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Les bénédictines du Mont des Oliviers

Elles ont vu Benoît XVI, lors de son voyage en Terre Sainte, entre le 12 et le 15 mai 2009. Leur très émouvant témoignage, qui m'avait à l'époque été transmis par Marie-Anne. Reprise (26/5/2014)

Alors que le voyage du Pape François en Terre-Sainte est sur le point de s'achever (court-circuité par l'actualité du week-end, l'attentat au musée juif de Bruxelles et les élections européennes) les journalistes semblent découvrir la lune: ce serait la première fois depuis Jean-Paul II qu'un Pape se rend sur les terres où Jésus a vécu sa vie terrestre, la première fois qu'il y prononce des paroles de paix, qu'il accomplit le parcours obligé, rencontre les représentants des autres religions, fait les gestes attendus ou pas "à haute portée symbolique", célébre la messe devant des foules immenses, suscite l'enthousiasme.
En réalité, le voyage de François me semble pour l'instant s'inscrire directement dans le sillage de celui de Benoît XVI. Pour François, il n'y a certes pas eu d'a priori d'hostilité, ni dans les médias (les slogans hostiles venant des minorités juives intégristes ont été dénoncées par les médias libéraux) , ni de la part des dirigeants israéliens (on se souvient de l'affront que Nétanyahou avait fait à Benoît XVI, le recevant à peine quelques minutes entre deux portes).
Après coup, toutefois, les choses ne semblent plus aussi lisses, selon le correspondant à Jérusalem du Monde, qui écrit

Même s'il n'est question que d'une « rencontre de prière » à Rome, et non pas d'une relance des négociations de paix, l'invitation lancée par le pape François à Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, et Shimon Pérès, président israélien, sera sans aucun doute considérée, par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, comme une ingérence politique. D'autant qu'elle s'inscrit en point d'orgue d'une série de paroles et de gestes à haute portée symbolique du souverain pontife depuis son arrivée en Terre sainte.

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L'amnésie des médias concernant Benoît XVI est une amnésie volontaire, et sélective: son nom ne doit pas être prononcé, il faut qu'il subisse le châtiment de la "damnatio memoriæ".

Au point que mon amie Jeannine m'a confiée avoir écrit à Radio Vatican pour se plaindre que dans la présentation du voyage (fr.radiovaticana.va ), la visite de Benoît XVI au mur des lamentations n'était même pas évoquée. L'auteur de l'article a répondu qu'il s'agissait d'un "oubli" (assez peu crédible quand même, venant d'un média du Pape, et concernant un évènement ne remontant qu'à cinq ans !!), et a quand même rectifié l'avant-dernière phrase en rajoutant le nom de Benoît XVI:
Le pape devrait aussi se rendre pour prier au Mur Occidental (autrement appelé Mur des Lamentations), et y glisser une prière dans la roche, comme le firent ses prédecesseurs Jean-Paul II et Benoît XVI.

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Le beau texte spontané qui suit est donc un témoignage important qui rafraîchira peut-être la mémoire de ceux qui l'ont perdue... volontairement ou pas.

     

BÉNÉDICTINES DU MONT DES OLIVIERS: LA VISITE DU PAPE COMME NOUS L’AVONS VÉCUE

« C’est une fête de famille, huit jours hors du temps où nous courons tous d’un bout à l’autre du territoire pour accompagner la frêle silhouette de ce pape qui ne laisse personne indifférent. Et pourtant, on nous en a raconté sur ce pape! que pouvions-nous en attendre ?
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Lundi 11 mai
: Le Pape arrive. Journée consacrée à Israël. Il faut lire attentivement les discours pour ne pas accorder de crédit à la « traduction » des journalistes qui font dire au pape ce qu’il n’a pas dit.

Mardi 12 mai : Trois jours auparavant, un téléphone du patriarcat : « Le Pape veut rencontrer les sœurs contemplatives âgées à la Cathédrale : avez-vous des fauteuils roulants? , devons-nous vous en procurer, nous nous chargeons du transport… ». Et ce fut fait.

Notre Sœur X a pu dire quelques mots au pape s’arrêtant près d’elle ; quant à Sœur Y qui ne s’est pas trouvée au 1er rang, c’est le pape lui-même qui l’a regardée et lui a tendu ses mains. Sœur Z a carrément embrassé le pape qui s’est penché vers elle !

