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Mgr Piero Marini au culte divin?

Liturgie: à petits pas, on retourne au pré-Ratzinger. Un article de Matteo Matzuzzi, sur la Bussola (8/11/2013)

>>> A relire, l'interviewe de Piero Marini au quotidien espagnol la Nacion, en avril dernier: benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/le-faux-pas-de-piero-marini

Le Pape prend son temps pour choisir son futur préfet de la Congrégation pour le Culte Divin.
La nomination de Piero Marini est pourtant donnée pour imminente depuis des semaines. Peut-on y voir, de la part du nouveau Pape, le désir de ne pas contrer de façon trop évidente le Pape émérite? Et peut-être l'influence de Mgr Gänswein (enfin, c'est une opinion toute personnelle)?

     

Liturgie: à petits pas, on retourne au pré-Ratzinger
Matteo Matzuzzi
08/11/2013
http://www.lanuovabq.it
(ma traduction)
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Jorge Mario Bergoglio est un jésuite, et comme il le faisait à l'époque où il était supérieur provincial pour l'Argentine, le pape lui aussi accepte volontiers conseils, idées et suggestions de ses confrères, évêques et cardinaux qui vont lui rendre visite dans les salles de la Domus Sanctae Marthae. Ensuite, bien sûr, il décide en autonomie pleine et entière. Parmi les conseillers les plus écoutés, dans ces premiers mois de son pontificat, il y a l'archevêque titulaire de Martirano, Mgr Piero Marini, actuellement président du Comité pontifical pour les Congrès eucharistiques et pendant vingt ans, de 1987 à 2007, maître des cérémonies liturgiques.

Une syntonie dont le timbre aurait été donné, selon les rumeurs provenant de l'autre côté du Tibre, par le retour de la férule d'argent, créée par le sculpteur Lello Scorzelli pour Paul VI - mais ensuite également utilisée par Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, et jusqu'à 2007 aussi par Joseph Ratzinger - à l'occasion de la clôture du Concile Vatican II. Après les célébrations du début de son pontificat, dans lesquelles François avait utilisé uniquement la férule de Benoît XVI, après une audience accordée à Marini, voilà le "pastoral" papal conciliaire de retour.

Mais il y a un autre détail beaucoup plus représentatif qui indique combien, du point de vue liturgique, la situation évolue. Fin septembre, en effet, les cinq consultants pour les cérémonies pontificales ont été remplacés. Leur mandat de cinq ans avait expiré, mais la confirmation dans leurs charges respectives était possible. Lisant les noms des nouveaux membres, on est frappés par celui du Père Silvano Maria Maggiani, chef de bureau à la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements et ancien consultant auprès de l'Office des cérémonies jusqu'à il y a cinq ans. En substance, dans le changement mis en place en 2008 par le pape Benoît XVI, le Père Maggiani était l'un de ceux qui avait perdu leur place. A présent, avec le nouveau pape, il se remet en selle.

Dès le premier jour de son pontificat, il est apparu clairement que l'aspect liturgique ne figurait pas parmi les principales préoccupations de François. Le Père Federico Lombardi lui-même, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, confirmait que «la liturgie n'est pas une priorité» du nouveau pape. Aussi parce qu'en bon jésuite, «NEC rubricat nec Cantat». L'apparition sur la Loggia centrale sans avoir endossé la mozette rouge propre à l'habit de chœur papal, le refus des chaussures rouges et de la croix en plaqué or, étaient des signes clairs que Bergoglio accordait moins d'attention à ces éléments que Ratzinger avait patiemment récupérés et qui remontaient souvent aux rites préconciliaires. Même le déroulement des cérémonies a subi quelques «mises à jour», comme en témoigne l'usage plus rare du latin, l'abandon des trônes antiques, des prie-dieu qu'à Saint-Pierre on ne voyait plus depuis l'époque du pape Jean XXIII. Sans oublier les parements, beaucoup plus simples (François ne porte pas de chasubles, de chemises élaborées, la dalmatique pontificale) et moins recherchés que lors du précédent pontificat.

