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Via Crucis Magno, à Cordoue

Une manifestation de cette piété populaire si chère à Benoît XVI (et à François) qui a attiré cette année une foule sans précédent. Article sur le site espagnol Infocatolicà et l’homélie de Mgr Demetrio Fernández, évêque de Cordoue. Traduction de Carlota (19/9/2013)

     

Le samedi 14 septembre dernier nous fêtions l’Exaltation de la Saint Croix (missel de 1962) aussi appelé Fête de la Croix Glorieuse (missel de 1969).

Cette fête traditionnelle revêt une importance toute particulière à Cordoue en Espagne, une ville dont l’histoire singulière, pleine de martyrs chrétiens depuis l’Empire romaine, mais aussi sous la longue occupation musulmane, et plus près de nous encore au XXème siècle, est l’un des symboles très fort de la croix des Chrétiens d’Occident.
Le sujet a déjà été évoqué sur le site, par exemple ici et .
Luis Fernando Pérez Bustamente, directeur du portail catholique infocalica a été enthousiasmé par l’événement de ce que l’on appelle le « Viacrucis Magno » (Le Grand Chemin de Croix, ici un montage annonçant les stations: www.youtube.com) de cette année, qui a connu une marée humaine impossible à chiffrer et que l’on n’avait jamais vue à Cordoue, aurait même dit la Police municipale.
Je lui laisse la parole avant de présenter plus bas l’homélie de Mgr Demetrio Fernández, l’évêque du diocèse de Cordoue.

Pour moi, c’est bien plus que du folklore, et malgré les imperfections, les impiétés, les tiédeurs coupables, les trahisons et les renoncements, je défie un catholique de ne pas ressentir la proximité de la Croix, lors d’un tel événement populaire qui touche notre nature humaine qui est cœur et esprit. Et la Croix, c’est notre Foi, et donc la question centrale, comme le disait Benoît XVI, une question qui doit dépasser, particulièrement en ce moment, toutes les autres questions, toutes les divisions.

« L’Espagne est catholique ou n’est rien » écrit Luis Fernando Pérez Bustamante: nous pouvons élargir sa phrase, en toute logique, au-delà des Pyrénées et bien plus encore.

(Carlota)

     
1. Cordoue, ou le paradigme de la foi catholique qui sauve un peuple

Luis Fernando Pérez Bustamantehttp://infocatolica.com/
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La police municipale de Cordoue a renoncé à compter les fidèles. Quelques chiffres parlent de 150 000. D’autres de beaucoup plus. Ce qui est certain c’est que samedi dernier (donc le 14 septembre 2013), la cité andalouse a vu comment tout le peuple, formé par ceux qui véritablement peuvent être appelés « chrétiens de base » s’est lancé dans la rue pour fêter un « Via Crucis Magno », proposé et organisé par le Groupement des Fraternités et Confréries cordouanes, avec l’assentiment, le soutien et sous la direction de Mgr Demetrio [Fernández González], évêque.

Cette « religiosité populaire » tellement insultée par certains a donné de nouveau l’exemple de sa capacité à être un témoin fidèle de la foi d’un peuple. Cordoue a été, samedi, en plein XXIème siècle, une représentation de ce qui s’est passé à Jérusalem il y a vingt siècles, avec la particularité que les fidèles savaient, en effet, ce qu’ils étaient en train de célébrer. Le chemin du Seigneur vers le Calvaire, la Croix d’où il aurait à nous sauver.

Tous avec le Christ et le Christ avec tous, avec son vicaire à Cordoue prenant soin du peuple que le Seigneur lui a confié. Un peuple qui sait dire oui quand on l’appelle et quand on le guide en communion avec le reste de l’Église. Les représentations religieuses au service de la foi. La foi au service de la société, qui si elle tourne ses yeux vers Dieu, peut sortir du marasme dans lequel le péché nous a tous conduits.

