Echange avec les jeunes de Rome, 2006
Exclusif: la video intégrale (8/10/2013)
Le 6 avril 2006, Place Saint-Pierre, Benoît XVI rencontrait les jeunes du diocèse de Rome, en prévision des XXIe Journées mondiales de la jeunesse.
Après une longue "promenade" en long et en large dans la place bondée, et une introduction festive, il écoutait le discours très émouvant de la maman de don Andrea Santoro, ce prêtre italien assassiné en février 2006 à Trabzon, en Turquie (voir http://news.catholique.org)
Après quoi il répondait 'a braccio' et très librement aux questions de 5 jeunes sur les sujets les plus variés, allant même jusqu'aux confidences personnelles.
La première question posée par un élève-ingénieur de 21 ans, abordait le thème des Saintes Ecritures et de la façon dont à travers elles Dieu s'adresse à nous.
La seconde, posée par Anna, étudiante en littérature de 19 ans, était autour de l'amour et du caractère sacré de la famille et du mariage.
Dans la troisième, Inelida, une lycéenne de 17 ans, réclamait des précisions sur le message du Saint-Père en vue des prochaines JMJ: "Il est urgent que naisse une nouvelle génération d'apôtres enracinés dans la parole du Christ".
La quatrième question, posée par Vittorio, 20 ans, étudiant en Sciences de l'éducation, abordait le thème de la vocation sacerdotale, réclamant même pour cela le témoignage personnel du Saint-Père.
Enfin, dans la dernière, Giovanni, 17 ans, élève dans un lycée scientifique de Rome donnait à Benoît XVI l'occasion de faire un exposé sur un des thèmes-phares de son Pontificat: foi et science. Le passage sur la structure mathématique de la nature est éblouissant.
Tout est évidemment à relire et à méditer (http://www.vatican.val).
Je reproduis ci-dessous deux des échanges. (© Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana)
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A l'époque, une amie m'avait envoyé l'enregistrement VHS qu'elle avait fait du direct de KTO, que j'avais gravé sur un disque.
J'ai transféré hier (non sans peine! car c'est assez long) la totalité sur youtube. Je crois que cela en vaut la peine!
La séquence de questions - réponses commence vrrs 30'40.
Lien direct: http://youtu.be/GSiSyZ8N61M
La vocation sacerdotale
4. Je m'appelle Vittorio, je viens de la paroisse "San Giovanni Bosco" à Cinecittà, j'ai 20 ans et j'étudie les Siences de l'Education à l'Université de Tor Vergata.
Toujours dans votre Message, vous nous invitez à ne pas avoir peur de répondre avec générosité au Seigneur, en particulier lorsqu'il propose de le suivre dans la vie consacrée ou dans la vie sacerdotale. Vous nous dites de ne pas avoir peur, d'avoir confiance en Lui et que nous ne serons pas déçus. Un grand nombre d'entre nous, ici présents ou parmi ceux qui nous suivent chez eux ce soir à la télévision pensent, j'en suis convaincu, à suivre Jésus sur une voie de consécration spéciale, mais il n'est pas toujours facile de comprendre si celle-ci sera la juste voie. Pouvez-vous nous dire comment vous avez fait pour comprendre quelle était votre vocation? Pouvez-vous nous donner des conseils pour mieux comprendre si le Seigneur nous appelle à le suivre dans la vie consacrée ou sacerdotale? Je vous remercie.
