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François au défi des médias séculiers

Comment François va-t-il défendre une Église sous attaque? Une très bonne analyse d'Andrea Gagliarducci sur son blog Monday Vatican, écrite avant la comparution du Saint-Siège devant le Comité de l'Onu sur la torture, et la rencontre du Pape avec les responsables des agences de l'ONU (12/5/2014)

     

En conclusion de son article, Andrea Gagliarducci s'interroge:
Le pape François et son équipe seront-ils en mesure de défendre l'Eglise contre les attaques? Une bonne réponse à cette question sera fournie le 9 mai, lorsque le Pape François s'adressera aux responsables des agences des Nations Unies.

Si ce qu'a dit le Pape a pu renverser la vapeur, et éventuellement convaincre Andrea Gagliarducci... c'est une autre question, à laquelle on peut éventuellement répondre en lisant le "Discours du pape François aux dirigeants de l'ONU" traduit ici par Zenit.
Personnellement, je constate que François a cité ses prédécesseurs récemment canonisés, Jean XXIII et Jean Paul II, et n'a pas eu un mot pour Benoît XVI (dont il aurait pu au moins rappeler le discours à la tribune de l'ONU lors de sa visite en avril 2008), malgré la "note" placée dans la traduction de Zenit

Il a certes fait allusion à la nécessité de "la conscience de la dignité de tous nos frères, dont la vie est sacrée et inviolable depuis sa conception jusqu’à son terme naturel", mais il a en même temps pris soin de remercier ses hôtes "pour les grands efforts accomplis en faveur de la paix mondiale (??), du respect de la dignité humaine (??) , de la protection de la personne, en particulier des plus pauvres et des plus faibles, et d’un développement économique et social harmonieux".

Sa défense de l'Eglise était diluée dans des considérations sur "l'esprit de solidarité et de partage", "la légitime redistribution des biens économiques par l’État et l’indispensable collaboration de l’activité économique privée et de la société civile".

Et s'il parle à juste titre de "la famille, élément essentiel de tout développement économique et social durable", c'est pour évoquer en même temps les "futurs Objectifs de développement durable [qui] devraient être formulés avec générosité et courage, afin qu’ils parviennent effectivement à avoir une incidence sur les causes structurelles de la pauvreté et de la faim, à obtenir des résultats substantiels en faveur de la protection de l’environnement".

     

COMMENT FRANÇOIS DÉFENDRA-T-IL UNE ÉGLISE SOUS ATTAQUE?http://www.mondayvatican.com/vatican/pope-francis-how-will-he-defend-a-church-under-attack
Andrea Gagliarducci
5 mai 2014
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Cette semaine, le Saint-Siège présentera un rapport au Comité des Nations unies contre la torture. Ce sera un défi, en particulier pour la Communication du Vatican, appelée une fois de plus à répondre aux attaques des médias séculiers. Comme ce fut le cas pour le rapport présenté au Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant, les attaques sont toutes axées sur les abus sexuels de mineurs par le clergé. Et dans ce cas aussi il semble y avoir une autre finalité. Id est, délégitimer le Saint-Siège, attaquer sa souveraineté, mettre l'accent sur des contradictions présumées. Souvent, les comités en font trop et vont au-delà de leurs mandats, et au-delà de l'esprit même des conventions.

C'est ainsi que les grandes organisations internationales font la promotion de leur agenda. L'agenda de la contre-idéologie du gender et de la liberté personnelle est promu d'une manière subtile. Souvent, un processus de «soft law» est suivi. Le «soft law» consiste à faire pression sur les Etats pour qu'ils adoptent une législation nationale qui reflète les principes reconnus dans les forums internationaux (articles généraux dans les conventions et les traités, protocoles facultatifs, etc). D'autres pressions viennent à travers les «observations finales» des comités de l'ONU qui supervisent la mise en œuvre des conventions par les Etats parties. Les observations ne sont pas contraignantes, mais sont néanmoins un moyen d'influencer la législation dans les États.

Les médias séculiers ont déjà commencé à spéculer que le Saint-Siège veut cacher des informations sur l'abus de mineurs par le clergé. Cette argumentation est fallacieuse. La Convention contre la torture aborde différentes questions. Et - puisque c'est de torture qu'il traite - le Comité contre la torture doit vraiment se pencher sur les cas d'enfants nés vivants après une tentative d'avortement et laissés pour mort (600 au Canada de 2001 à 2011). Ou aux méthodes d'avortement tardif, tels que celle par «dilatation et évacuation» qui constituent vraiment des formes de torture.

Ce sont des questions qui pourraient être mises en avant lorsque le Saint-Siège présente son rapport sur la manière dont la convention est appliquée dans la Cité du Vatican et comment le Saint-Siège, comme autorité morale, s'engage, et promeut dans le monde entier une culture contre la torture. La présentation du rapport pourrait également montrer quelques-uns des préjugés dans la polémique publique sur la réponse de l'Eglise aux abus sexuels de mineurs par le clergé, puisque le Saint-Siège a réformé ses lois pour régler la question et les nouvelles procédures du Vatican ont entraîné une diminution de nombre de cas d'abus de mineurs par le clergé, ce que montrent les données de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Mais ces arguments pourraient ne pas être suffisants.

L'opinion publique est désormais très habituée aux attaques contre le Saint-Siège. Les conseillers en communication du Vatican ont essayé d'insérer des «virus positifs» dans le flux d'information des médias séculiers. Par exemple, par la "fuite" à l'Associated Press qu'environ 700 prêtres avaient été défroqués par Benoît XVI en raison d'abus sexuels de mineurs. Les gourous de la communication du Saint-Siège ont même essayé de se faire bien voir les médias séculiers en leur donnant la préférence quand il s'agit de nouvelles de dernière heure, ou en transmettant les paroles du Pape ou des séquences visuelles.


