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Le Pape Benoît regarde son successeur s'envoler

Un entretien avec Georg Gänswein dans le Washington Post (27/2/2014)

     

Voici un reportage paru dans le Washington Post du 25 février, dont un journaliste a rencontré Mgr Gänswein au Vatican.
L'article est truffé des lieux communs habituels (tellement convenus qu'ils ne m'irritent même plus!): il faut comprendre qu'il s'adresse à de parfaits béotiens, et qu'il est écrit très visiblement par un non-initié qui s'est peut-être informé sur Rolling-Stone.
Mais il contient des éléments intéressants, inédits par ailleurs, que j'ai mis en gras.
Il faut garder à l'esprit que c'est un exercice de "communication" (!!!) et que Mgr Gänswein sait parfaitement se contôler.... et ne dit pas n'importe qui à n'importe qui.
Ajoutons que l'article est complété par une très belle galerie-photos dont j'ai extrait quelques images.

Le Pape retiré Benoît regarde son successeur s'envoler
http://www.washingtonpost.com
Anthony Faiola
25 Février
(ma traduction)
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Le pape émérite Benoît XVI n'est pas «jaloux» de la célébrité de son successeur dans le monde entier, le tient en «haute estime», et développe une relation toujours plus étroite avec le Pape François par des communications «régulières», selon le secrétaire privé de l'ancien pontife et préfet de la Maison pontificale, Mgr Georg Gänswein.

Dans un rare entretien avec un média américain, Gänswein, confident de Benoît, qui réside avec le pape en retraite dans un couvent rénové, au Vatican, dit que, malgré leurs différences évidentes, l'ancien pape ne cherche pas à influencer le nouveau pontife sur les décisions majeures de l'Église.
En outre, selon Gänswein, l'apparition surprise de Benoît à une cérémonie de prestation de serment de 19 nouveaux cardinaux le week-end dernier ne doit pas être prise comme un signe de sa réapparition dans la vie publique.
« En fait - dit Gänswein - Benoît était là à l'invitation de François et on ne doit pas s'attendre à ce qu'il prenne l'habitude d'assister à des événements majeurs du Vatican. Le pape Benoît a beaucoup réfléchi, puis il a accepté, mais cela ne signifie en aucun cas qu'il soit prêt pour ainsi dire, à revenir dans le jeu».

Gänswein - un ecclésiastique allemand de 57 ans, connu dans toute l'Italie comme «Giorgio il bello» pour son look de star de film, ce qui lui a valu la couverture de l'édition italienne de Vanity Fair - est dans une position unique dans le monde restreint de la Cité du Vatican. Non seulement il reste secrétaire particulier de Benoît, mais il est aussi préfet de la Maison pontificale de François, bénéficiant ainsi d'un accès extraordinaire aux deux pontifes, l'ancien et l'actuel.

UN LIEN CROISSANT
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S'exprimant sous les plafond décoré de fresques du Palais apostolique du 16ème siècle, juste à côté de la place Saint-Pierre, Gänswein décrit les deux papes comme évidemment différents. En effet, avant de devenir le premier pontife à se retirer depuis Grégoire XII en 1415, Benoît, 86 ans, était considéré par de nombreux observateurs du Vatican comme un théologien pesant et conservateur (!!).
François, quant à lui, a été adopté par les progressistes comme le pontife de monsieur tout le monde, faisant les manchettes avec tout, depuis son commentaire sur le fait de «ne pas juger» les homosexuels jusqu'à à sa récente décision de baptiser personnellement l'enfant d'un couple marié lors d'une cérémonie civile en dehors de l'église. Dans le même temps, il a commencé à adopter de vastes réformes, touchant au scandale de la Banque du Vatican .

«Le style du pape François est très différent, mais cela ne signifie pas que le contenu est meilleur» dit Gänswein. «Mais son style créé beaucoup d'intérêt parmi les fidèles et aussi à l'extérieur de l'église».

Gänswein dit qu'il n'a pas parlé directement avec Benoît de la nature de ses communications privées avec son successeur, qui selon l'archevêque se sont produites régulièrement à travers des lettres, des appels téléphoniques et des réunions en face-à-face. Mais selon lui, le pontife à la retraite n'a pas essayé d'intervenir sur les questions de gouvernance, telles que l'élévation récente des nouveaux cardinaux, dont plusieurs considérés comme des réformateurs progressistes.
«Si le pape François lui a demandé son avis sur les nouveaux cardinaux, je ne sais pas, mais je ne le crois pas. La gouvernance est une chose, la communication en est une autre» (???).

Pourtant, les deux hommes, selon Gänswein sont apparemment de plus en amis: «L'estime de Benoît [pour le pape François] est très haute. Et elle a grandi grâce au courage du nouveau pape, semaine après semaine. Au début, ils ne se connaissaient pas très bien. Mais ensuite, le pape François lui a téléphoné, lui a écrit, lui a rendu visite, lui a téléphoné à nouveau et l'a invité [à des rencontres privées], de sorte que leur contact est devenu très personnel et confidentiel. "

RETRAITE, ET APRÈS
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Bien que Benoît ait souvent été cloué au pilori par la presse, Gänswein dit le pape à la retraite n'a pas d'amertume pour la transformation de François, au cours de l'année écoulée, d'un cardinal argentin peu connu en un chouchou des médias du monde entier: «Le pape Benoît émérite est bien conscient de la réputation de son successeur, mais il n'est pas jaloux parce qu'il voit cette célébrité comme une aide pour les fidèles».

Gänswein dit Benoît lui avait parlé de son intention de se retirer bien avant l'annonce officielle de février dernier - un acte auquel il a essayé en vain de de s'opposer.
«En fait, ma première réaction, instinctive, a été de lui dire: "Non, Saint-Père, ce n'est pas possible que vous renonciez"... Et puis j'ai compris que cette décision avait déjà été prise par le pape Benoît».
Il insiste que la décision de Benoît était liée uniquement à la fragilité et à l'âge, et pas au scandale "Vatileaks".

[Ici prend place le passage obligé sur l'emploi du temps du Pape émérite]

«Le pape émérite n'écrit plus de livres. Il n'a pas la force, autrement il n'aurait pas quitté le pontificat», dit Gänswein. «Il faut de la force pour écrire».
Interrogé pour savoir si Benoît réfléchissait sur son mandat tumultueux comme pape - et s'il a considéré son pontificat comme un succès - Gänswein dit que les huit ans de Benoît comme pape «n'ont pas été des années faciles, pour de nombreuses raisons. Le pape émérite a médité beaucoup à ce sujet. La mesure de son succès n'est pas la façon dont les médias ont écrit sur lui, s'ils l'appréciaient ou non.... Le succès n'est pas l'angle juste à partir duquel juger un pontificat. Il a planté beaucoup de graines, et on ne peut pas voir tout de suite la graine, mais seulement après que la nature a fait son travail, on peut voir celles qui poussent».