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Le cardinal Biffi

Une grande voix de l'Eglise. Autour du dernier billet de Sandro Magister, qui nous rappelle que François n'a pas inventé la miséricorde (24/6/2014)

     

Le cardinal Biffi est un très grand homme d'Eglise, un authentique pasteur, ouvert au monde, autrement dit non reclus dans une quelconque tour d'ivoire intellectuelle - au point d'avoir consacré un livre à une lecture théologique du roman de Carlo Collodi, "Les aventures de Pinocchio"- , mais comme il répugne à se couler dans le politiquement (et encore moins le religieusement) correct, il n'a aucune place dans les médias, surtout "catholiques".
Inutile de dire qu'il est inconnu en France.
C'est ma fierté de l'avoir découvert dès 2006 , et de lui avoir accordé ensuite (encore que le mot soit inapproprié, car c'est lui qui me fait l'honneur) un peu d'espace sur mon site.
On pouura relire en particulier ma traduction d'un article paru en 2008 sur Il Foglio, sous le titre évocateur "Un rugissement rouge pourpre".
L'avant-dernière fois, c'était ici: benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/le-cinquieme-evangile.
Une amie avait transcrit pour moi un extrait d'un ouvrage bref mais décapant traduit en français sous le titre "Le cinquième évangile", paru en 1971 aux Editions du Cèdre. Lu trente-trois ans après, c'est quasiment une prophétie.

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Justement, le dernier billet de Sandro Magister s'intitule FRANÇOIS, PAPE DE LA TRADITION, et commence par ces mots:

Le thème de la miséricorde de Dieu n’est pas une "découverte" de Jorge Mario Bergoglio. Il est depuis toujours au centre de la prédication de l’Église. Le cardinal Giacomo Biffi explique pourquoi, en recourant à une étonnante citation de saint Ambroise

A vrai dire, il n'est question de François que dans ce titre.
L'occasion est la publication ces jours-ci de La Multiforme Sapienza di Dio, un recueil des 22 méditations de Carême préparées par le Cardinal Biffi pour la Curie Romaine sous Jean Paul II en 1989 (pour mémoire, le cardinal Biffi a été également chargé des méditations de Carême par Benoît XVI en 2008).
N'espérons pas trop une traduction en Français, Giaccomo Biffi n'étant pas le cardinal Martini.

Comme il le fait à chaque fois, Sandro Magister, nous renvoie aux articles précédents de son blog traitant du même sujet, ici Giacomo Biffi.
Parmi eux, l'un datant de 2007, après la parution de ses "Mémoires d'un italien cardinal" (et non d'un "cardinal italien", la nuance est de taille - cité à plusieurs reprises dans mon site), intitulé "CE QUE J'AI DIT AU FUTUR PAPE" AVANT LE DERNIER CONCLAVE".

La totalité de l'article est passionnante (il est question de Jean XXIII "bon pape, mauvais maître", de Vatican II comme concile pastoral, des silences du Concile sur le communisme, etc.), mais c'est à ce passage que Magister a choisi de donner une emphase particulière, en en faisant le titre de son article (notons que ce discours est ANTERIEUR à l'élection du 19 avri, et que donc, quand le cardinal Biffi rend hommage au cardinal Ratzinger, il ne savait pas encore que c'était LUI, le futur Pape):

     

CONCLAVE 2005: CE QUE J’AI DIT AU FUTUR PAPE
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Pour les cardinaux, les jours les plus éprouvants sont ceux qui précédent immédiatement le conclave. Le Sacré Collège se réunit quotidiennement de 9h30 à 13 heures, en une assemblée où chacun des participants est libre de dire tout ce qu’il pense.

On devine cependant qu’il n’est pas possible de traiter en public la question qui préoccupe le plus les électeurs du futur évêque de Rome: qui devons-nous choisir?

