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Premiers voeux à la Curie (2)

Le point de vue de deux vaticanistes: Massimo Introvigne, et Angela Ambrogetti. Et les "papes d'avant"... Il n'est pas vrai que Benoît XVI avait innové en parlant de ses voyages, JP II le faisait déjà [1]. (22/12/2013)

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Premiers voeux à la Curie

J'attendais avec curiosité le premier discours du Pape François à la Curie romaine.
Il m'a paru significatif plus par ce qu'il ne contenait pas, que par ce qu'il contenait.
En réalité, le Pape ne voit rien d'important à retenir de l'année écoulée, pourtant si extraordinaire par l'évènement inouï qui l'a porté à la Chaire de Pierre, sans parler de l'Année de la Foi, de l'Encyclique, des JMJ.... - sinon les ragots de la Curie!!!

L'ayant lu, je me demandais, un peu intriguée, comment les vaticanistes catholiques allaient s'en tirer pour le rapporter sans manquer à leur devoir à la fois d'honnêteté professionnelle et de fidélité au Pape. Difficile, en effet, de broder des pages sur un texte sec et impersonnel en comportant à peine plus d'une.
Un moyen de présenter les choses est évidemment de prétendre que peu de mots peuvent renfermer plus de richesse qu'un long discours abscons: après tout, Twitter réussirait ce tour de force en 140 caractères... Enfin, c'est ce qu'on prétend.
Massimo Introvigne s'en tire en invoquant les mânes des pontifes précédant Benoît XVI. Et il semble avoir fait école. Mais ce qu'il laisse entendre n'est pas exact.
Voyons le premier paragraphe de son article de La Bussola (le reste rapporte simplement les mots du pape)

Introvigne

"Curie, la vraie réforme est la sainteté"
(http://www.lanuovabq.it)
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Il y avait de l'attente pour le discours des voeux de Noël à la Curie romaine que le pape François a prononcé le 21 Décembre 2013.
On savait que - alors que Benoît XVI avait créé pour ces discours de Noël, un genre littéraire nouveau, où il résumait les étapes les plus importantes de son Magistère de l'année écoulée - François devait plutôt revenir au modèle des papes précédents, lequel prévoyait que les voeux de Noël soient accompagnés par un discours sur l'état et les problèmes de la Curie.
Samedi, le pape a avant tout défendu vigoureusement (???) la Curie romaine contre les critiques aveugles et injustes - qui parfois représentent malicieusement le pape lui-même comme son ennemi - avant d'évoquer le style de sa réforme promise de la Curie, selon les lignes déjà annoncées dans l'exhortation apostolique "Evangelii gaudium".

     

Les papes précédents

Saisie d'un doute, et par acquis de conscience, j'ai donc consulté quelques-un des discours de Voeux à la Curie prononcés par le Pape Jean-Paul II, et j'ai été impressionnée par leur richesse, et la variété des sujets abordés.
Mais surtout, je n'ai pas vu d'allusions aux problèmes de la Curie! Et le pape reparcourait bien les voyages de l'année écoulée, contrairement à ce qu'affirment certains [1].
Beaucoup de ces discours ne sont pas traduits en français.
Voici deux exemples, pris au hasard:

Jean Paul II en 2002

Le 21 décembre 2002 (en français ici), le Pape commence par rappeler qu'il s'agit de la 25e année de son pontificat, et remercie ses collaborateurs:

C'est pour moi un Noël particulièrement significatif, car il coïncide avec ma vingt-cinquième année de pontificat. C'est précisément cette circonstance qui me pousse à vous faire participer à mon "action de grâce" au Seigneur pour les dons qu'il m'a accordés en cette longue période au service de l'Eglise universelle.
Je désire exprimer un très cordial "remerciement" également à vous, qui, jour après jour, à travers votre collaboration compétente et affectueuse, m'êtes particulièrement proches. Mon ministère ne pourrait pas s'exprimer de façon adéquate et efficace sans vous. Je demande au Seigneur de vous récompenser de ce service au Successeur de Pierre en vous permettant d'en tirer une joie profonde et un réconfort spirituel.

Puis il évoque l'année du Rosaire, alors en cours, avant d'aborder des sujets aussi variés que la situation internationale, l'engagement de l'Eglise pour l'environnement, la nécessité pour les démocraties de placer au premier plan "la dignité de la personne humaine". Une place particulièrement importante est réservée aux JMJ de Toronto et à la pastorale pour la jeunesse, puis au dialogue oecuménique, avant de conclure sur le voyage pastoral en Pologne, egffectué au cours de l'année.