En ce qui me concerne, j'ai grandi dans un monde très différent du monde actuel, mais à la fin, les situations se ressemblent. D'une part, il y avait encore la situation de "chrétienté", dans laquelle il était normal d'aller à l'église et d'accepter la foi comme la révélation de Dieu et chercher à vivre selon la révélation; d'autre part, il y avait le régime nazi, qui affirmait à voix haute: "Dans la nouvelle Allemagne il n'y aura plus de prêtres, il n'y aura plus de vie consacrée, nous n'avons plus besoin de ces gens; cherchez une autre profession". Mais précisément en entendant ces voix "fortes", dans la confrontation avec la brutalité de ce système au visage inhumain, j'ai compris qu'il y avait, en revanche, un grand besoin de prêtres. Ce contraste, voire cette culture antihumaine, m'a confirmé dans la conviction que le Seigneur, l'Evangile, la foi nous montraient la voie juste et que nous devions nous engager pour que cette voie survive. Dans cette situation, la vocation au sacerdoce a grandi presque naturellement en moi et sans grands événements de conversion. En outre, deux choses m'ont aidé sur ce chemin: dès l'enfance, aidé par mes parents et par mon curé, j'ai découvert la beauté de la Liturgie et je l'ai toujours aimée davantage, car je sentais que dans celle-ci apparaît la beauté divine et que le ciel s'ouvre devant nous; le deuxième élément a été la découverte de la beauté et de la connaissance, la connaissance de Dieu, l'Ecriture Sainte, grâce à laquelle il est possible de s'introduire dans cette grande aventure du dialogue avec Dieu qu'est la théologie. Ainsi, cela a été une joie d'entrer dans ce travail millénaire de la théologie, dans cette célébration de la liturgie, dans laquelle Dieu est avec nous et se réjouit avec nous.
Naturellement les difficultés n'ont pas manqué. Je me demandais si j'avais réellement la capacité de vivre le célibat pendant toute la vie. Etant un homme de formation théorique et non pratique, je savais également qu'il ne suffisait pas d'aimer la théologie pour être un bon prêtre, mais qu'il y a besoin d'être toujours disponible envers les jeunes, les personnes âgées, les malades, les pauvres; la nécessité d'être simple avec les simples. La théologie est belle, mais la simplicité de la parole et de la vie chrétienne est également nécessaire. Et ainsi, je me demandais: serais-je en mesure de vivre tout cela et de ne pas vivre de manière unilatérale, d'être seulement un théologien etc.? Mais le Seigneur m'a aidé et, surtout, la compagnie de mes amis, de bons prêtres et de maîtres m'a aidée.
En revenant à la question, je pense qu'il est important d'être attentifs aux gestes du Seigneur sur notre chemin. Il nous parle à travers des événements, à travers des personnes, à travers des rencontres: il faut être attentifs à tout cela. Ensuite, c'est le deuxième point, entrer réellement dans une relation d'amitié avec Jésus, dans une relation personnelle avec Lui et ne pas savoir seulement par les autres ou par les livres qui est Jésus, mais vivre une relation toujours plus approfondie d'amitié personnelle avec Jésus, dans laquelle nous pouvons commencer à comprendre ce qu'Il nous demande. Et ensuite, l'attention à ce que je suis, à mes capacités: d'une part du courage et de l'autre de l'humilité, de la confiance et l'ouverture, également avec l'aide des amis, de l'autorité de l'Eglise et aussi des prêtres, des familles: qu'est-ce que le Seigneur veut de moi? Bien sûr, cela reste toujours une grande aventure, mais la vie ne peut réussir que si nous avons le courge de l'aventure, la confiance dans le fait que le Seigneur ne me laissera jamais seul, que le Seigneur m'accompagnera, m'aidera.
Foi et science
5. Saint-Père, je m'appelle Giovanni, j'ai 17 ans, j'étudie au Lycée scientifique technique "Giovanni Giorgi" à Rome et j'appartiens à la paroisse "Santa Maria Madre della Misericordia".
Je vous demande de nous aider à mieux comprendre comment la révélation biblique et les théories scientifiques peuvent converger dans la recherche de la vérité. Nous sommes souvent conduits à croire que la science et la foi sont ennemies entre elles; que la science et la technique sont la même chose; que la logique mathématique a tout découvert; que le monde est le fruit du hasard, et que si les mathématiques n'ont pas découvert le théorème-Dieu c'est tout simplement parce que Dieu n'existe pas. En somme, surtout lorsque nous étudions, il n'est pas toujours facile de tout ramener à un projet divin, sous-jacent à la nature et à l'histoire de l'Homme. Ainsi, parfois, la foi vacille ou se réduit à un simple acte sentimental. Moi aussi, Saint-Père, comme tous les jeunes, j'ai soif de Vérité: mais comment puis-je faire pour harmoniser science et foi?
