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La personne de l'année, c'est Benoît XVI

Pour inaugurer ces pages, voici une réflexion intéressante issue du site <linkiesta.it>. L'auteur souligne la dimension prophétique de la renonciation. (31/12/2013)

Du même auteur:
¤ benoit-et-moi.fr/2013-II/benoit/ratzinger-rentre-au-vatican
¤ benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/tactique-du-diable

Mais le personnage de l'année, et même de l'époque, c'est le pape Benoît XVI
http://www.linkiesta.it
Antonio Sanfrancesco
(ma traduction)
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Lorsque le 11 Février 2013 à 11h46 a résonné en latin l'annonce de Benoît XVI, beaucoup d'analyses des médias sur lui se sont révélées pour ce qu'elles étaient: superficielles, hâtives, banales, souvent teintées de vieux préjugés. Ce pas de côté du théologien allemand, qui marquera pour toujours l'histoire de l'Eglise et l'histoire tout court inaugurant, qui sait, un nouveau printemps de l'Eglise, semble maintenant presque oublié, effacé. Trop encombrant, peut-être, pour y réfléchir.

L'année que nous laissons derrière nous, marquée par le geste dramatique du pape allemand, marque aussi le point culminant de cette incompréhension totale entre le 'media system' et l'Église catholique et, surtout, avec ce doux théologien bavarois appelé à la guider au beau milieu d'une tempête absolue, entre infidélité (apostasie?) répandue, et Malebolge (ndt: le nom donné par Dante, dans la Divine Comédie, au huitième cercle de l'enfer, où sont punis les fraudeurs) de bas Empire.

Jusque-là farouchement contré, Ratzinger se révèle soudain un pape sage, courageux, déroutant, et même extraordinaire. Ainsi va le monde. Et peut-être n'y a-t-il pas lieu d'en être scandalisé outre mesure. Cela arrive à tous ceux qui ne lisent l'histoire de l'Église que dans une perspective "du monde" et non pas spirituelle. Mais ce n'est pas l'essentiel. Le script se répéte maintenant avec François.

Les médias, en cette fin d'année, se sont empressés de rédiger des bulletins et de compiler des classements décrétant le pape François personnage de 2013, pour des raisons allant de l'empathie vis-à-vis des fidèles jusqu'à la popularité sur les réseaux sociaux. Très bien, il n'y a rien à redire. Mais tout cela a le goût de l'improvisation, de l'instant, du «last minute». Presque comme si cette hâte de congédier le pape Ratzinger cachait un désir inconscient de ne pas avoir à traiter son geste à fond. Comme si tous ceux qui dans le passé était si définitifs et péremptoires à critiquer le pape Benoît pour son style, ses paroles, ses actions n'avaient pas su lire et restituer à l'intérieur de son pontificat, son acte ultime et décisif: sa démission. Qui n'a pas été une fuite, mais un véritable acte de gouvernement. Et surtout un acte de martyre dans le sens, étymologique, de témoigner.

Dans sa solitude hiératique et prophétique - accentuée par la voix ténue avec laquelle il a annoncé sa sortie de scène - le Pape Benoît a saisi le signe du temps, la poussée de renouveau qui parfois, dans certaines périodes historiques plus que d'autres, souffle sur l'Eglise, et il a pris sur lui tout le poids d'un geste qui a semblé à la plupart une lâcheté, à d'autres même, une fuite des responsabilités, à d'autres encore, non croyants mais atteints d'une étrange papolâtrie, la fissure de l'image qu'ils s'étaient faite de l'Église: mondaine, triumphans, d'ostentation du pouvoir.
«L'Eglise - a écrit Alberto Melloni dans son essai "Quel che resta di Dio" - cède à la confusion, si et quand elle ne reconnaît pas le moment où elle est visitée par ces poussées de renouveau qui, une, deux ou trois fois par millénaire soufflent sur son visage fatigué».

Benoît - dont l'importance historique de la décision est encore entièrement à déchiffrer pour l'avenir - a saisi cette poussée de renouveeau, il a levé le regard plus haut que ses «défenseurs» et tous ces carriéristes qui étaient autour de lui, l'adulant mais sans jamais l'aider, et il a mis tous et chacun devant leurs responsabilités. Le Pape critiqué pour le camauro et le soin de la liturgie, les chaussures rouges et autres signes extérieurs, a changé le sens du mot «tradition» préférant le déformer en nom de la fidélité à l'Eglise, pour préserver le feu vivant de sa mission et pour reproposer à l'homme contemporain de plus en plus repu et de plus en plus désespéré, la question de Dieu, qui est avant tout, comme toujours, une question sur soi-même, sur son propre "agir" , sur sa propre relation avec les autres.

Si la question de Dieu, et le scandale d'un Dieu qui s'est fait homme et est mort pour les hommes, continuera à résonner encore, plus claire et moins polluée, dans le cœur des hommes, on le devra (aussi) à ce pape anti-conformiste qui a compris que ce n'est pas tant le pouvoir que la renonciation au pouvoir, qui est utile pour gouverner et redresser, enseigner et inspirer un désir plus élevé. ...

Loin de tout triomphalisme et des analyses faciles et hâtives, le personnage de l'année, mais il serait plus correct de dire le personnage symbole de cette période énigmatique et difficile, c'est le pape Benoît XVI, qui, avec son geste s'est préoccupé non pas tant d'une chrétienté fatiguée, prisonnière d'un monde qui, s'il est défait, ne sera pas regretté, mais de ce qui survivra, dans l'intimité de chacun, de l'antique question du Christ qui retentit à Césarée de Philippe (cathocatho.blogspot.fr/2011/02/cesaree-de-philippe): «Mais vous, qui dites-vous que je suis ?»