Le postulat derrière cette ligne de conduite, c'est qu'elle fasse enfin en sorte que les médias prennent note de l'Eglise catholique.
Cependant, cette approche ne fonctionne pas réellement. Les médias, sous le contrôle des éditeurs et des intérêts financiers qui poursuivent des agendas spécifiques, rendront compte objectivement de l'Église quand il y a un événement majeur, mais n'hésiteront pas à mener la charge contre elle si cela favorise leurs intérêts.

Le travail du site Accuracy in Media, (précision dans les médias) donne un aperçu de la façon dont le pendule des médias balance selon ce qui l'arrange.
Accuracy in Media est un groupe conservateur de "surveillanc"e dont la mission est de promouvoir des rapports précis, justes et équilibrés de la part des médias.

En 2010, le New York Times a été l'un des journaux les plus actifs dans la critique de l'Eglise catholique sur les scandales des abus sexuels de mineurs par le clergé. Mais avant cela, Accuracy in Media avait lancé la campagne «Boycottez le New York Times».
Accuracy in Media montrait que le poids des lobbies de gauche (ceux qui favorisent le «droit» à l'avortement et les libertés individuelles, et proclament que l'idéologie du gender est le seul point de vue légitime sur les questions de genre) a balancé le pendule de chaque article pour s'adapter à un agenda prédéfini.

Le saut qualitatif que la Communications du Vatican doit effectuer signifie aller au-delà les médias séculiers. Informer correctement l'opinion publique sur l'Église est quelque chose qui a été peut-être absent au cours des dernières années. Le sensationnalisme l'a emporté sur l'information. Le pape François lui-même semble être victime de ce climat général dans lequel il y a des attaques contre l'Eglise, mais où le caractère du pape est exalté. Le pontificat du pape Francçois risque d'être connu pour ce qu'il n'est pas.

La semaine dernière, le pape François a lancé via twitter un appel aux politiciens pour défendre la dignité de tous. Il a confirmé l'indissolubilité du mariage chrétien. Dans la dernière audience générale, il a demandé à Dieu, et a demandé à toutes les personnes présentes à faire de même, le don de la compréhension, c'est-à-dire de voir à travers les yeux de Dieu. Dans le même temps, il a rencontré le Conseil des Huit cardinaux s'occupant de la réforme de la Curie (et la rationalisation de la Curie a été une fois de plus discutée). Il a rencontré le nouveau Conseil pour l'économie à sa première réunion, tenue le 2 mai, où on a discuté des statuts. Enfin, les membres de la Commission pontificale pour la protection des mineurs se sont réunis à Rome du 1er au 3 mai et ont commencé leurs travaux.

Les déclarations du pape sur la position de l'Eglise sur les différentes questions ont souligné la continuité. La série de rencontres du pape montre qu c'est une réforme, pas une révolution, qui est en cours dans l'Église. Après un an de pontificat, le défi pour le Pape reste celui d'équilibrer une énorme vague populaire de sentiments positifs autour de son pontificat, la nécessité d'une gouvernance raisonnable de l'Eglise, et la défense de cette même Eglise contre les attaques des médias laïcs.

Jusqu'à présent, tout semble aller bien. Même le premier ministre irlandais Enda Kenny a invité le pape François à visiter le pays, après la nouvelle, il y a un mois, que l'Irlande allait rouvrir la résidence à Rome de l'ambassade d'Irlande près le Saint-Siège. L'ambassade a été fermée en Novembre 2011, prétendument pour des raisons économiques.

En fait, les forts désaccords entre le gouvernement irlandais et le Saint-Siège à propos de la réponse de l'Église à l'abus de mineurs par le clergé clergé a beaucoup pesé sur la décision de fermer l'ambassade. Aujourd'hui, selon Enda Kenny, cette question a été surmontée, car «le pape François a clairement fait savoir que son pontificat se concentre avant tout sur des questions comme la justice sociale, la pauvreté et les droits de l'homme».

Le pendule de communication du Vatican a délaissé les sujets très contestés au profit des questions sociales, qui trouvent plus d'écho dans l'opinion publique et les gouvernements. Cependant, il est également vrai que derrière les mots «droits de l'homme» il y a beaucoup de dangers cachés. Depuis les conférences du Caire et de Pékin, le Saint-Siège a fait valoir la notion de droits de l'homme comme des droits individuels, en essayant de se concentrer sur la défense des plus pauvres et sans défense. C'est ce qui est rarement compris dans les programmes des États et presque jamais favorisé par les organisations internationales.

L'attention aux plus pauvres et sans défense est toujours secondaire à une couverture qui fait l'éloge du pape s'il prend une position ferme sur des questions sensibles. Une couverture par des médias toujours prêts à l'attaquer dès qu'il use de son autorité morale pour éclairer les consciences. Dans le même temps, les nouvelles diffusées par les médias séculiers continuent à éroder la notion du Saint-Siège comme une entité reconnue en vertu du droit international, pouvant légitimement intervenir dans la diplomatie. Cela fait partie d'un plan spécifique commencé il y a plusieurs années, destiné à exclure le Saint-Siège de la communauté internationale des nations-états et de ses délibérations.

Le pape François et son équipe seront-ils en mesure de défendre l'Eglise contre les attaques? Une bonne réponse à cette question sera fournie le 10 mai, lorsque le Pape François s'adressera aux responsables des agences des Nations Unies.

Austin Ruse, président de la Catholic Family et Human Rights Institute ( C-FAM ), dit que la rencontre «pourrait être très importante» si le Saint-Père «saisit cette occasion pour rappeler aux responsables d'agence leurs objectifs initiaux, plutôt que de poursuivre leur agenda radical »