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La prophétie oubliée de Ratzinger

Une semaine après l'annonce dramatique de Benoît XVI, la redécouverte d'une déclaration qu'il avait faite 40 ans plus tôt (1er/1/2014)

Cet article a été publié sur le site Vatican Insider le 18 février 2013, c'est-à-dire une semaine après l'annonce de la renonciation, et presque un mois avant l'élection de François. Ce dernier évènement fait évidemment "lire" la prophétie avec un oeil différent.
Certains reconnaîtront peut-être dans "l'Eglise pauvre, l'Eglise des indigents" annoncée par le jeune Professeur Ratzinger celle que François appelle aujourd'hui de ses voeux.
Quant à l'Eglise "de minorité, peu influente sur les choix politiques, socialement négligeable, humiliée", nous y sommes déjà, car il ne faut pas se leurrer, le succès médiatique du pape François est un écran de fumée destiné à masquer le peu de liberté d'expression hétérodoxe que le monde lui concède.

     

La prophétie oubliée de Ratzinger sur l'avenir de l'Église
Une semaine après l'annonce dramatique de Benoît XVI, la redécouverte d'une déclaration qu'il avait faite 40 ans plus tôt
Marco Bardazzi
http://vaticaninsider.lastampa.it
18 février 2013
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Une Eglise redimensionnée, avec beaucoup moins de fidèles, contrainte d'abandonner une bonne partie des lieux de culte construits au fil des siècles. Une Eglise catholique de minorité, peu influente sur les choix politiques, socialement négligeable, humiliée et contrainte de «repartir des origines».

Mais aussi une Eglise qui, à travers cet «énorme bouleversement», se retrouvera et renaîtra «simplifiée et plus spirituelle».
C'est la prophétie sur l'avenir du christianisme prononcée il y a plus de 40 ans par un jeune théologien bavarois, Joseph Ratzinger. La redécouvrir aujourd'hui contribue peut-être à donner une nouvelle clé de lecture pour déchiffrer la démission de Benoît XVI, parce qu'elle replace le geste surprenant de Ratzinger dans l'orbite de sa lecture de l'histoire.

La prophétie concluait une série de conférences radiophoniques que le professeur de théologie d'alors avait données en 1969, à un moment décisif de sa vie et la vie de l'Église. Les années turbulentes de la contestation étudiante, du débarquement sur la lune, mais aussi des débats sur le Concile Vatican II qui venait de se conclure. Ratzinger, l'un des protagonistes du Concile, avait quitté la turbulente université de Tübingen et s'était refugié dans celle plus sereine de Ratisbonne.

Comme théologien, il s'était trouvé isolé, après avoir rompu avec ses amis (!!) «progressistes» Küng, Schillebeeckx et Rahner sur l'interprétation du Concile. C'est à cette époque que se consolident pour lui de nouvelles amitiés avec les théologiens Hans Urs von Balthasar et Henri de Lubac, avec qui il va créer une revue «Communio», qui devient rapidement l'école d'apprentissage de quelques jeunes prêtres ratzingériens, aujourd'hui cardinaux, tous mentionnés comme possibles successeurs de Benoît XVI: Angelo Scola, Christoph Schönborn et Marc Ouellet.
En cinq causeries radiophoniques peu connues - récemment rééditées par Ignatius Press dans le livre «Faith and the future» (également disponible sur amazon, où on peut feuilleter quelques pages) - le futur pape, en cette complexe année 1969, traçait sa propre vision sur l'avenir de l'humanité et de l'Église. C'est surtout la dernière «leçon», lue le jour de Noël aux micros de la« Hessian Rundfunk» qui assume le ton de la prophétie (le titre anglais est: What will the Church look like in 2000?).

Ratzinger se disait convaincu que l'Eglise vivait une époque similaire à celle qui avait suivi les Lumières et la Révolution française.
«Nous sommes à un énorme tournant - expliquait-il - dans l'évolution de l'humanité. Un moment à l'égard duquel la transition du Moyen Age à l'époque moderne semble presque insignifiant».
Le Professeur Ratzinger comparait la période actuelle avec celle du pape Pie VI, enlevé par les troupes de la République française et mort en captivité en 1799. L'Eglise s'était alors trouvée aux prises avec une force qui entendait l'éteindre pour toujours, elle avait vu ses biens confisqués et les ordres religieux dissous.

Une condition pas très différente, expliquait-il, pourrait attendre l'Eglise d'aujourd'hui, minée, selon Ratzinger, par la tentation de réduire les prêtres à des «travailleurs sociaux» et sa propre action à une simple présence politique.
«De la crise actuelle - dit-il - émergera une Église qui aura perdu beaucoup. Elle deviendra plus petite et devra plus ou moins repartir des origines. Elle ne pourra plus vivre dans les bâtiments qu'elle a construits dans les périodes de prospérité. Avec la diminution de ses fidèles, elle perdra également beaucoup de privilèges sociaux».
Elle redémarrera de petits groupes, de mouvements et d'une minorité qui remettra la foi au centre de l'expérience. «Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne s'arrogera plus de mandat politique flirtant tantôt avec la gauche et tantôt avec la droite. Elle sera pauvre et deviendra l'Église des indigents».

Ce que Ratzinger décrivait était «un processus long, mais quand touta la souffrance sera passée, émergera la grande force d'une Église plus spirituelle et simplifiée». À ce moment, les hommes découvriront qu'ils vivent dans un monde d'«indescriptible solitude» et ayant perdu Dieu de vue «ressentiront l'horreur de leur pauvreté».

Alors, et alors seulement, concluait Ratzinger, ils verront «ce petit troupeau de croyants comme quelque chose de totalement nouveau: ils le découvriront comme une espérance pour eux-mêmes, la réponse qu'ils avaient toujours cherchée en secret».