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Les dollars des philantropes américains

De riches catholiques alarmés par la ligne "marxiste" de François (2/1/2014)

     

Voici ce qu'on pouvait lire sur le site de L'Express le 15 décembre 2013 (l'information avait été abondamment reprise, à peu près sous la même forme):

Marxiste, moi? Le pape François doit démentir
Fin novembre, le pape François a publié un texte (Evangelii Gaudium) que le conservateur américain Rush Limbaugh considére comme "purement marxiste" (1). Le pape dément fermement, mais reconnaît toutefois avoir "rencontré de nombreux marxistes qui sont des gens très bien".
(...)

Pour mémoire, il y a trois ans, au beau milieu des affaires de pédophilie dans le clergé, les médias se réjouissaient de nous informer que les catholiques allemands quittaient massivement l'Eglise - plus exactement, cessaient de payer l'impôt à l'Eglise prévu, sur la base du volontariat, par leur législation fiscale (benoit-et-moi.fr/2010-I/) Sous-entendu, c'était la faute de Benoît XVI.
C'était certes ennuyeux.
Mais quand il s'agit d'argent, les choses ne sont pas aussi simples, comme en témoigne cet article paru sur Vatican Insider.
Traiter les "riches" de "sales riches" soulagera peut-être la conscience des bien-pensants, mais ne résoudra pas les problèmes.
Si les riches ne veulent plus donner, l'Eglise pauvre, si populaire auprès de l'opinion, ne pourra plus aider... les pauvres.

     

Pape "marxiste", les dollars des philantropes américains en péril
De riches catholiques alarmés par la ligne de François. Problèmes pour la restauration de la cathédrale Saint-Patrick
http://vaticaninsider.lastampa.i
Paul Mastrolilli
NEW YORK
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Tant qu'il s'agissait de Rush Limbaugh, l'excentrique commentateur conservateur de la radio américaine, ou du Tea Party, peut-être influencé par un vieux préjugé anti-catholique, on pouvait passer dessus. Mais à présent, si ce que Ken Langone, le fondateur de Home Depot, a dit à la télévision CNBC est exact, les positions du pape François sur l'économie créent un problème un peu plus grave à résoudre.

Certains grands investisseurs des États-Unis reconsidèrent les dons à l'Eglise, mettant en péril ses activités dans le monde entier.
Dans l'exhortation Evangelii Gaudium, le pontife mettait en garde contre les excès du capitalisme. Les conservateurs Américains avaient mal réagi, et Limbaugh l'avait accusé d'utiliser un langage marxiste. Lors de son entretien avec Andrea Tornielli dans la Stampa, François avait répondu que le marxisme est une idéologie merronée, "mais j'ai connu plusieurs marxistes qui étaient de bonnes personnes, et donc cet adjectif ne m'offense pas."

Le différend avec Limbaugh et le Tea Party s'était arrêté là, mais à présent, il s'en ouvre un autre plus périlleux.
Ken Langone est un catholique très dévot, et il est également le fondateur de la chaîne de magasins pour la maison Home Depot. Il a toujours fait des dons importants à l'Eglise, et le cardinal de New York Timothy Dolan l'a impliqué dans la collecte de quelque 180 millions de dollars nécessaires pour restaurer la cathédrale Saint-Patrick sur la Cinquième Avenue, construite en 1878.

"Un donneur potentiel à sept chiffres - a dit Langone à la chaîne économique CNBC - m'a dit qu'il est réticent à participer, car il est préoccupé par les critiques du pape contre le capitalisme. Il les considère comme un élément d'exclusion".

Le donnateur a été particulièrement frappé par les mots selon lesquels «la culture de la prospérité a rendu les riches incapables de ressentir de la compassion pour les pauvres» (Evangelii Gaudium §54). Langone a dit qu'il avait soulevé la question avec Dolan: «Eminence, c'est un obstacle supplémentaire dont nous n'avons pas besoin. Les Américains sont parmi les plus généreux philanthropes du monde, mais ils doivent être abordés de la bonne façon. On obtient plus avec du miel qu'avec du vinaigre».

Selon le fondateur de Home Depot, Dolan l'a tranquillisé, expliquant que le donnateut incertain a mal compris les mots de François: «Le Pape aime autant les pauvres que les riches (§58). Quand ce donnateur comprendra son message, il n'aura aucune difficulté à contribuer». Langone a dit qu'il lui en parlerait, mais il n'a pas voulu révéler le nom de la personne, ni les effets de son ambassade.

Le problème, s'il s'avérait plus diffus qu'une simple défection, pourrait devenir compliqué pour le Vatican, au-delà des difficultés à réunir les fonds nécessaires pour restaurer Saint-Patrick. Les Etats-Unis et l'Allemagne, en effet, sont les pays qui contribuent le plus aux activités de l'Église à travers le monde: si les robinets des philanthropes catholiques américains se fermaient, il serait très difficile de les remplacer, pour financer des activités visant à aider les pauvres comme Catholic Charities.

Bien sûr, il se peut que Dolan ait raison: un doute ne suffit pas à créer un phénomène, et une meilleure compréhension des positions de François peut résoudre le problème.
Il est curieux que ce soit justement sur ces positions économiques et sociales que la Maison Blanche espère reconstruire sa relation avec le Vatican, après les difficultés du passé liés à des différences sur les questions de l'avortement et de la vie.

     

Note

(1) Monique a recopié quelques lignes du livre: "Le Pape François, Je crois en l'homme", ed. Flammarion, p.47-48
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J. Bergoglio parle des années qui ont précédé son entrée chez les jésuites:

"Il est vrai que j'étais, comme toute ma famille, un catholique pratiquant. Mais mon esprit n'était pas exclusivement tourné vers les problèmes religieux, je m'intéressais aussi à la politique, même si cela ne dépassait pas le plan intellectuel. Je lisais Nuestra Palabra, Propositos, une publication du Parti communiste. [...]
Ces lectures ont contribué à ma formation politique, mais je n'ai jamais été communiste".