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Vergogna!!

Après le drame de Lampedusa, la réflexion tonique d'un blogueur italien: qui doit avoir honte? (11/10/2013)

>>> Ci-contre: José Manuel Barroso et le premier ministre italien Enrico Letta aux côtés du maire de Lampedusa

Riccardo Ruggeri tient sur le quotidien italien en ligne "Italia Oggi" un blog intitulé "Il Cameo",, au sens anglais de "petit rôle".
Après le drame de Lampedusa , le choeur habituel s'est élevé pour parler de "honte". Le mérite de ce billet est de nous rappeller QUI doit avoir honte.

Voir aussi: Naufrage au large de Lampedusa

     

Maintenant que la bombe de l'immigration désastreuse nous a explosé dans les mains, nous nous rendons compte que c'est l'Occident lui-même qui a contribué à la fabriquer

Riccardo Ruggeri
Italiaoggi
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Le "Cameo" n'est ni techniquement ni culturellement à la hauteur pour faire une analyse sur le thème, complexe, des immigrants, a fortiori il n'est pas capable d'en faire une sur le sujet, encore plus complexe, des réfugiés. Devant des problèmes complexes, mon ADN paysan-ouvrier ne produit que des processus mentaux qui simplifient - espérons sans les banaliser - les problèmes: froid-chaud, juste-injuste. L'élite qui domine l'Occident depuis 68, intellectuellement très sophistiquée, a mis en place un «petit jeu», je ne trouve pas d'autre mot, qui était censé résoudre tous les problèmes, et même être le mécanisme du bonheur, à travers la réalisation d'objectifs très élevés, dans un temps très court.

En d'autres termes:

1. Pour nous, Occidentaux, la part du lion. Consumérisme effréné, bien-être et richesse généralisés, renonciation à la guerre, accent mis sur les droits, silence sur les devoirs, et ainsi de suite. Résultat: succession de bulles économiques, Grande Crise, tous plus pauvres et frustrés.

2. Pour nous Européens, la volonté de faire les Etats-Unis d'Europe, sans guerre civile, et pas dans un arc de deux siècles, mais en quelques années, émettant même une monnaie unique anticipant sur l'unité politique, chose jamais arrivée dans l'histoire de l'humanité, nous étonnant ensuite qu'une telle idiotie ne fonctionne pas, et crée une grande haine entre les peuples qui y ont souscrit.

3 Les amis américains, toujours convaincus de leur rôle historique de gendarme du monde, ne se sont pas rendus compte qu'ils ne sont pas mieux équipés culturellement pour l'exercer. Si tu envisages de remplacer les soldats par des drones et le chantage financier des dandys de Wall Street, tu ne seras jamais gendarme, au maximum agent chargé de la circulation. Les présidents Clinton, Bush, Obama ont été les fossoyeurs de ce rêve.

4 Avec ces hypothèses, cet establishment euro-américain lance la «mondialisation», aux objectifs enthousiasmants (et parfois même justes), mais avec un timing suffisamment idiot pour faire sauter la banque en dix ans (comme succès, malheureusement seulement d'image, l'iPhone à 500, au lieu de 2.000 - euros?).

5 Submergés ensuite par une flamme irrésistible de justice, oubliant que nous avions renoncé à la guerre, nous, occidentaux, nous allons dans l'un des lieux les plus «fragiles» de la planète, parcouru qu'il est d'immenses failles, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, d'abord pour titiller les élite de ces peuples, les invitant à faire des révolutions baptisées «Printemps arabe» (apportant le savoir-faire des «Nuits Blanches» de nos week-ends d'été), ensuite les invitant à faire des guerres de libération, pour remplacer les coupeurs de gorges au pouvoir par d'aures coupeurs de gorge.

Des leaders idiots comme Sarkozy, Cameron, Obama (prix Nobel de la paix) nous ont fait faire la guerre en Libye, et seul Poutine (pensez donc) nous a sauvés à 48 heures du début de celle de Syrie (médaille d'or de l'idiotie occidentale: Hollande). Sur la base de ces comportements répandus, misérables, de nous autres occidentaux, il était évident et humainement juste que des populations entières (pas les élites arabes ou africaines, amies des nôtres, qui ont des maisons à Londres, Paris, Vienne) allaient fuir, commençant un authentique chemin de l'espoir. Les plus jeunes, attirés par les lumières et les cotillons que répandent nos télévisions, fuyant pour trouver du travail et un avenir meilleur, nous les appelons les immigrants. Ceux qui par contre fuient les guerres que nous avons déclenchées ou facilitées, et ils le font pour sauver leur vie, nous les appelons les réfugiés, et nous devons les protéger par tous les moyens. Essayons de ne pas perdre de vue cette distinction.

Lampedusa est devenue le terminus physique et métaphorique de cette défaite mémorable de l'Occident; les deux continents, l'Europe et les Etats-Unis, qui s'autodéfinissent comme les plus civilisés, ont perdu la «Troisième Guerre mondiale», simplement parce qu'ils ne l'ont pas combattue, par bassesse, paresse, lâcheté, par arrogance. Et on le voit d'après les réactions, maintenant que cette bombe nous a explosé dans les mains, et on se rend compte que c'est la même que nous avons contribué à construire. Si nous fomentons les guerres (justes, prétendons nous), nous ne devrions pas être surpris que les gens fuient ces guerres, ou celles qu'ils s'imaginent que nous fomenterons plus tard. Alors, que faisons-nous? Nous donnons la faute à quelqu'un d'autre, ou bien nous disons, bien enveloppés dans notre double couche de vêtements, foulards, capes, etc..., avec une émotion feinte et une hypocrisie infinie: «Honte».

Si les dirigeants d'Occident avaient un minimum de dignité, ils démissionneraient en bloc, avec tous ceux qui ont été leurs complices, toute une génération qui a été au pouvoir pendant plus de vingt ans, et qui au lieu de se reposer et de méditer sur les bancs des parcs, continuent de faire des dégâts. Comme ce sont des misérables, ils ne le ferons sans doute pas. Alors, oui, nous pouvons dire avec force: Honte.