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Critique d'une critique

Anne Soupa recense "L'homme qui ne voulait pas être Pape". Et réalité, elle ne critique pas tant le livre que son objet (5/5/2014)

>>> Voir aussi:
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L'homme qui ne voulait pas être Pape
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L'homme qui ne voulait pas être pape (suite)
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Le Père Lombardi contre-attaque

     

Monique me signale que, sur le site de la Conférence catholique des baptisés francophones, il y a une recension de «L'homme qui ne voulait pas être pape» par Anne Soupa (la «complice» de Christine Pedotti, associée avec cette dernière dans la critique sans nuance de Benoît XVI.
A lire ici: http://www.baptises.fr/?p=9147

L'analyse (en partie fausse) n'est cependant pas dénuée d'intérêt.
Anne Soupa découvre, après 9 ans, «l'honnêteté morale et intellectuelle» de Benoît XVI. Mais elle le juge comme s'il s'agissait d'un gouvernant séculier.
Il lui a manqué la force de gouverner, dit-elle, sans signaler la haine des forces d'opposition en jeu. D'après elle, il a stimulé la recherche intellectuelle (sans atteindre le peuple) mais il n'a pas nourri la foi des gens!!!
C'est François qui ne nourrit pas la mienne, mais d'autres peuvent le voir autrement...
(Monique)

* * *

Je partage entièrement ce commentaire de Monique.

Il m'arrive d'être d'accord avec Anne Soupa, comme lorsqu'elle écrit que «Nicolas Diat cite beaucoup, beaucoup de cardinaux, anonymes (..), tandis que les personnes visées par ces flèches sont, elles, clairement identifiables. Certains se sont donc plaints de ne pas retrouver leur propos. Là est la limite à la fiabilité de l’ouvrage. Mais comment savoir qui a raison?»

Je suis également assez surprise par la tonalité étonamment bienveillante envers la PERSONNE de Benoît.
Anne Soupa, comme beaucoup de gens ayant accès aux médias (les autres étant par définition réduits au silence), avoue qu'elle ne connaissait pas l'homme qu'elle a si impitoyablement combattu pendant huit ans, admettant du bout des lèvres:
«J’ai beaucoup appris dans ce livre au sujet de l’histoire quotidienne du pontificat, et j’ai mieux pris conscience de l’honnêteté morale et intellectuelle du pape. Nicolas Diat montre, textes à l’appui, que le cardinal Ratzinger a voulu faire toute la transparence envers les actes pédophiles et dénoncer les perversions du fondateur de la Légion, Martial Maciel, même si, sur ce sujet, Jean-Paul II ne l’a pas suivi.»

Mieux vaut tard que jamais: cet aveu n'est pas sans rappeler celui fait par Jean-Pierre Denis, lequel écrivait en toute ingénuité au lendemain de la renonciation:
«C’est alors que je m’aperçus que je ne connaissais pas la pensée du nouveau pape. Comme beaucoup, je ne l’avais lu qu’à travers des citations tronquées ou des raccourcis médiatiques. Comme beaucoup, je n’avais pas compris» (cf. benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/touches-par-la-grace ).

Pour le reste, je suis nettement plus réservée.
Anne Soupa n'a pas été touchée par la grâce, et si son hostilité envers l'homme (désormais sans objet, puisque Benoît XVI s'est retiré dans le silence de Mater Ecclesiae) s'est émoussée, ses critiques envers le Pape demeurent virulentes.
Selon elle le cardinal n'était pas fait pour gouverner: « A Benoît - écrit-elle - il a manqué la fibre politique et la force de gouverner, l’aptitude à diriger les hommes, à les fédérer pour les conduire vers un objectif commun. On se prend alors à se demander ce qu’ont fait les cardinaux du conclave de 2005 ? ...» (d'autres peuvent se demander aujourd'hui ce qu'ont fait les cardinaux du conclave 2013, mais c'est une autre histoire).
Pourtant, des observateurs aussi attentifs et sérieux que Sandro Magister (1) ou Andrea Gagliarducci ont prouvé au jour le jour qu'au contraire le pontificat de Benoît XVI avait été constamment marqué par de nombreux actes de gouvernement. Des actes qui n'avaient juste pas l'heur de plaire à Madames Soupa et ses ami(e)s.

