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Un coup de fil vraiment émouvant du Pape

... dans la discrétion médiatique: il oblige à abandonner certains préjugés. François a téléphoné à un écrivain catholique traditionaliste gravement malade. Récit d'Antonio Mastino (15/11/2013)

>>> Voir aussi: Les "monstres" des papes

Un compliment vaut surtout par son auteur...

Ceux qui se réjouissent, parfois en toute bonne foi, des applaudissements que le Pape François reçoit du "monde", devraient se méfier: en plus d’être destinés à dévaloriser Benoît XVI, la plupart de ces "compliments" – dont la sincérité est inversement proportionnelle à l’enthousiasme affiché - risquent de se transformer en boomerang pour François, qu'ils font davantage ressembler à une star de la scène (voire un vulgaire "pipole") qu'à un homme de Dieu.

Comme, par exemple, cet article imbécile illustré par la fameuse photo du Pape embrassant "les plaies du Christ" ("Le Pape François et son geste bouleversant", dit la légende), qui feint de se réjouir (!!) que "Le pape fait revenir ses fidèles à la messe", avant de préciser méchamment: "Les cartes postales du pape émérite, qui vit retiré dans un ancien monastère au Vatican, se font rares dans les kiosques, supplantées par celles de Jorge Mario Bergoglio et de Karol Wojtyla qui sera canonisé en avril prochain". [1]
Et Dieu merci, ajouterai-je: Benoît n'est pas le Pape dont on a envie d'avoir le portrait imprimé sur une carte postale kitsch entourée de coeurs, un mug, une poubelle de table, un T-Shirt ou une casquette "made in Taïwan", mais celui dont on veut conserver les livres sur sa table de chevet, et la prédication dans le coeur.

Décidément, il y a des "compliments" au Pape dont on se passerait volontiers.

J'étais contente de trouver une musique différente, une fois de plus, sur le site Papale papale.
L' hommage d'Antonio Mastino à François a d'autant plus de prix qu'il a lui aussi du mal à comprendre (accepter?) le nouveau pape, qu'il lui est arrivé de ne pas ménager. Mais il est honnête, ce qui fait toute la différence. Lors de la veillée de prière pour la paix en Syrie, le 7 septembre dernier, il avait écrit un bel article (cf. Après le jeûne).

Ce témoignage de la miséricorde de François tranche par son authenticité avec les éloges frelatés que l'on peut lire ailleurs.
Mastino ne donne pas de noms. On ne sait donc pas qui est cette "grande plume catholique", et on en est réduits aux conjectures. Peut-être aussi parce que la vraie grandeur n'a pas besoin de publicité..

     

Un coup de téléphone très émouvant

www.papalepapale.com
Antonio Mastino
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(...)
Il était une fois... une grande plume catholique, amoureuse de la tradition catholique, qui généreusement, même quand les forces ont commencé à diminuer, avec passion, honnêteté, à visage découvert, sans paroles biaisées, a lutté sans relâche: pour la tradition catholique, certes, mais pour sa foi surtout. Se trompant de nombreuses fois, se trompant souvent de ton et d'objectifs; mais semant aussi beaucoup de bien, d'une manière si profonde et pourtant si simple qu'il nous a appris beaucoup à tous. Toute chose faite avec un cœur sincère, avec attention, porte toujours du bien, a en elle de bonnes graines qui quelque part, pas partout, en tombant sur le bon humus, avec un souffle de l'Esprit, germeront.

Un polémiste catholique raffiné, subtil. Mais pas cette subtilité froide du travail seulement cérébral: non, son travail est toujours réchauffé par un cœur en tumulte, battant sur le clavier, souvent plus que de raison. Pour cela aussi, il est à la portée de tous. Il y a aussi beaucoup de douleur dans ses lignes, et de l'anxiété, la course contre le temps qui s'enfuit, faire à temps pour dire tout, dès que possible.