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Jean Paul II en 1993

Plus ancien, le 21 décembre 1993 (en italien ici)
Là encore, beaucoup de thèmes sont abordés, comme le Pape l'annonce lui-même.

1993 a été une année riche, et il m'est difficile de ne pas faire référence à au moins quelques-unes des richesses qu'elle nous a données.

Et d'en reparcourir longuement les différentes étapes: le second Synode de l'Eglise à Rome, le voyage en Afrique (Bénin, Ouganda, Soudan), le voyage en Espagne, "pays de Christophe Colomb", pour célébrer le cinquième centenaire du début de l'évangélisation de l'Amérique, les JMJ de Denver, le voyage dans les pays baltes, l'encyclique Veritatis Splendor (à laquelle est consacré un long développement).

Avant de conclure sur l'ouverture incessante de l'Année de la Famille, le Pape annonce le voyage qu'il entend faire l'année suivante au Liban (et en Terre Sainte), et évoque le processus, éternellement en cours, de la paix au Moyen Orient.

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Je ne suis pas remontée jusqu'à Paul VI....
Mais avec Jean Paul II, on est très loin des affirmations de Massimo Introvigne sur les contenus des discours des papes d'avant (alors que ceux de Benoît XVI s'inscrivaient dans la parfaite continuité de ceux de son prédecesseur).
On m'objectera à juste titre que cela n'a guère d'importance. De toute façon, personne ne lit les discours du pape, quel qu'il soit...
Mais l'insistance des vaticanopinionistes à valoriser François, quoi qu'il dise ou fasse, y compris avec des argument pas toujours étayés par les faits, finit par être lassante et même (je me le demande) contre-productive.
Ici, il s'agit d'accréditer l'idée qu'il n'y a pas plus de rupture de Benoît XVI à François qu'il n'y en avait eu de Jean Paul II à Benoît XVI - ce qui est évidemment une inexactitude flagrante.

Je vais conclure par un exemple de juste information vaticane - selon moi, bien sûr.
Voici comment Angela Ambrogetti introduit son compte-rendu:

Ambrogetti

Le Pape François à la Curie à Rome: pas de bavardage, mais sainteté et service
http://www.korazym.org
21 décembre 2013
Angela Ambrogetti

Il demande des prières pour le nouveau secrétaire d'État, dit que la sainteté à la curie est de ne pas bavarder, répète que le modèle du "vieux curialiste" est le meilleur et remercie ceux qui quittent le service pour aller en retraite.
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François salue la Curie romaine avec un discours de curé de paroisse et quelques coups de pinceau qui laissent imaginer son idée de la Curie: un lieu de travail calme et discret, de service et de sainteté, mais aussi de grand professionnalisme et de grande préparation. Le "vieux curialiste" ne pèche donc pas par protagonisme, mais il est aussi parfaitement capable d'effectuer le service de l'Église. En outre, il semble qu'à ses secrétaires personnels Xuereb et Pedacchio , il ait dit: "le secrétaire parfait est celui qu'on ne voit pas". Dans cette optique, la décision du pape de faire de plus en plus appel à des sociétés extérieures très en vue (cf. Quand l'Eglise se "démondanise"... ) pour résoudre les problèmes de l'Église romaine, semble bien étrange.

Le Pape François décide de ne pas reparcourir l'année extraordinaire qu'a vécue l'Église catholique. Tous les papes contemporains, dans l'esprit du Concile, l'avaient fait.
Mais François, le Concile, il l'a vécu à distance et il semble que son style soit plus orienté à donner des conseils et des orientations sur la méthode dans l'Église, plutôt que d'expliquer au monde ce que signifie l'Église catholique pour l'humanité, et comment elle agit en relation avec l'extérieur. Et il explique comment, à son avis devrait être le travail quotidien dans la Curie romaine.
(...)

     

Note

[1] Voir ce qu'affirme à tort Zenit: http://www.zenit.org/fr/articles/gratitude-du-pape-francois-envers-la-curie-romaine

Chaque année, ce discours est très attendu, il fait habituellement le bilan de l’activité de l’Eglise et du pape pendant l’année écoulée et il ouvre des perspectives d’avenir. Il fait pendant avec le discours de janvier au Corps diplomatique, radiographie de l’Eglise et de la situation du monde.
Déjà le pape Benoît XVI avait innové, centrant son discours sur l’interprétation de Vatican II (2005) ou sur un bilan de ses voyages au cours de l’année, par exemple, de la Journée mondiale de la jeunesse de Sydney (2008).

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