C’est ainsi que, finalement, chaque cardinal a tendance à parler surtout de ses problèmes et de ses ennuis: ou mieux, des problèmes et des ennuis de sa communauté chrétienne, de son pays, de son continent, du monde entier. Cet examen général, spontané et inconditionnel des informations et des jugements est certainement très utile. Mais le tableau qui en résulte n’est certainement pas des plus encourageants.

Mon état d’âme et ma pensée principale à ce moment apparaissent dans le discours que je me suis décidé à prononcer, après de nombreuses hésitations, le vendredi 15 avril 2005. En voici le texte:

  • Après avoir écouté toutes les interventions – justes, opportunes, passionnées – qui se sont succédé ici, je voudrais exprimer au futur pape (qui m’écoute) toute ma solidarité, ma sympathie, ma compréhension et un peu de ma compassion fraternelle. Mais je voudrais aussi lui conseiller de ne pas trop se préoccuper de tout ce qu’il a entendu ici et de ne pas trop s’effrayer. Le Seigneur Jésus ne lui demandera pas de résoudre tous les problèmes du monde. Il lui demandera de l’aimer d’un amour extraordinaire: 'M’aimes-tu plus que ceux-ci?’ (cf. Jean 21, 15). Dans une bande dessinée qui nous vient d’Argentine, Mafalda, j’ai trouvé il y a quelques années une phrase qui me vient souvent à l’esprit en ce moment: ‘J’ai compris – disait cette petite fille terrible et perspicace – le monde est plein de problémologues, mais les solutionologues sont rares’.
  • Je voudrais dire au futur pape de faire attention à tous les problèmes. Mais avant cela, et plus encore, de se rendre compte de l’état de confusion, de désorientation, d’égarement qui afflige actuellement le peuple de Dieu, et surtout les ‘petits’.
  • Il y a quelques jours, j’ai écouté à la télévision une religieuse âgée et pieuse qui répondait en ces termes au journaliste: ‘Ce pape qui est mort a surtout été grand parce qu’il nous a appris que toutes les religions sont égales’. Je ne sais pas si Jean-Paul II aurait beaucoup apprécié un éloge tel que celui-là.
  • Enfin, je voudrais signaler au nouveau pape l’affaire incroyable de la déclaration ‘Dominus Iesus’: un document explicitement partagé et approuvé publiquement par Jean Paul II; un document pour lequel je tiens à remercier vivement le cardinal Ratzinger. Jamais, en 2000 ans – depuis le discours de Pierre après la Pentecôte – on n’avait ressenti la nécessité de rappeler cette vérité: Jésus est l’unique et indispensable Sauveur de tous. Cette vérité est, pour ainsi dire, le degré minimum de la foi. C’est la certitude primordiale, c’est pour les croyants la donnée la plus simple et la plus essentielle. Jamais, en 2000 ans, elle n’a été remise en doute, pas même pendant la crise de l’arianisne ni à l’occasion du déraillement de la Réforme protestante. Qu’il ait fallu rappeler cette vérité à notre époque montre à quel point la situation est grave aujourd’hui. Pourtant, ce document, qui rappelle la certitude primordiale, la plus simple, la plus essentielle, a été contesté. Il a été contesté à tous les niveaux. A tous les niveaux de l’action pastorale, de l’enseignement de la théologie, de la hiérarchie.
  • On m’a raconté qu’un bon catholique avait proposé à son curé de faire une présentation de la déclaration ‘Dominus Iesus’ à la communauté paroissiale. Le curé (un prêtre par ailleurs excellent et bien intentionné) lui a répondu: Laissez tomber. C’est un document qui divise’. ‘Un document qui divise’. Belle découverte! Jésus lui-même a dit: ’Je suis venu apporter la division’ (Luc, 12, 51). Mais trop de paroles de Jésus se retrouvent aujourd’hui censurées par la chrétienté; au moins par la chrétienté la plus bavarde". Il serait très intéressant de savoir ce que le cardinal Biffi pense du "nouveau cours". Même si, évidemment, il lui est impossible de s'exprimer...