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Les "monstres" des papes

A propos d'un article de ce site, repris en Italie... (14/11/2013)

>>> Cf. La compassion des Papes

Il y a une semaine, mon attention avait été attirée par plusieurs articles illustrés d'une même photo du Pape François penché sur un homme atteint d'une pathologie si rare que son nom exact importe peu, mais qui donne à son visage un aspect grumeleux et repoussant, évoquant un cratère en éruption. Le malheureux inspire la pitié, mais aussi, il faut l'avouer, l'horreur et la répulsion. Le geste du Pape, le prenant dans ses bras pour l'embrasser, n'en était que plus beau et plus émouvant.

Comme d'habitude, des journalistes, dont tous n'étaient pas animés des meilleures intentions, se sont emparés de l'histoire afin de souligner une fois de plus le contraste avec son prédécesseur.
Il se trouve que je me souvenais de deux images saisies au vol à la fin d'un audience générale de Benoît XVI, en 2011, où il posait ses mains sur un lépreux.
Je les ai retrouvées, et j'ai raconté les circonstances ici: La compassion des Papes

A ma connaissance (et à mon regret), les images n'ont pas été reprises en France, sauf indirectement parmi les commentaires d'un billet d'Yves Daoudal (ici). Doit-on comprendre que le Pape Benoît n'intéresse plus les gens, chez nous? je sais que ce n'est pas le cas, bien au contraire.
Aussi, quelle n'a pas été ma (belle) surprise en découvrant "mes" photos sur un site italien très apprécié de moi (j'en reparlerai bientôt), celui d'Antonio Mastino, dont le blog "principal" porte le nom assez énigmatique de "Papale papale".
Il a écrit sur le sujet un billet dont je traduis l'essentiel ci-dessous, et qui renvoie en lien à un site italien où mon petit texte a été traduit.
Cela donne une deuxième chance à une information que je crois importante.

     

(...)
[Parmi les multiples centres d'intêret de Mastino figure la tératologie, qui est l'étude des monstruosités anatomiques. Il dit avoir écrit un pamphlet sur le sujet (pas encore publié) qu'il a soumis à l'examen de Vittorio Messori, lequel compte parmi ses amis, et qu'il considère comme un de ses maîtres]
* * *

Alors que nous discutions de ces choses, il est arrivé un fait qu'il a suscité un beau tollé: le pape, qui - disent les journaux avec leur habituelle superficialité scientifique - "baise les plaies d'un malade". C'est idiot, bien sûr, dit de cette façon. L'aspect du malade était vraiment impressionnant, on ne voit qu'une partie de la grosse tête difforme, et une main. Le pape, le visage visiblement troublé, le caresse, puis pose un baiser sur cette tête qui - ne soyons pas hypocrites - était repoussante; et certes nous, qui sommes si peu hommes du Christ et très vaniteux de ce monde, nous nous serions bien gardés de le faire, sans avoir l'estomac retourné. Les courageux du clavier, cependant, expliquent que c'est "la chair du Christ" (ndt: l'expression est utilisée par Tornielli, citant le pape à Assise), de sorte que ce geste devait être fait et a été fait par le vicaire du Christ, et cela ne devrait pas surprendre ou scandaliser, ni impressionner. Evidemment, magnifique théorie, beau discours, mais nous le connaissons aussi. Et cela reste malgré tout repoussant: parce que c'est cela le mystère triste et terrible du péché originel, qui rend obscènes, effrayants, la souffrance, le mal, la maladie. La chair lacérée par le péché originel est scandaleuse, repoussante et nous jette le tumulte dans le cœur. Elle suscite le scandale ... et c'est même scandaleux de le dire! Mais c'est ainsi. Sinon, quelle punition aurait été cette antique Chute?

De ce que j'ai vu de la tête du malheureux, j'ai tout de suite déduit qu'il s'agissait d'une éléphantiasis ou peut-être (mais j'ai presque immédiatement rejeté cette hypothèse, en regardant mieux) de la bien plus effrayante, la plus effrayante des monstruosités humaines, le syndrome de Protée.
Les «plaies», donc, n'existent que dans le cerveau malade des journalistes de cour. La photo a fait le tour du monde, suscitant l'émerveillement et les acclamations élogieuses sur «ce Pape» (comme si les autres, voyant une souffrance, lui crachaient dessus). Le journaliste habituel a également dit "sans crainte d'en être infecté". Quelle idiotie! C'est comme donner un baiser à un trisomique et avoir peur de devenir soi-même trisomique. Pauvres singes dactylographes!

Le fait est que l'on a tenté d'utiliser aussi cela pour faire la "comparaison" avec le saint prédécesseur de Bergoglio, Joseph Ratzinger, vrai martyr du catholicisme, qui termine dans un certain sens en «exil» la confession héroïque de sa foi, délicate, mais intrépide, dans des temps si vulgaires et malfaisants. Cela me rappelle l'inscription sur l'urne du grand pape Grégoire VII, peut-être parmi les plus grands de la catholicité, et donc, lui aussi, mort en exil, et maudit, où il est dit: «J'ai aimé la justice, je haï l'iniquité; c'est pourquoi je meurs en exil».

Pourtant, je me souvenais bien d'une autre photo, datant d'il y a deux ans, où le pape Benoît avec un sourire, et avec cette pudeur si typiquement germanique, caressait puis bénissait la tête, défigurée et "mangée" par la maladie, d'un lépreux (les signes "monstrueux" sur le corps sont sans équivoque) qui avait atteint un stade avancé de la maladie. Une maladie contagieuse, elle, et la contagion se produit par "contact". (Voir aussi ICI) [ndt: lien vers le site où mon texte est traduit en italien]

Tout comme François, le saint, cette fois, pas le pape, qui, aux portes d'Assise embrassait sur les lèvres le lépreux qu'un moment auparavant, on avait tenté, comme tous les autres, de chasser. (Voir ICI). Peu de gens l'ont noté, mais en mourant, l'homme d'Assise, parmi de nombreuses maladies, montrait aussi les symptômes de la lèpre: comme par hasard! Ce baiser avait été fatal. Mais, loin d'être une disgrâce, il avait été un signe de grâce.