

Le Pape François n'aime pas les manchettes, qu'il considère comme une sorte de frein impromptu à son idée de réforme. Quittant l'église où se trouve le tombeau de saint François, à Assise, le 4 octobre, il s'est plaint au directeur de l'Avvenire, Tarquinio [dont le journal avait affirmé à tort que le Secrétaire général de la CEI avait été confirmé à son poste, alors qu'il n'avait été que prorogé. Une information qui démentait l'intention de François, qui est que le président de la CEI, contrairement à ce qui se faisait jusqu'à présent, soit désormais élu par ces pairs et non plus nommé par le Pape]. Auparavant, il aurait blâmé Gian Maria Vian [pour la même raison], le directeur de "L'Osservatore Romano", selon certaines sources.

D'autres sources ont affirmé que le pape François s'était plaint à Vian parce que l'Osservatore Romano avait publié la conversation libre du Pape avec Scalfari, le directeur du quotidien italien La Repubblica, qui l'avait déjà publiée comme interviewe. Mais le Pape François n'en a pas réfuté un seul mot, et le texte est toujours sur le site du Vatican, traduit en six langues.

Entre consultations et les idées, la réforme du Pape François avance.
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Le Pape François met sa confiance en ceux qui sont enracinée dans la doctrine, les nommant à des postes clés, afin de fournir à ses actions des racines "magistérielles".

Il a confirmé à son poste le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Gehrard Ludwig Mueller, qui a été chargé de rédiger un article réaffirmant la doctrine de l'Église sur les divorcés, remariés, il a nommé le cardinal Petr Erdo rapporteur général du synode extraordinaire pour la famille, lequel a rédigé un document qui énonce le magistère sur la famille (de l'encyclique Humanae Vitae à l'exhortation apostolique Familiaris consortio), il a demandé au cardinal Rodriguez Maradiaga d'être le coordinateur du Conseil des huit cardinaux qui le conseillent sur une possible réforme de la Curie parce qu'il considère Maradiaga comme «un grand organisateur.»

Seul le temps dira si ces choix sont bons. À l'heure actuelle, la réforme de l'Église se poursuit, dans la continuité. En fait, un «ajustement fonctionnel» (comme l'appelle Mgr Baldisseri) est nécessaire pour le synode ainsi que pour de nombreux corps de l'Eglise. Le Pape François le veut rapide. Il ressent le risque que la bureaucratie vaticane ne l'arrête. Il doit trouver un équilibre entre institutionnalisme et réforme. Et il ne doit pas être pris au piège au milieu des combats «partisan». En fin de compte, la Curie de l'ancien temps a soutenu l'élection de Jorge Mario Bergoglio. Pensaient-ils qu'ils pourraient le rouler? Et dans quelle mesure y parviennent-ils?