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Un message pour l'Occident et l'islam...

.. comme à Ratisbonne. Le dernier Restàn, commentant l'homélie de François lors de la veillée pour la paix du samedi 7 septembre. Traduction de Carlota (10/9/2013, mise à jour)

>>> L'homélie du Pape: http://www.vatican.va/holy_father/francesco/homilies/2013/documents/papa-francesco_20130907_veglia-pace_fr.html

     

Il n’est pas toujours très simple d’interpréter les paroles et les attitudes de François et je comprends tout à fait les cris sincères et d’amour qui peuvent sortir du cœur d’hommes de bien comme celui de l'abbé Pagès ici.
Il est évident que la main tendue ne doit pas vouloir dire naïveté et renoncement, mais au contraire fermeté dans la miséricorde, lucidité et prudence dans la Vérité, et ne pas faire oublier la mission essentielle confiée aux apôtres, l’Évangélisation de tous les peuples de la terre, et le chemin du Salut.
Je crois néanmoins que l’initiative du Pape François (qu’aurait évidemment eue Benoit XVI) de la journée du samedi 7 septembre a vraiment montré ce qu’est l’Église catholique, l’Église universelle, celle du Christ.

J’ai vécu, bien sûr, dans un cadre différent de celui de la Place Saint Pierre, cette veillée de prière, mais certaines paroles prononcées par le prêtre organisateur, dans le silence d’une formidable présence, celle d’une petite église pleine de fidèles, de sensibilités sans doute différentes (catholiques « adultes » et ceux qui l’étaient moins) et n’ayant pas forcément une vision géostratégique toujours très élaborée de la guerre en Syrie (prétextes données par les médias aux ordres et réalités occultées), ont été des petites minutes incroyables de force.
Nous regardions tous, humbles et unis, notre Dieu trinitaire qui s’était laissé crucifier par les hommes, comme l’Unique, le Sauveur de notre consternante humanité.

José Luis Restán revient sur cette journée partagée sur la terre entière…à la demande d’un homme, le successeur de Pierre
Texte en espagnol ici: www.paginasdigital.es
(Carlota)

Comme à Ratisbonne...

.. un message pour l’Occident et pour l’Islam
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La vibrante homélie de François à la Veillée pour la Paix de samedi dernier sur la place Saint Pierre a plusieurs registres qui nous font nous rappeler ce discours historique de Benoît XVI à Ratisbonne, un discours prophétique pour tellement de choses.

Certainement le Pape pensait au climat de violence qui sert le nihilisme occidental en affirmant que « quand l’homme ne pense qu’à lui-même….et se met au centre, quand il se laisse fasciner par les idoles de la domination et du pouvoir, quand il se met à la place de Dieu, alors il altère toutes les relations, il ruine tout, et il ouvre la porte à la violence, à l’indifférence, à l’affrontement ». Nous trouvons ici un écho de quelque chose qu’il a aussi laissé dans l’île de Lampedusa, en faisant référence à l’abandon de Dieu et les conséquences idolâtres comme clefs pour comprendre l’indifférence face à la souffrance de nos frères.

Nous pouvons aussi comprendre un message adressé aux puissants de l’Occident quand il soutient qu’aujourd’hui « nous avons perfectionné nos armes, notre conscience s’est endormie, nous avons rendu plus subtiles nos raisons afin de nous justifier », en oubliant que la violence et la guerre n’apportent seulement que plus de morts. Il ne s’agit pas, comme le font certains, d’opposer la figure de François à celle d’Obama dans une espèce de dialectique qu’entretiennent les médias. Il s’agit de reconnaître la profondeur du regard du Pape (Lumen Fidei) qui permet de mieux démêler l’écheveau que beaucoup de savantes analyses.

Mais sans nier la réclamation que le Pape adresse au monde occidental, nous ne pouvons oublier le message fort qu’il adresse aussi à l’Islam. La rationalité qui naît de l’Évangile vécu dans l’histoire de l’Église a aussi quelque chose à dire à la profonde et violente crise interne que vit le monde musulman. François n’a pas parlé d’une paix dans un sens général mais d’une paix qui naît du dessein d’un Dieu dont la réponse à l’injustice et au mal a été précisément la croix : « Ma foi chrétienne me porte à regarder la Croix. Comme je voudrais que pour un moment tous les hommes et les femmes de bonne volonté regardent la Croix ! Là on peut y lire la réponse de Dieu : là, à la violence il n’a pas été répondu par la violence, à la mort il n’a pas été répondu avec le langage de la mort. Dans le silence de la Croix se tait la clameur des armes et parle le langage de la réconciliation, du pardon, du dialogue, de la paix ». C’est cette expérience de Dieu (celle du Fils qui monte sur la croix) que ne peut pas cesser de déconcerter les musulmans et de grincer à leurs oreilles, mais qui peut aussi ouvrir des perspectives inusitées.

À peine quelques heures avant que ces paroles déchirent la nuit romaine, le Patriarche des Chaldéens, Louis Sako, avait indiqué depuis Bagdad, que le monde musulman a aussi besoin de « changer une mentalité de violence et de vengeance, en s’ouvrant au dialogue et en acceptant la diversité, parce que l’idée d’un État basé sur la Charia ne peut fonctionner ». Quelques jours après le Roi Abdoullah de Jordanie avait accueilli les chefs des Églises Chrétiennes du Moyen Orient à Amman, et avait préconisé une grande alliance des chrétiens et des musulmans contre le sectarisme et la violence.

Les chroniques racontent que durant l’adoration eucharistique sur la Place Saint Pierre quelques dirigeants musulmans présents se sont agenouillés au milieu de ce peuple chrétien présidé par le Successeur de Pierre (1). « Que chacun regarde à l’intérieur de sa propre conscience et écoute la parole qui dit : « Sors de tes intérêts qui atrophient ton cœur, dépasse l’indifférence envers l’autre qui rend insensible ton cœur, vainc tes raisons de mort et ouvre-toi au dialogue, à la réconciliation, regarde la douleur de ton frère…et n’ajoutes pas plus de douleur, tends ta main, reconstruis l’harmonie qui s’est rompue ». Ce sont des paroles qui doivent être écoutées du nord au sud, de l’orient à l’occident. Pierre existe aussi pour cela.

Mise au point

(1) Mon ami Jean P m'écrit:
"Certains racontent... mais oui ! c'est un fait".