Oui, parce que cet écrivain catholique brillant, une figure de premier plan dans le monde lié au «traditionalisme» en particulier et au monde catholique «orthodoxe» en général, sait qu'il est très malade. Il se bat depuis des années sur ce front, comme quelques-uns dans le milieu (et d'ailleurs moi aussi) le savent. Pourtant, cette bataille semble perdue: il va à la rencontre de son Dieu, conscient et en paix. Reconnaissant aussi pour les grâces reçues, le don de la vie en premier lieu.

De lui, un autre écrivain catholique bien connu (Messori?) m'avait dit, en réponse à mes lamentations à cause de certains «excès»: «Il va mourir [...]. Je n'apprécie pas, et souvent je n'approuve pas du tout son côté idéologue lefebvriste, ou presque, mais je témoigne de sa foi sincère, sa cohérence dans la vie. Dans le grand ventre da la Catolica (kata Olon: non pas "universel", mais "selon le tout") il devrait y avoir aucune place aussi pour lui... ".

Ayant du mal à comprendre le contexte du Pontificat de François, malgré le mal désormais envahissant, épuisé, il a été impliqué dans un certain nombre de polémiques sur ce pontificat. Comme toujours rigoureux dans la construction, convaincant dans le style, mais ayant peut-être tort dans la forme et dans les tons, incertains sur l'objectif. Au point de ressembler à un coup déséquilibré quelque peu gênant s'il est adressé par un catholique orthodoxe au pontife régnant.

La chose avait suscité des polémiques, créé un certain émoi et même un peu divisé l'archipel traditionaliste, entre «papistes» et «papolatres», et même entre «papistes» et «papistes», entre papistes grognons (moi, par exemple) et papistes qui préfèrent fermer les yeux, les oreilles et la bouche. Entre traditionalistes purs et durs et lefebvristes. A commencé ainsi un feu croisé de tous contre tous, une montée de malentendus et d'invectives. Ce n'était certes pas l'effet voulu par ce brave écrivain catholique, et peut-être qu'il s'en est rendu compte peu après, mais il était désormais trop tard.

Il semble que le pape l'avait lu, et en avait été pas peu contrarié.

Quelqu'un lui a parlé de cet écrivain catholique et «traditionaliste», également ami de la communauté lefebvriste, qui avait été si âpre contre lui. Et puis, ces derniers temps, on lui a aussi expliqué que ce même écrivain, son "détracteur", l'est peut-être par excès de zèle, par son grand amour pour l'Église, parce qu'ingouvernable est le cœur , plus que toute autre chose. Surtout, a-t-on expliqué au pape, cet écrivain catholique et «traditionaliste» son «détracteur» a combattu comme il a pu et su son (malgré tout) bon combat, cependant, il a conservé et même augmenté sa foi, mais inexorablement, prématurément, sa course était désormais arrivée à son terme.

Ce soir, le pape a pris le combiné du téléphone, il a composé son numéro, il l'a appelé. Pour lui donner son réconfort, et en même temps, faire l'expérience d'un moment dense d'émotion, d'écoute, de miséricorde et de réconciliation. D'uniion. D'amour.

Cela m'a ému, moi aussi. J'ai expérimenté moi aussi cette miséricorde. Cette union dans l'amour. Dans l'Église, avec le Pape, tous ensemble...

Prions tous les jours pour cet écrivain catholique qui va mal, et pour sa famille. Que le Christ et sa douce Mère demeurent à tout moment à côté d'eux dans tous ces jours si difficiles. Pourtant, si mystérieusement pleins de grâce.

Note

[1] L'exemple, si j'ose dire, vient malheureusement de haut.
Cette année, l'Osservatore Romano n'a pas jugé utile de proposer un "calendrier Benoît XVI". J'imagine qu'on va m'accuser de voir le mal partout, et chercher d'excellents raisons, que je peux parfaitement concevoir.
Il n'empêche: ce beau calendrier rythme mes jours depuis 2005, et il faisait plaisir à beaucoup de monde.
Durant toute cette période, le calendrier "Jean-Paul II" a toujours été disponible.