Le grand Galilée a dit que Dieu a écrit le livre de la nature sous la forme du langage mathématique. Il était convaincu que Dieu nous a donné deux livres: celui de l'Ecriture Sainte et celui de la nature. Et le langage de la nature - telle était sa conviction - sont les mathématiques, celles-ci sont donc un langage de Dieu, du Créateur. Réfléchissons à présent sur ce que sont les mathématiques: en soi, il s'agit d'un système abstrait, d'une invention de l'esprit humain, qui comme tel, dans sa pureté, n'existe pas. Il est toujours réalisé de manière approximative, mais - comme tel - c'est un système intellectuel, c'est une grande, géniale invention de l'esprit humain. La chose surprenante est que cette invention de notre esprit humain, est vraiment la clef pour comprendre la nature, que la nature est réellement structurée de façon mathématique et que nos mathématiques, inventées par notre esprit, sont réellement l'instrument pour pouvoir travailler avec la nature, pour la mettre à notre service, pour l'instrumentaliser à travers la technique.
Cela me semble une chose presque incroyable qu'une invention de l'esprit humain et la structure de l'univers coïncident: les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l'univers et nous le rendent utilisable. La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc: la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques. Je pense que cette coïncidence entre ce que nous avons pensé et la façon dont se réalise et se comporte la nature est une énigme et un grand défi, car nous voyons que, à la fin, c'est "une" raison qui les relie toutes les deux: notre raison ne pourrait pas découvrir cette autre, s'il n'existait pas une raison identique à la source de toutes les deux.
Dans ce sens, il me semble précisément que les mathématiques - dans lesquelles, en tant que telles, Dieu ne peut apparaître -, nous montrent la structure intelligente de l'univers. Certes, il existe également les théories du chaos, mais elles sont limitées car si le chaos prenait le dessus, toute la technique deviendrait impossible. Ce n'est que parce que notre mathématique est fiable que la technique est fiable. Notre science, qui permet finalement de travailler avec les énergies de la nature, suppose une structure fiable, intelligente, de la matière. Et ainsi, nous voyons qu'il y a une rationalité subjective et une rationalité objective de la matière, qui coïncident. Naturellement, personne ne peut prouver - comme on le prouve par l'expérience, dans les lois techniques - que les deux soient réellement le fruit d'une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l'intelligence, derrière les deux intelligences, apparaisse réellement dans notre monde. Et plus nous pouvons instrumentaliser le monde avec notre intelligence, plus apparaît le dessein de la Création.
A la fin, pour arriver à la question définitive, je dirais: ou Dieu existe, ou il n'existe pas. Il n'existe que deux options. Ou l'on reconnaît la priorité de la raison, de la Raison créatrice qui est à l'origine de tout et est le principe de tout - la priorité de la raison est également la priorité de la liberté - ou l'on soutient la priorité de l'irrationnel, selon laquelle tout ce qui fonctionne sur notre terre ou dans notre vie ne serait qu'occasionnel, marginal, un produit irrationnel - la raison serait un produit de l'irrationalité. On ne peut pas en ultime analyse "prouver" l'un ou l'autre projet, mais la grande option du Christianisme est l'option pour la rationalité et pour la priorité de la raison. Cela me semble une excellente option, qui nous montre que derrière tout se trouve une grande intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier.
Mais le véritable problème contre la foi aujourd'hui me semble être le mal dans le monde: on se demande comment il peut être compatible avec cette rationalité du Créateur. Et ici, nous avons véritablement besoin du Dieu qui s'est fait chair et qui nous montre qu'Il n'est pas une raison mathématique, mais que cette raison originelle est également Amour. Si nous regardons les grandes options, l'option chrétienne est également aujourd'hui la plus rationnelle et la plus humaine. C'est pourquoi nous pouvons élaborer avec confiance une philosophie, une vision du monde qui soit fondée sur cette priorité de la raison, sur cette confiance que la Raison créatrice est amour, et que cet amour est Dieu.