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Les "insultes" du Pape François

Salué pour son ton plus doux, le pape est en fait un comique de l'insulte. Réflexion d'un jeune blogueur américain catholique (10/5/2014)

>>> Livre ci-contre: thatthebonesyouhavecrushedmaythrill.blogspot.fr/2013/12/the-pope-francis-little-book-of-insults.html

Chaque jour confirme qu'un pontificat VIRTUEL est en train de se construire sous nos yeux - dans l'indifférence générale des médias catholiques français, à une ou deux exceptions près. Un pontificat virtuel qui n'est pas seulement du fait des médias (bien sûr preneurs!), mais que la hiérarchie de l'Eglise elle-même contribue largement à diffuser.

     

Michael Dougherty Brendan
11 Février 2014
theweek.com
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Le prélat américain préféré de pape, le cardinal Sean O'Malley de Boston, a cette semaine émis une opinion sur le caractère de la plus grande célébrité de l'Église. Selon O'Malley, le pape François n'est pas sur le point de lancer une révolution dans l'Église, il est juste en train de changer le ton.
O'Malley a dit que le changement d'orientation est nécessaire parce que l'Église a été dans le passé «trop stridente, peut-être trop répétitive». L'interviewe parlait d'une église plus «douce».
Propos très politique de la part d'un prince de l'Église, mais bien sûr, totalement faux. Si le ton de l'Église sous François a changé, il est en réalité devenu plus dur, plus sévère, et même sarcastique.

L'histoire des deux derniers pontificats telle qu'elle est rapportée servilement par la plupart des médias est la suivante: le pape Benoît était un sale type qui, dans le phrasé mémorable de Rolling Stone «ressemblait à l'homme portant une chemise rayée et des gants aux doigts de couteau, menaçant les adolescents dans leurs cauchemars» (fr.wikipedia.org/wiki/Freddy_Krueger). En revanche, le Pape François est le copain super-cool, qui joue avec les animaux et répond au péché d'un haussement d'épaules.

La vérité est quelque peu différente. Benoît était un érudit chaleureux et souvent mal compris. Son point de vue sur l'économie était peut-être encore plus à gauche que celui de son successeur. Ses encycliques et ses livres étaient bienveillants et réfléchis. Sa lettre à l'auteur athée Piergiorgio Odifreddi en caractérise le ton. Même quand une grande partie de ce qu'il propose est critique, il l'accompagne d'une touche légère de main tendue à l'autre.

La partie inaperçue du «nouveau ton» de l'Église, c'est que François est pratiquement un «comique de l'insulte». Là où Benoît cherchait à condamner les erreurs dans l'abstrait, le pape François le fait de manière personnelle et attaque des tendances au sein de certains groupes de personnes, généralement dans des idiomes papaux très stylisés.
Il a condamné «les évêques d'aéroport». Les chrétiens qui se plaignent trop, il les a appelés «M. et Mme Pleurnicheurs». Peut-on imaginer quelle m**** (crap) les médias auraient déversé sur le pape Benoît s'il avait dit aux religieuses de ne pas devenir des «vieilles filles»? François l'a fait.

Parfois, ceux que le pape entend ridiculiser ne sont pas clairement identifiés. Le pape a déversé son acide rhétorique sur les «chrétiens de paroles», qui «sont rigides! Ce type pense qu'être chrétien signifie être en deuil perpétuel». D'autres fois, François est beaucoup trop clair , comme quand il dit que les journalistes courent le risque de «tomber malade de coprophilie et fomenter ainsi la coprophagie» (ndt: réponse du cardinal Bergoglio à une question sur les Vatileaks, donc avant son élection).

Les catholiques d'une tendance plus traditionnaliste font vraiment sortir son bâton à François. Il les appelle «triomphalistes» et «restaurationistes». Il qualifie ceux qui lui envoient des notes énumérant le nombre de chapelets qu'ils ont récités pour lui de « pélagiens», du nom des hérétique qui niaient la nécessité de la grâce divine pour le salut. Dans son exhortation apostolique, il l'a étendu au «néo-pélagianisme autoréférentiel et prométhéen (de ceux qui, en définitive, font confiance uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un certain style catholique justement propre au passé)» (Evangelii Gaudium §94)
Sans oublier les «pessimistes bougons et désabusés» et les «grincheux» qui affligent l'Eglise. Un prêtre d'esprit plus progressiste porrait se voir éreinté comme «promoteur du poison de l'immanence».

Un blogueur catholique s'est amusé à compiler toutes les invectives du Vicaire du Christ, dans un livre, The Pope Francis Little Book of Insults (ndt: à lire absolument ici, c'est très édifiant et aussi très amusant!!).

Les insultes ne sont pas étrangères au christianisme. Jésus lui-même était brutal quand il condamnait les «sépulcres blanchis» et la «race de vipères» parmi les chefs religieux de son époque.
Mais où est l'Église «stridente et répétitive» mentionnée par O'Malley? Elle n'est certainement pas la seule que la plupart des catholiques entendent chaque semaine. Voici ce que disait le même cardinal O'Malley il y a seulement un mois :

Le catholique normal dans sa paroisse peut entendre un sermon sur l'avortement une fois par an. Ils n'entendront jamais un sermon sur l'homosexualité ou le mariage homosexuel. Ils n'entendront jamais un sermon sur la contraception. Mais si vous regardez le New York Times, au cours d'une semaine, il y aura 20 articles sur ces sujets. Alors, qui est obsédé?

Effectivement, si l'on rencontre l'Église uniquement à travers le cadre hégémonique de la guerre culturelle et des batailles politiques, il semble que l'Eglise est à peine plus qu'une série de «Tu ne feras pas» étroitement liés à la sexualité humaine. La liturgie, le ministère pour les pauvres, la grande variété de la vie dans l'Église, semblent se fondre dans l'arrière-plan. Y compris les éruptions volcaniques de son soi-disant placide pape.