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Le secrétaire d'Etat Bertone

... loyal collaborateur de Benoît XVI. Au moment où il s'apprête à céder sa place, une analyse d'Andrea Gagliarducci, pour le site National Catholic Register. (11/9/2013)

>>> Cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/un-nouveau-secretaire-detat.html

Grâce à Teresa, j'ai trouvé cet article d'Andrea Gagliarduci, également collaborateur de Korazym.org, sur le site National Catholic Register.

Au moment où le cardinal Bertone, objet presque unanime de critiques, s'apprête à passer la main à Mgr Parolin, le successeur choisi par François, qui donne actuellement pas mal d'interviewes, il est intéressant de donner pour une fois la parole à la défense: et si Tarcisio Bertone avait été un bon et efficace collaborateur du Pape? Et si on lui avait mis les bâtons dans les roues? Et si - surtout - le retour à la nomination à la Secrétairerie d'Etat d'un "diplomate" ne constituait pas une nouveauté, mais un retour en arrière?
L'article tranche avec le conformisme courant, et offre même, peut-être, des clés pour comprendre pourquoi, Benoît XVI "n'en pouvait plus" - jusqu'au geste définitif du 11 février..

     

Le cardinal Bertone comme secrétaire d'État. Quel était son but?
Article en anglais: www.ncregister.com
(Ma traduction)
Andrea Gagliarducci
10 Septembre 2013
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Le 28 janvier 2012, le secrétaire d'Etat du Vatican, le Cardinal Tarcisio Bertone, rencontrait les chefs des congrégations de la Curie romaine et discutait avec eux un document qu'il leur avait envoyé à l'avance, afin que chacun soit informé des sujets abordés et puisse éventuellement faire ses propre remarques. Il serait judicieux de lire ce document une fois encore, maintenant que le cardinal Bertone se prépare à démissionner et que son poste va être repris par Mgr Pietro Parolin le 15 octobre.

Le document de 14 pages est rempli de clarifications sur la base du droit de l'Eglise et de bonnes pratiques. Parfois, les points pourraient être considérés comme des banalités. Mais ce n'était pas le cas. Dans ce document, le cardinal Bertone souligne la nécessité de réorganiser la Curie romaine; il demande plus de dialogue et plus de collégialité entre les branches de la Curie romaine; et il s'interroge sur la manière dont les documents de la curie sont communiqués.
La plupart de ces sujets ont été déterminants lors des réunions de pré-conclave avant l'élection du pape Françocis, et maintenant ils sont devenus une partie des objectifs du nouveau pontificat.
C'est la raison pour laquelle il serait bon de revenir sur l'œuvre du cardinal Bertone, lisant directement ses discours et examinant l'activité de la Secrétairerie d'Etat, qu'il a dirigée.

Benoît XVI et Bertone suivaient les mêmes traces. Le lien entre les deux a toujours été très étroit.
Bertone a été attaqué en raison de ses fréquentes «visites officielles» en tant que secrétaire d'État (il y a eu dix voyages, incluant les visites en Pologne, au Pérou, au Chili, en Espagne, en Arménie, au Kazakhstan, et à Cuba). Mais, en fait, Benoît XVI utilisait son secrétaire d'État en tant qu'envoyé spécial: là où le pape ne pouvait pas et ne voulait pas être, il y avait le secrétaire d'État.
Bertone a rencontré des oppositions, parce qu'il n'était pas un diplomate, comme les Secrétaires d'Etats l'ont souvent été.
En fait, l'effort diplomatique de Bertone avait quelque chose de très différent de ce que la diplomatie du Vatican était habitiuellement.

Par exemple, dans un discours adressé à l'Académie pontificale pour les sciences sociales, le 30 Avril, 2007, Bertone déplorait que le concept de «devoir d'ingérence humanitaire», l'un des piliers de la diplomatie du Vatican sous Jean-Paul II, «n'avait pas été suffisamment exploré. C'est un cas où ce ne sont pas seulement les organisations internationales ou les Etats qui sont responsables, mais aussi les institutions de la société civile, des gouvernements des pays qui ont le plus besoin d'aide, et des Églises locales elles-mêmes».

C'était un discours certainement inspiré par le nouveau cours que Benoît XVI a donné à l'effort diplomatique du Saint-Siège.

