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Humanae Vitae expliquée par Joseph Ratzinger (2)

Commentaire de Monique. Et, pour compléter, ce que disait Benoît XVI à Peter Seewald dans "Lumière du monde" (14/11/2013)

Avec cela, on pourra difficilement dire qu'il ne connaît pas la nature humaine, et qu'il refusait de regarder les problèmes en face, ou d'appeler un chat un chat: mais ceux qui prétendaient cela n'ont jamais lu une ligne de lui, ou seulement les passages découpés aux ciseaux dans Libé, le Monde, voire même Paris Match!!!

     

"la vérité n'est pas décidée à la majorité"

(Monique T)
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Ce texte du Cardinal Ratzinger, d'une grande élévation, comme d'habitude, fait bien comprendre les intentions de Paul VI et les conceptions de Benoît XVI: "la vérité n'est pas décidée à la majorité" (avertissement pour le synode), "une inséparabilité de l'esprit et du corps", la liberté de l'homme qui domine la mécanique.
Selon le Cardinal, Paul VI pouvait être accusé d'avoir "une trop grande idée de l'être humain". C'est peut-être aussi la cause du chemin de croix de Benoît XVI. Notre époque ne méritait pas d'avoir un si grand Pape. Elle ne désire qu'un Pape sympa. Je ne sais pas si Léon le Grand et Grégoire le Grand étaient sympas. C'étaient des époques où on avait d'autres critères!
Pour ce qui est de l'application pratique de l'encyclique, tout en comprenant la spiritualité qui la sous-tend, on est bien obligé aussi de tenir compte des contraintes que le corps impose, de ceux qui ne parviennent pas à l'appliquer malgré leur bonne volonté et de ceux qui ont dû abandonner les méthodes naturelles après plusieurs échecs (on ne peut pas avoir dix enfants dans une société où les logements et les études des enfants sont hors de prix et où la femme est obligée de travailler à cause du niveau ridicule des salaires par rapport au coût de la vie).
En réalité, on est dans une impasse aujourd'hui en matière de contraception (le nombre des méthodes que l'Eglise pourrait accepter est voisin de zéro!), si la recherche médicale ne trouve pas un moyen acceptable, à la fois moralement et médicalement (1). Je sais, c'est s'en remettre à la technique, mais la grande majorité des pauvres êtres que nous sommes ne sait pas mieux faire. Benoît XVI, qui connait la faiblesse de la nature humaine aussi bien que sa vocation à l'éternité, en est bien conscient [*]. Les pères du synode ne vont pas savoir quoi faire ni dire mais je suppose qu'ils ne pourront pas choisir l'option des protestants, c'est à dire renoncer à éclairer les fidèles et renvoyer chacun à sa liberté de conscience (une manière de se laver les mains).

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(1) Il paraît que la recherche médicale se penche sur la mise au point d'un contraceptif médicamenteux non hormonal qui n'aurait pas les inconvénients de la pilule. Mais ce n'est pas pour demain!

[*] Extrait de "Lumière du monde"

p. 193 et suivantes, ed. Bayard
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Peter Seewald: En 1968, Paul VI a fait de la contraception le sujet de sa fameuse encyclique Humanae vitae. Il soulignait à l'époque qu'une intervention de l'homme dans l'ordre naturel aurait des conséquences fatidiques. La vie était trop grande, disait-il, elle était trop sacrée pour que nous puissions y semer notre désordre. Comme s'il avait voulu dire : si nous ne respectons pas la vie des enfants, nous nous perdrons aussi, nous-mêmes, notre société, notre monde.
On n'était peut-être pas encore en état de comprendre cette vision à l'époque. Aujourd'hui, non seulement nous découvrons les effets immensément nocifs de la pilule contraceptive sur la santé et l'environnement, mais nous voyons aussi nos systèmes sociaux se briser parce que nous sommes devenus une société sans enfants et qui perd ses fondements. Et pourtant l'Église catholique ne parvient pratiquement plus à faire comprendre son éthique sexuelle. Un top-modèle brésilien estime par exemple qu'aujourd'hui, presque aucune femme n'arrive plus vierge au mariage. Un évêque auxiliaire émérite critique le, fait qu'aux questions liées à la sexualité avant le mariage, on apporte des réponses telles « qu'elles sont pratiquement invivables pour les gens, qui du coup les vivent sans doute effectivement d'une autre manière ».

