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Progressisme et avortement

Le journaliste et écrivain José Manuel de Prada n'est pas dupe du projet de loi sur l’avortement en Espagne. Traduction de Carlota (29/12/2013)

>>> Voir à ce sujet:
Avortement en Espagne, la fausse marche-arrière

Chesterton, qui aimait tant jouer avec les mots, ne se voilait cependant pas la face en identifiant le progressisme comme la grande hérésie moderne, qui consiste à «changer l’âme humaine afin qu’elle s’adapte à ses conditions, au lieu de changer les conditions afin qu’elles s’adaptent à l’âme humaine».

     

Carlota me signale aussi la réaction de deux évêques.

I. Mgr Ángel Rubio, évêque de Ségovie (Espagne) s’exprimant lundi dernier (23/12) sur ce sujet à l’occasion la rencontre habituelle annuelle avec la presse locale pour le bilan de l’année écoulée (ici), a répété que l’avortement est un « crime abominable », selon les mots du Concile Vatican II, considérant que l’interruption de grossesse n’est pas une décision sur la maternité, mais sur un enfant «sans défense».
« L’enfant dépend du sein de sa mère et, par conséquent, il n’est pas seulement question d’elle. Cet embryon, cette vie, il faut la défendre, la respecter », a-il dit.
Déjà dans une lettre pastorale d’avril, l’évêque dénonçait le fait que l’avortement s’était transformé en un «business» tournnt autour de 50 millions d’euros en Espagne, et que les interruptions de grossesses en Espagne causaient la mort de 300 bébés par jour, 97% des avortements s’effectuant dans des centres privés (ici).

II. L’archevêque de Madrid, Mgr Rouco, lors d’un long entretien au journal ABC sur divers sujets (ici), et avant la désormais traditionnelle messe des familles de fin d’année organisée en plein Madrid, place Colón, le dernier dimanche de décembre pour la fête de la Sainte Famille, dit qu’il ne faudrait pas que, comme pour la loi de 1985, les nouvelles conditions se transforment en un simple formalité.

     

Progressisme et avortement

Cette loi continue à adapter l’âme humaine à la mentalité abortiste
José Manuel de Prada
http://www.abc.es/
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Un ami m’assure que les «faux progressistes» sont très en colère contre la réforme de l’avortement.
Je l’interromps : «Comment cela, quels faux progressistes ? Tu veux dire les authentiques progressistes. Ce qui se passe c’est que le Gouvernement a hésité dans son progressisme; et aussitôt les authentiques progressistes ont fait monter leur colère, comme s’il pouvait en être autrement».

Mon ami, comme beaucoup d’autres gens bien intentionnés, prétend ingénument qu’il y a un «progrès» faste et un autre néfaste, un prudent et un autre dément, et que le faux progressisme est celui qui accumule toutes les tares.
Cela se passe, hélas, parce que nous aimons donner aux mots le sens capricieux qui nous convient, parfois pour nous les approprier, parfois simplement pour pouvoir survivre parmi ceux qui se les sont appropriés.
Chesterton, qui aimait tant jouer avec les mots, ne se voilait cependant pas la face en identifiant le progressisme comme la grande hérésie moderne, qui consiste à «changer l’âme humaine afin qu’elle s’adapte à ses conditions, au lieu de changer les conditions afin qu’elles s’adaptent à l’âme humaine».
Dans son œuvre barbare et sans âme, le progressisme s’appuie toujours, - nous enseignait Chesterton - sur le mécanisme du précédent : «Quand nous nous sommes mis dans une embrouille, nous devons nous mettre dans une autre encore plus grande pour nous adapter ; comme nous avons pris une mauvaise direction il y a quelque temps, nous devons aller de l’avant et non pas en arrière ; comme nous sommes écarté du chemin, nous devons aussi nous écarter de la carte; et comme nous n’avons pas réalisé notre idéal, nous devons l’oublier». C’est la logique maligne du progressisme: et contre cette logique maligne il n’y a pas d’autre espoir, nous citons de nouveau Chesterton, si ce n’est de «nous repentir et de faire marche arrière».

Le Gouvernement s’est repenti et a fait marche arrière, en faisant la promotion d’une nouvelle loi de l’avortement?
Non, nous n’en dirions pas tant, car il saute aux yeux que cette loi continue à adapter l’âme humaine à la mentalité abortiste. Cependant, il est juste de signaler que la mentalité abortiste la plus rampante s’est dressée sur ses ergots parce que le Gouvernement a osé enfreindre les lignes rouges que lui a tracé le progressisme contemporain.
Jusqu’à présent, le parti conservateur (progressiste de droite) a toujours eu le soucis de cautionner les «avancées» du Parti Socialiste (progressiste de gauche), en maintenant ses lois intactes et en contribuant de cette façon à ce que les âmes s’adaptent aux conditions établies par le progressisme dont la mission n’est rien d’autre que de les conduire jusqu’au précipice. [une définition de la gauche et de la fausse droite qui colle parfaitement à notre expérience d' "alternance" politique à la française]

Avec cette nouvelle loi sur l’avortement, le parti conservateur ose défier le précédent, même s’il ne se repent pas ; c’est comme s’il avait décidé de faire machine arrière, en reconnaissant que nous nous sommes trompé de chemin, mais sans oser chercher la carte que nous avons aussi perdue. Évidemment les possibilités de retrouver le chemin qui nous écarte du précipice, quand il nous manque la route à suivre grâce à une carte adéquate, sont plutôt rares, parce que la carte erronée qu’on nous a donnée nous conduit invariablement au précipice ; et le maximum auquel nous puissions aspirer c’est de nous épuiser sur une terre qui n’appartienne à personne.

J’ai comme l’impression que toute marche arrière qui n’est pas accompagnée d’un repentir, c’est comme labourer la mer: ceux qui aujourd’hui la célèbren finiront peut-être par s'en mordre les doigts, car la mentalité abortiste continuera à adapter les âmes.
Mais pour l’instant, cette réforme annoncée a rendu Noël amer aux progressistes authentiques, en les obligeant à sortir en pèlerinage pour revendiquer les orgies hérodiennes (1). Nous devons, donc, reconnaître un certain mérite à cette réforme, même si ce n’est que pour sauter la précédente, qui est le progressisme sur lequel s’appuie le progressisme.
Je demande seulement au ciel que les gens bien intentionnés n’oublient pas leur idéal, que cette réforme évidemment ne réalise pas.

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(1) Les Saints Innocents (28 décembre)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2,13-18.
En ce temps-là, l'Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : Lève toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Egypte, et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse ; car Hérode va chercher l'enfant pour le faire périr. Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Egypte.
Et il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplît ce qu'avait dit le Seigneur par le prophète : J'ai rappelé mon fils d'Egypte. Alors Hérode, voyant que les mages s'étaient joués de lui, entra dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, depuis l'âge de deux ans et au-dessous, d'après le temps qu'il connaissait exactement par les mages.