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Quand Marco Tosatti rencontre Antonio Mastino (II)

Les maîtres du Vatican, ce sont ceux qui sont issus de la carrière diplomatique. Ils se sont vengés de Benoît (16/4/2014)

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Quand Marco Tosatti rencontre Antonio Mastino

Je ne connais pas suffisamment les arcanes du Vatican pour valider/invalider cette description des luttes de pouvoir au sein de l'Eglise-institution.

A propos de la gouvernance de Benoît XVI, et en particulier de ses relations avec la "diplomatie" vaticane, Andrea Gagliarducci avait écrit un article très informé (réhabilitant d'une certaine façon le cardinal Bertone"), à lire ici: benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/le-secretaire-detat-bertone.html

     

Les maîtres du Vatican: les diplomates

Texte complet en italien: http://www.papalepapale.com/
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- Quand tu dis «diplomatie» tu dis carrière, curie, culs de pierre vaticans (?), bref, des gens qui ont l'une et l'autre clé du royaume. Et en effet, vois comment cela a fini avec Benoît. Mais maintenant (..) elle a repris non seulement ce qui était à elle, mais aussi tout le reste. Il aurait mieux valu ne pas leur marcher sur les pieds, aux diplomates de la curie.
- Lorsque la santé de Jean-Paul II a décliné de façon évidente, lui qui était déjà très allergique à s'occuper de la machine curiale, et qui même s'en souciait fort peu, le secrétaire d'État a eu un rôle encore plus important. Et les choix n'ont pas toujours été les plus justes: pensons à l'affaire Maciel Degollado, au communiqué de la Secrétairerie d'Etat niant l'existence d'une enquête sur lui ... et à l'affrontement, que le préfet Ratzinger perdit avec ceux qui protégeaient Maciel ...

- Au conclave de 2005, je me souviens, on disait que «la diplomatie du Vatican était la lèpre de l'Eglise: elle doit être éradiquée». Peut-être l'a-t-on dit aussi dans le conclave, et Ratzinger, élu, en a pris acte.
- C'est une histoire complexe. Le fait est que la diplomatie vaticane, au sein de l'Église, dans la Curie, c'est un pouvoir. Avec lequel, qu'on le veuille ou pas, on doit faire les comptes. Ces comptes, Benoît avait décidé de ne pas les faire. Et il a fait sa première erreur, comme nous l'avons dit: nommer à la tête de la Secrétairerie d'Etat quelqu'un qui n'est pas un diplomate, le cardinal Bertone, qui connaissait très peu ce monde fait de délicats équilibres tout prêts à se rompre. Nous avons vu le destin qu'a connu Bertone. La diplomatie, qui a toujours tenu cet Office entre ses mains, qui est fondée sur lui, ne l'a jamais avalé.

- Il semblait être le «Monstre» par définition, le cardinal Bertone, à entendre les corbeaux et les journalistes amis des corbeaux, tous échappés de la cage des diplomates du Vatican ...
- Corbeaux ou pas corbeaux, Benoît a fait la deuxième erreur. Tenir à l'écart les diplomates, les nonces, même dans les réunions ordinaires pour discuter de diverses questions relatives à la politique du Vatican et des églises nationales; il n'hésitait pas à demander leur avis, leurs conseils, leur collaboration: peut-être qu'il sen méfiait. Et ainsi s'est probablement sédimentée une distance, devenue petit à petit ressentiment de la part de certains diplomates.

- Mais pourquoi Ratzinger s'en méfiait-il à ce point?
- Tu sais ce que c'est ... le cardinal Ratzinger était à la Curie depuis 25 ans, mais sans faire partie d'aucune «cordée», il y était étranger, il était dedans, et quelque sorte «en dehors» de la Curie: il n'était pas intéressé par ce monde fait de carrières, de compromis et de pouvoir. Mais dans le même temps, il observait tout, et tous les documents: les dossier confidentiels sur chaque ecclésiastique ou membre de la Curie passait nécessairement par l'ex Saint-Office, et donc sur son bureau. Il savait tout sur tout le monde, et tout le monde savait que Ratzinger savait. Donc, on ne pouvait pas se moquer de lui. On a dit que Ratzinger ne connaissait pas la Curie: au contraire, il ne la connaissait que trop. Et souvent, il expérimenta sur sa peau, déjà comme préfet, le contact urticant.

- Et en tant que Pape, «sachant», il faisait aussi. Et pour pouvoir «faire», il se passait souvent des membres de la Curie et des diplomates.
- Ecoute, je peux te dire une chose avec certitude, et c'est l'une des nombreuses choses qui a rendu grand que pontificat. Tout d'abord, aucun pape autant que lui, silencieusement, avec la plus grande discrétion, n'a démis autant d'évêques indignes d'exercer leur ministère, entre 80 et 90; il a réduit des centaines de prêtres à l'état laïc, une fois qu'il a eu pris connaissance des carences de toutes sortes, mais surtout morales. Personne autant que lui - et il était vraiment le premier pape à agir concrètement dans ce domaine - n'a combattu non seulement par les normes, mais par des actions concrètes, les cas d'abus sexuels ou de pédophilie dans le clergé, comme il avait tenté de le faire comme cardinal, mais avait été durement entravé par certains potentats de curie.

- Et ses nominations? Sur cela aussi, ils ont trouvé à dire.
- Voilà, c'est l'autre question qui rend ce pontificat grand. Sauf dans le cas Bertone, et analogue. Wojtyla quand on lui présenté les «ponenze», c'est à dire les listes avec les évêques à nommer dans chaque diocèse, se limitait à approuver le premier des trois noms choisis par les nonciatures, sans plus approfondir. Pas Ratzinger: il allait s'informer sur les trois candidats, il en parcourait le curricalum, officiel ou non, voyait ce qu'ils avaient fait, dit, écrit, et parfois disait «non, pas ceux-là, donnez-moi trois autres noms» (*). Un travail gigantesque, épuisant, de sélection qu'avec beaucoup de patience il accomplissait tous les jours. Ce n'est pas par hasard qu'à la tête de chaque diocèse, sous son pontificat, les évêques qui ont été nommés étaient les meilleurs, du moins par rapport à ce qui était disponible sur le terrain, irréprochables du point de vue moral et doctrinal.

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(*) Cela rend d'autant plus étranges les cas de Wielgus et de Wagner....

A Suivre...