En fait, le thème du premier message de Benoît XVI pour la Journée mondiale de la paix - qui est traditionnellement remis aux gouvernements et à la représentation diplomatique du Saint-Siège - était "Dans la vérité, la paix". Benoît XVI écrivait: «Le thème choisi pour la réflexion de cette année, exprime la conviction que, partout et à chaque fois que les hommes et les femmes sont éclairés par la splendeur de la vérité, ils entreprennent presque naturellement le chemin de la paix».
Le Pontificat de Benoît XVI visait à abandonner - ou au moins, à moins considérer - l'instabilité de la diplomatie, et à revenir à la solidité de la loi.
Ainsi, intentionnellement, Benoît XVI a voulu un expert de droit canonique en tant que secrétaire d'Etat, et non pas un diplomate.
Le choix du cardinal Bertone faisait partie d'un projet à long terme du pape allemand ..
Le secrétaire d'Etat ne doit pas nécessairement provenir du service diplomatique. Sa fonction est de «fournir une assistance étroite au Souverain Pontife dans l'exercice de sa fonction suprême, et cette assistance étroite ne traite pas seulement des relations diplomatiques».
Par exemple, selon la constitution pastorale Pastor Bonus , le Secrétariat d'Etat doit " rédiger et envoyer les constitutions apostoliques, lettres décrétales, lettres apostoliques, épîtres et autres documents qui lui sont confiées par le Souverain Pontife».

Bertone s'est vu confier par Benoît XVI deux tâches: celle de le représenter en cas de besoin, et celle de donner une nouvelle "vision" pour la Secrétairerie d'État, et la façon dont la diplomatie est gérée.
En fait, le projet de Benoît XVI a dû faire face à beaucoup d'opposition.
C'est le fond du document adressé en Janvier 2012 par le cardinal Tarcisio Bertone aux chefs de la Curie.

Un contexte supplémentaire a été la première manchette "Vatileaks" dans les médias, publiant l'accusation de corruption faite par Mgr Carlo Maria Vigano, ancien numéro 2 de l'administration de l'État du Vatican, et une note confidentielle sur l'Institut pour les œuvres religieuses (IOR: la banque du Vatican) et sur l'Autorité d'information financière (AIF).
C'était juste le début du scandale Vatileaks.

A cette époque, le cardinal Bertone limitait son activité internationale et se consacrait à la réforme de la Curie. Surfant sur la page Web de l'État de la Secrétairerie d'Etat, il est évident que les interventions publiques du cardinal sont de moins en moins nombreuses depuis 2009.
Durant cette période, de nombreuses questions importantes sont en jeu: la réforme de la Constitution de Caritas International, la réforme de la loi anti-blanchiment d'argent, la réforme de la réglementation de la Préfecture pour les affaires économiques.

Le thème de la réunion de janvier 2012 avec les responsables de la Curie romaine était «L'élaboration de la publication et le processus de réception des documents du Saint-Siège» (selon Teresa, cette réunion avait été voulue par Benoît XVI lui-même).
Dans son discours, le cardinal Bertone mentionnait la propagation de la «passion pour le bavardage et les potins ecclésiastique, qui minent le prestige du Saint-Siège et parfois aussi la confiance entre les branches Curie».
Pour un nouvel ordre Curial, il proposait la «méthode Ratzinger», i.e. la méthode de Joseph Ratzinger, perfectionnée quand il était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. «Sur la base de mon expérience personnelle - écrivait Bertone - je me souviens que le modus operandi de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi était particulièrement efficace. Cette méthode prévoyait l'implication du personnel de la Congrégation pour résoudre un problème, un mandat donné à des consultants, et à la fin, la décision finale des «pères» de la Congrégation dans la réunion dite de Feria Quarta»(la réunion hebdomadaire des membres de la congrégation).

Ainsi, le cardinal Bertone suggérait plus de collégialité, l'harmonisation des textes publiés et le respect de la confidentialité. Dans le même temps, Bertone demandait davantage de coordination, afin de ne pas publier les textes quand ils risquaient d'entrer en collision avec les activités de Benoît XVI.
Tel était le plan de Bertone pour le Secrétariat d'Etat, et tel est le fond qui explique la façon dont il a agi.
Il a peut-être fait quelques erreurs, mais en même temps il s'est montré un collaborateur loyal du pape, et il a toujours suivi les traces de Benoît XVI.
C'était, en fait, une nouvelle façon de fonctionner comme Secrétaired'Etat.

Maintenant que le Secrétaire d'Etat est à nouveau un diplomate, on peut se demander ce qu'il en sera de la révolution de Benoît XVI et de l'objectif de Bertone de réformer la Curie. Et, en outre, on espère que l'Eglise ne va pas revenir en arrière dans la réforme, mais continuera à aller de l'avant.