Avant la messe de Gethsémani, il fallait arriver de bonne heure pour avoir une place ; et surtout être munis de billets VIP pour avoir une place assise, ce qui n’était pas le cas de tout le monde, loin de là. Nous, on se mettait à l’ombre d’un olivier et on attendait en priant.
Sœur X a réussi à se trouver au passage du pape, à se présenter pour lui dire notre prière.
Les genêts tout en fleurs, jaunes donc, participaient à la fête. J’explique à un policier en faction à côté de nous, que nous sommes si peu nombreux, nous nous connaissons tous et c’est une fête de famille pour nous autour du pape. La papamobile arrive lentement, acclamée par la foule, le pape sourit, les vitres de la papamobile sont baissées. Il peut entendre nos Viva el Papa, Benedetto, Benvenuto !
L’entendre dire dans son homélie avec force « Je ne vous oublie pas », là, à Gethsémani, dans une messe de la RÉSURRECTION, cela va droit au cœur et vraiment nous conforte. Il nous fut d’ailleurs demandé ce que nous aimerions que le pape nous dise et nous avons écrit : « nous conforter, parler aux chrétiens de Terre sainte, nous redonner du courage ».

Mercredi 13 mai : A Bethléem, tout le monde tremble; c’est le lieu des pièges. Nous prions de toutes nos forces pour que le pape soit entendu et compris même s’il nous déroute.
Nous arrivons de bonheur, nous trouvons une place mais pas d’ombre. Les scouts avec leurs fanfares annoncent comme la veille que la papamobile n’est pas loin ! et voilà que la frêle silhouette blanche s’avance lentement et offre ses mains aux enfants déchaînés, parmi eux portant un grande banderole : « Bienvenu au prophète de la Paix, Bienvenu au pape Benoît XVI. »
Ce pape a réussi un tour de force : il n’a condamné personne, il a pris acte de la situation concrète sur place de part et d’autre ; il a relevé le courage de chacun en suscitant des actions dans le réalisme du quotidien ; il a ouvert les esprits et donné des débouchés là où on ne voit plus rien. Et chacun s’il le veut, peut partir avec sa soupape d’air frais, et avancer là où il est.

Jeudi 14 mai : Nous sommes parties la veille pour passer la nuit chez les Clarisses et pour voir se lever à 5 heures du matin de façon à avoir une place au Mont du Précipice.
Enfin le voici, acclamé par 45 000 personnes. La messe se déroule dans une belle ambiance de fête. A la fin de la procession des offrandes, une soliste de la chorale latine s’est approchée du pape pour lui baiser les pieds, elle en est redescendue tout émue. J’ai trouvé impressionnant le moment de silence demandé pour l’action de grâce.

Vendredi 15 mai : Le saint Père prend la route de l’aéroport pour nous quitter à 14 heures.
« Il va nous manquer » confiait l’Abbesse des Clarisses. Oui, pendant quatre jour nous avons vécu à son rythme en courant sur le lieux de son passage ou devant la télévision. Une vision revient : les longs et profonds silences pleins de prière à Yad Vashem, au Kotel, à l’intérieur du Dôme du Rocher, à Bethléem à la Grotte, à Nazareth à la Grotte, au Saint Sépulcre, au Calvaire : impressionnant !!!

Merci, Saint Père, pour votre présence parmi nous, tout confortante, merci de nous avoir accueillis désolés, de n’avoir pas ajouté à l’accablement de chacun, de nous avoir accueillis tels que nous sommes, d’avoir ouvert en nous des espaces nouveaux là où humainement il n’y en a pas. Merci pour les paroles fortes sur lesquelles nous pouvons nous appuyer : « N’ayez pas peur, je ne vous oublie pas ; appuyez sur vos frères et sœurs du monde entier, restez ici ! Je vous confirme dans la foi, votre vie est précieuse aux yeux de Dieu, il y a de la place pour tout le monde à Jérusalem, éduquez les enfants, je viens comme Successeur de Pierre ».

Et voilà Nous avons vécu une semaine d’éternité. Comme les Apôtres à l’Ascension, nous pouvons retourner à Jérusalem, le cœur plein de Lumière au-dedans de nous pour assumer le quotidien d’une autre manière. Le Seigneur est ressuscité, alléluia !