Evoquant le caractère prétendument clivant du Pontificat de Benoît (clivant étant dans ce cas pris au sens: qui n'est pas de son avis!), elle lui voit implicitement un effet bénéfique, puisque « l'autisme (!!) du Vatican a favorisé l’émergence d’une opinion publique catholique, balbutiante, mais déterminée à se faire entendre ». Suivez mon regard. On aimerait seulement savoir quel poids numérique représente cette "opinion publique" très bruyante (jusque dans les colonnes de Radio Vatican!) emmenée par les fondatrices du Comité de la jupe.

Elle conclut par la morale de l'histoire, qui renvoie au Pontificat actuel: « c’est qu’un pape, en bon politique, en vrai pasteur, doit offrir aux fidèles une plate forme partageable par tous, riche pour la foi, où ils peuvent trouver le fondement de leur agir chrétien. Ceci a manqué à ce pontificat, dont il émane un sentiment de division profonde. »

Comme si les baptisés de France, qui ont pris dernièrement position pour le «mariage pour tous» n'étaient pas les grands diviseurs par antonomase.

Ce n'est pas le Pontificat, qui est divisant, ce sont les catholiques qui sont divisés. C'est bien autre chose. Malgré les apparences flatteuses, le Pontificat de François n'est pas à l'abri de la même critique.
Je reprend un commentaire de Roberto de Mattei (un catholique "intransigeant", qui ne fait certes pas partie de la même chapelle que Madame Soupa) répondant dans Présent à une question d'Anne Brassié à propos du rapport Kasper et du problème des divorcés-remariés. Lui évoque rien moins que le risque d'un schisme à l'issue du prochain Synode sur la famille:

«Le rôle de l’Eglise [selon Kasper] est de bénir tout ce qui se manifeste, tout ce qui émerge de la réalité sociologique, à commencer par les cohabitations hors du mariage. Il ne s’agit pas seulement du problème des divorcés "remariés" .
Sous le pontificat du pape François, et sans doute pour la première fois depuis le Concile, des lignes de fracture sont en train d’apparaître, qui pourraient déboucher sur un schisme ouvert. La relation du cardinal Kasper est un texte provocateur qui propose, de fait, un changement dans la doctrine de l’Eglise sur un thème, le mariage, qui est soumis à la Révélation divine. L’indissolubilité du mariage est une vérité de foi, solennellement définie par le concile de Trente, et par beaucoup d’autres textes pontificaux. Cette tentative de passer outre le dogme en suggérant un changement, non pas sur le plan doctrinal mais sur celui de la praxis pastorale, est inacceptable dans la mesure où la théorisation d’une pratique antithétique à la doctrine équivaut à formuler une nouvelle doctrine».
(Présent daté du 25 avril 2014)

* * *
(1) Voir par exemple cet article de juillet 2011: SIX ANS SUR LA CHAIRE DE PIERRE. UNE INTERPRÉTATION (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1348526?fr=y )

Post-scriptum

Heureusement, beaucoup de gens ne pensent pas comme Madame Soupa. Monique me signale ce très beau commentaire sur le blog du Suisse Romain (qui renvoie curieusement à un vieux billet où le Suisse évoquait mon propre site):

Je garde une profonde gratitude au Pape Benoît XVI qui nous a réellement confirmés dans la Foi catholique par ses Messages forts et limpides lors des Audiences Générales du mercredi, lors des Angélus et des Regina Coeli du dimanche, de même que pendant tous ses voyages apostoliques .
Par son Humilité et sa Bonté, par son effacement derrière le Christ, par son grand courage lors des épreuves qui ne lui ont pas été épargnées, ce grand spirituel et éminent intellectuel, est et restera un des plus grands Témoins de notre Foi et des véritables Valeurs de l'Evangile!
Il est, pour moi et pour une foule d'autres chrétiens, une réelle Figure de Sainteté!

http://lesuisseromain.hautetfort.com/archive/2014/03/13/un-an-apres-l-election-du-pape-francois-le-site-de-benoit-et-5321586.html#c8052828