Benoît XVI: C'est un vaste problème. Nous ne pouvons pas entrer ici dans toute sa diversité et tous ses détails. Dans ce domaine, il est vrai, beaucoup doit être repensé et dit d'une autre manière. Mais d'un autre côté, face à ce qu'affirme ce top-modèle et ce que pensent aussi beaucoup d'autres personnes, je voudrais affirmer que les statistiques ne peuvent pas être la norme de la morale. Il est déjà suffisamment grave que les enquêtes d'opinion deviennent la norme des décisions politiques, et qu'on regarde toujours autour de soi pour savoir où trouver le plus de partisans au lieu de poser la question : « Qu'est-ce qui est juste ? » Les résultats des sondages sur nos attitudes et notre manière de vivre ne constituent donc pas en soi la norme du vrai et du juste.

Sous l'angle prophétique, Paul VI a eu raison. Il était convaincu que la société se prive elle-même de ses grands espoirs en tuant des êtres humains par avortement. Combien d'enfants tue-t-on qui auraient pu devenir un jour des génies, qui auraient pu apporter du neuf à l'humanité, nous offrir un nouveau Mozart, nous apporter de nouvelles découvertes dans le domaine technique ? Il faut imaginer, pour une fois, quelle capacité d'humanité on détruit ici, et sans parler du fait que les enfants à naître sont des personnes humaines dont nous devons respecter la dignité et le droit à la vie.

PS: Quant à la pilule contraceptive, c'est encore un autre problème.

BXVI: Oui. Ce que voulait dire Paul VI, et qui est toujours exact comme vision générale c'est : en instaurant une séparation radicale entre sexualité et fécondité, ce qui est fait en utilisant la pilule, alors la sexualité devient arbitraire. Et dans ce cas, tous les types de sexualité ont la même valeur. On a pu croire alors que nous pouvions concevoir rationnellement des enfants, et qu'il ne s'agissait pas simplement d'un don de la nature. Conviction qui est alors très rapidement suivie par l'idée que l'homosexualité a la même valeur que l'hétérosexualité.

Les perspectives dessinées dans Humanae vitae demeurent justes. Mais trouver des chemins permettant de les vivre aujourd'hui est une autre affaire. Je crois qu'il y aura toujours des noyaux de personnes qui s'en laisseront convaincre et combler, et qui entraîneront l'adhésion d'autres personnes dans leur sillage. Nous sommes des pécheurs. Et le fait que les modes de vie dominants ne suivent pas cette morale ne doit pas nous donner l'illusion d'une instance d'autorité supérieure à la vérité. Nous devons tenter de faire autant de bonnes choses que possible pour nous soutenir et nous supporter mutuellement. Exprimer tout cela aussi sur le plan pastoral, théologique et intellectuel, dans le contexte de la recherche actuelle sur la sexualité et l'anthropologie, de telle manière que cela soit compréhensible voilà une grande mission à laquelle on travaille et à laquelle il faut encore travailler plus et mieux.

PS: Ces idées ont au moins été défendues par l'ancienne star de Hollywood et sex-symbol qu'est Raquel Welch. La comédienne américaine dit aujourd'hui que l'introduction de la pilule contraceptive, il y a cinquante ans, a débouché sur une pratique sexuelle sans responsabilité, qui affaiblit le couple et la famille pour aboutir à des « situation chaotiques ».
L'Église catholique refuse-t-elle toute régulation des naissances ?

BXVI: Non. On sait bien qu'elle approuve la régulation naturelle des naissances, qui n'est pas seulement une méthode, mais un chemin. Car elle suppose que l'on ait du temps les uns pour les autres. Que l'on vive dans une relation durable. Et c'est quelque chose de fondamentalement différent si, sans avoir de relation intime avec une autre personne, je prends la pilule afin de m'adonner rapidement à la première relation venue.