Il ne suffit pas d’un acte comme celui-ci pour réveiller complètement l’âme catholique à ce qui est l’identité du peuple andalou et espagnol. Mais ce peuple ne peut pas être celui que Dieu veut qu’il soit sans la foi qui a forgé sa nature tout au long des siècles. L’Espagne est catholique ou n’est rien. Et ce rien, nous sommes en chemin de l’être si nous ne récupérons pas les essences de notre foi.

Fasse que cet exemple s’étende et que les catholiques espagnols reçoivent la grâce de célébrer de façon publique plus que souvent le don qui nous a été donné. Notre Mère, la toujours vierge Marie, intercèdes pour qu’il en soit ainsi. Dieu le veut.

     
2. Homélie de Mgr Demetrio Fernández durant la messe qui a suivi le Chemin de Croix

Original sur site du diocèse www.diocesisdecordoba.com
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« Comme brille la Choix, de celle où Dieu fut pendue dans sa chair humaine et où de son sang il lava nos blessures! ». Ainsi récite un psaume de Laudes de la fête de ce jour, 14 septembre, l’Exaltation de la Sainte Croix.

Pour le chrétien, la Croix n’est pas seulement un objet de décoration mais le symbole et le signal d’un événement historique qui a changé le cours de l’histoire humaine : Jésus Christ, le Verbe de Dieu fait chair, le Fils éternel fait homme comme nous et né de Marie, vierge, a offert sa vie librement au Père en faveur de tous les hommes, pour nous racheter du pouvoir de l’enfer et de la mort et pour nous faire enfants de Dieu, frères de tous les hommes et héritiers du ciel.

Ce Christ, centre de notre vie et de l’histoire, continue vivant et présent au milieu de nous. Et avec la force de son Esprit Saint il continue à transformer nos cœurs et à nous faire constructeur d’un monde nouveau. La foi en lui a remué des montagnes, comme elle a remué aujourd’hui dans la ville de Cordoue avec ce Grand Chemin de Croix, en cette Année de la Foi.

Dans l’exercice de la Via Crucis que le Bienheureux Alvare de Cordoue (*) a introduit en Occident, nous accompagne le Christ et nous nous laissons accompagner par lui sur le chemin de notre vie. De lui à nous et de nous à lui se sont croisés les regards, le sien et le nôtre, pour comprendre une fois de plus qu’il est allé de l’avant et qu’il nous invite à le suivre.

Le Chemin de la Croix est toujours vivant aujourd’hui chez tant de personnes qui souffrent, tant de gens sans travail, y compris des jeunes qui doivent émigrer. Cette souffrance est toujours vivante aujourd’hui chez tant de personnes sans foyer, parce qu’il leur est devenu impossible de payer les hypothèques, du fait de la perte de leur travail. Une souffrance qui vient de l’injustice, de l’avarice, de la corruption dans l’emploi de l’argent de tous, de la mauvaise répartition des biens, alors qu’il devait y en avoir pour tous. Une souffrance à l’origine d’une maladie non attendue ou par l’inutilité des années qui avancent. Une souffrance causée par le désamour de ceux qui ont l’obligation d’aimer.

Pour toute cette souffrance, Jésus Christ sort dans la rue pour nous dire: “Prends ta Croix et viens avec moi”. Devant toutes ces souffrances humaines, Jésus n’a pas passé au loin, sans que comme un bon Samaritain il ne soit descendu de sa monture et nous ait pris sur ses épaules, comme l’on caresse une brebis perdue quand on la retrouve, comme se réjouit le Père au retour à la maison de son fils perdu. Nous avons contemplé son visage plein de douleur. Quelle expression que chacune de ses statues qui sont arrivées jusqu’à la Sainte Église Cathédrale de Cordoue, église principale du diocèse et de la communauté catholique de Cordoue. C’est la douleur de tous ceux qui souffrent aujourd’hui, et devant laquelle, Jésus nous invite à être comme le bon Samaritain, qui ne se désintéresse pas des autres, il nous invite à être comme le Cyrénéen qui aide ses frères et partage leurs souffrances pour les soulager.