Comme le maître de cérémonie est toujours le même (le Génois Guido Marini, de l'école du Cardinal Giuseppe Siri), il est facile de penser que c'est le Pape qui a imposé un style marqué par une plus grande sobriété. Et cela n'est certes pas pour déplaire à Mgr Piero Marini, qui avait mal digéré le retour des sept chandeliers sur l'autel, la célébration coram Deo dans la Chapelle Sixtine, les ornements baroques.

Sans surprise, peu de temps après l'élection de Bergoglio, l'actuel président du Comité pontifical pour les Congrès eucharistiques se réjouissait de ce que «l'Eglise vit l'espérance après des années de peur». Et aussi, que l' «on repire de l'air frais, avec une fenêtre ouverte sur le printemps». Il ressortait également «Vatileaks et la pédophilie» allant jusqu'à dire que «jusqu'à présent, nous avons respiré l'odeur fétide des eaux marécageuses» (cf. interviewe à la Nacion). Un retour sur la scène en grand style, possible puisque maintenant «on respire un air différent, de liberté, une Église plus proche des pauvres et moins problématique».

En ce qui concerne la liturgie, Marini espère que reviendront bientôt les éléments qui distinguaient les cérémonies qu'il organisait pour Karol Wojtyla. A cet égard, il y a seulement quelques semaines, il disait que dans la célébration «il suffit d'insérer quelques éléments, à l'entrée et à l'offertoire, qui font partie de la vie du pays dont vous êtes l'hôte, pour que la messe devienne immédiatement familier à ceux qui y prennent part». Chants et danses notamment: «Jean-Paul II aimait tout cela, il a toujours voulu partager coutumes et traditions». Un exemple est donné par un ancien voyage du pape polonais au Brésil: «On nous avait demandé de permettre la participation des danseuses du ballet local. Nous l'avons permis, et elles sont montées sur les deux volées d'escaliers qui entourent l'autel. Pendant la danse, le vent s'est levé, et leurs vêtements légers se sont collés contre leur corps. Parmi les prélats présents certains ont exprimé leur désapprobation. Mais ils n'avaient pas entendu dire le Pape répéter "Bello, bello"».

Une autre fois, a poursuivi Mgr Marini, le cardinal Camillo Ruini s'était plaint auprès du pape de «l'insertion dans les liturgies pour les jeunes de garçons et filles qui agitaient les bras lors de la célébration»; mais dans ce cas encore, Jean-Paul II a montré que «cette présence» était appréciée. Une confirmation de la pensée de l'ancien maître des cérémoniesest cette fois encore donnée lors de la grande veillée de Tor Vergata lors de la Journée Mondiale de la Jeunesse 2000. Ce soir-là, le pape Wojtyla avait levé les bras tout comme les jeunes autour de lui, au rythme de la musique. Démontrant qu'il appréciait, et s'amusait.
Piero Marini a été l'organisateur des grands rassemblements ayant eu pour protagoniste le bienheureux Jean-Paul II au cours de son long pontificat: messes sur d'énormes installations sportives, scénographies modernes, rencontres entre le pape et des chanteurs pop. La philosophie du «moins de silence et plus de "vacarme"», comme l'avait dit Jean-Paul II, toujours à Tor Vergata. Une idée qui semble unir Marini et Bergoglio.

Depuis des mois, la nomination du titulaire de Martirano comme nouveau préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, à la place du «petit Ratzinger», le cardinal Antonio Cañizares Llovera, qui a demandé à retourner en Espagne, est donnée comme plus que probable. Il y a quelques semaines, la nomination était donnée pour imminente et décidée, puis tout à été arrêté. Signe que le pape n'a pas surmonté les dernières réserves, si l'on considère que la charge est en pratique cardinalice et Marini se verrait ainsi remettre la pourpre qui lui avait toujours été refusée au cours des huit dernières années. Le retour de Mgr Marini signifierait revenir avec toute probabilité à un ars celebrandi antérieur aux six dernières années du pontificat de Benoît XVI.
Le même ex-maître des célébrations, participant à la réunion annuelle des commissions liturgiques à Erie, en Pennsylvanie, a avoué qu'il avait «la nostalgie et le désir de comprendre plus à fond et d'expérimenter de façon nouvelle, l'esprit du Concile».