Nicolas de Myre
"La lumière d'un nouvel humanisme": la réflexion de Joseph Ratzinger, publiée dans le livre "La gloire de Dieu aujourd'hui" (6/12/2013)
>>> Ci-contre: La légende - lithographie de Hansi (1938) représentant Saint-Nicolas passant devant la Maison des Têtes et la boucherie des frères Finker à Colmar.
La figure du Saint est peu connue (1), elle a été "phagocytée" par la légende, devenue hélas purement conmmerciale.
Finalement, pour les chrétiens, il reste le message qu'il transmet:
L'étoile du matin qui resplendit de la lumière du soleil levant. Cette description de saint Nicolas coïncide avec les plus anciens symboles relatifs à la signification de l'Avent. Nous ne pouvons raviver la flamme de ce qui est propre à l'humain qu'en offrant à un monde obscur l'espérance et la joie à partir de la lumière reçue du Dieu incarné. Tel est le message essentiel que nous pouvons retenir en croisant ici et là des figures de Saint Nicolas. Le message d'une humanité appelée à irradier d'une lumière nouvelle. Le message de l'attention à porter aux persécutés, aux pauvres, aux humbles. La lumière que nous recevons du Christ, telle est la vérité essentielle de la légende de saint Nicolas.
(pages 19-22)
Nicolas De Myre (1)
La lumière d'un nouvel humanisme
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Lorsqu'on se promène dans les rues de nos villes début décembre, il n'est pas rare de rencontrer saint Nicolas, plus ou moins correctement habillé en évêque mais portant toujours la longue barbe qui nous le rend si reconnaissable depuis le VIIIe siècle. Ce que ces figures de saint Nicolas disent et font n'est qu'approximativement épiscopal; elles servent davantage à effrayer les enfants qu'à illustrer l'amour de ce saint dont il est question dans de nombreuses légendes. Historiquement, nous ne savons en fait que fort peu de choses à son sujet. Mais en consultant les sources les plus anciennes, il nous est encore possible de percer le brouillard du passé et de découvrir l'éclat d'une figure clef de l'Avent qui invite à une rencontre avec la personnalité de Jésus-Christ.
Le plus ancien biographe de saint Nicolas, un Archimandrite qui s'appelait Michael, raconte comment Nicolas reçut sa charge de Jésus-Christ comme l'étoile du matin recevait ses étincellements du soleil levant. Son biographe nous le dépeint comme une reproduction vivante du Christ: « Dans l'éclat de ses vertus resplendit la justice du soleil. » La tradition l'a toujours assimilé à l'évêque Nicolas qui participa au concile de Nicée et formula lors de la première grande assemblée épiscopale la doctrine concernant l'origine divine de Jésus-Christ. Le débat touchait au cœur de la foi chrétienne et ses enjeux étaient de taille : il aurait pu faire du christianisme une secte parmi d'autres. Il en ressortit une religion nouvelle, la foi en un Dieu incarné.
De quoi s'agissait-il vraiment? De savoir si Dieu était suffisamment puissant pour se faire petit, si Dieu était suffisamment puissant pour nous aimer et pouvoir véritablement pénétrer nos vies. Car si Dieu est trop loin pour pouvoir nous aimer efficacement, alors l'amour humain n'est rien d'autre qu'une promesse vide de tout contenu. Si Dieu ne peut pas aimer, comment l'homme en serait-il lui-même capable ? Dès lors, avec la doctrine de l'incarnation de Dieu en Jésus-Christ, il s'agissait en définitive de la possibilité pour l'homme de vivre et de mourir humainement. C'est cela que la figure de saint Nicolas met d'abord en exergue.
Theodor Schnitzler (ndt : 1910-1982, , liturgiste allemand) a trouvé la formule juste lorsqu’il écrit: « Celui qui souscrit au mystère du fils de Dieu fait homme peut aider les autres et apporter le bonheur aux enfants, aux familles, aux opprimés. Croire dans l'incarnation de Dieu permet de sauver les hommes et de mettre en pratique les droits de l'homme. »
D'autres sources parmi les plus anciennes abondent dans le même sens : Nicolas est l'une des premières figures à être vénérée comme un saint sans pour autant être un martyr. A l'époque où l'on persécuta les chrétiens, les grands annonciateurs de la foi furent naturellement ceux qui s'opposaient à la puissance de l'État païen et qui témoignaient de leur foi en étant prêts à se sacrifier. A l'époque de la paix entre l'Église et l'État, les gens avaient besoin de nouveaux modèles à imiter. Nicolas s'est imposé à eux par le dévouement dont il faisait preuve auprès de tous. Son miracle ne s'apparentait pas à un héroïsme spectaculaire qui endure la torture, le cachot et la mort. Son miracle à lui n'était rien d'autre qu'une constance de la bonté au quotidien.
Une autre légende hagiographique fait très justement remarquer que les magiciens et les démons savent eux aussi faire des miracles. Aussi ces derniers sont-ils très ambigus. Un seul miracle ne laisse subsister aucune ambiguïté et ne peut être falsifié : faire preuve de bonté toute une vie durant; vivre la foi au quotidien et mettre son amour à l'épreuve des faits jusqu’a la mort. Les gens qui ont vécu au IVe siècle ont été les témoins de ce miracle en côtoyant Nicolas. Toutes les histoires de miracle que l'hagiographie a rapportées par la suite n'altèrent en rien ce miracle fondamental que les gens ont accueilli avec étonnement et gratitude comme l'étoile du matin qui resplendit de la lumière du Christ. Cet homme leur a permis de comprendre ce que signifie la foi en l'incarnation de Dieu. Le dogme du concile de Nicée était ainsi traduit en lui par quelque chose de concret et d'accessible.
L'étoile du matin qui resplendit de la lumière du soleil levant. Cette description de saint Nicolas coïncide avec les plus anciens symboles relatifs à la signification de l'Avent. Nous ne pouvons raviver la flamme de ce qui est propre à l'humain qu'en offrant à un monde obscur l'espérance et la joie à partir de la lumière reçue du Dieu incarné. Tel est le message essentiel que nous pouvons retenir en croisant ici et là des figures de Saint Nicolas. Le message d'une humanité appelée à irradier d'une lumière nouvelle. Le message de l'attention à porter aux persécutés, aux pauvres, aux humbles. La lumière que nous recevons du Christ, telle est la vérité essentielle de la légende de saint Nicolas.
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_de_Myre