La Croix du Christ est une source permanente d’espérance, seulement par le fait qu’Il a souffert avec nous et pour nous. Devant la douleur humaine les mots ne servent pas, sont nécessaires les gestes d’amour. Et aussi en cela, Il va de l’avant. Mais aujourd’hui nous fêtons la Croix glorieuse, la Croix fleurie de mai, la Croix victorieuse, parce que le Crucifié a vaincu la mort en ressuscitant. Chacune de nos statues reprend vie quand nous les regardons avec cette certitude de la foi, chaque statue se transforme en étendard, qui attire tous les regards. Jésus est vivant et il m’aime. Jésus est ressuscité et il vie glorieux dans la Sainte Hostie de l’Eucharistie, dans le Calice de son sang versé pour le pardon de nos péchés. Pour cela nous adorons sa présence vivante, nous rendons grâce pour son offrande d’amour, qui nous fait fils, nous communions de son Corps et de son San pour nous rendre frères d’une famille qui ne connaît pas de frontières. L’adoration eucharistique est le couronnement de cet acte de foi, cette Viacrucis en l’Année de la Foi.

Je n’ai jamais vu cette Cathédrale aussi Belle, comme elle l’est aujourd’hui, remplie des membres des confréries (**) de croyants, qui se réjouissent d’appartenir au sein de l’Église Catholique à leur propre confrérie. Merci à tous. J’imagine que vous avez préparé et attendu avec beaucoup de soin et d’impatience ce jour, et je vous félicite tous pour le succès de votre réalisation. Vous avez mis dans la rue vos saints patrons pour dire au monde entier, -ils vous ont suivi du monde entier, que la foi n’est pas quelque chose de passé, d’obsolète, mais la force qui fait se bouger une ville parce que du cœur de chaque confrérie est sortie cette dévotion, multipliée par des milliers de participants.

Avec Jésus allait sa Mère, sa Mère bénie va toujours. Avec nous a été Marie, la Reine des Martyrs (une des Saintes Patronnes de la ville), - Cordoue s’y connaît en martyrs et martyre, celle qui est tout à côté de la Croix et celle qui s’est réjouit du triomphe de son Fils dans la résurrection. Avec nous elle chemine toujours, comme une bonne mère qui nous comprend et nous encourage à suivre son Fils et à nous occuper de ses enfants. Rendons grâce à Dieu pour tout ce que nous avons vécu aujourd’hui. Merci à vous, à tous ceux qui avez collaboré. Que Dieu nous bénisse tous de sa miséricorde.
Amen.

     

Notes de Carlota

(*) Fr. Alvare de Cordoue (Zamora 1360 - Cordoue 1430), Ordre des Dominicains, c’est lui qui fit confectionner les premières représentations (statues) de la passion du Christ dans un couvent près de Cordoue (aujourd’hui Sanctuaire St Dominique d’Escalaceli où il repose). Il fut très vite imité dans d’autres couvents de la péninsule et des possessions espagnoles tant d’Italie qu’un peu plus tard en Amérique, en Asie (Philippines) et Océanie, et dans la chrétienté en général. Il a été béatifié par Benoît XIV en 1741. Les confréries de Cordoue l’ont comme Bienheureux Patron. A ne pas confondre avec Alvare de Cordoue (Paulus) martyr cordouan de l’époque de l’occupation musulman (IXe)

(**) Les confréries qui ont l’insigne honneur de garder et prendre soin de ces représentations, sont aussi chargées d’œuvre de charité, soin des malades (autrefois en particulier lors des grandes épidémies), accompagnement des plus pauvres jusqu’à leur dernière demeure, etc. En France, si l’on excepte encore quelques confréries dans le sud de la France, depuis l’Ancien Régime où elles étaient florissantes, les confréries des Charitons. Elles subsistent encore dans quelques paroisses rurales de Normandie (Sud Calvados et Eure, Orne).