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Ma maison est là où est mon frère

Reprise d'une interviewe de Georg Ratzinger par Angela Ambrogetti en fevrier 2011 (5/1/2014)

>>> Cf.
Monseigneur Georg Ratzinger hospitalisé à Gemelli

Je pense toujours avec un peu d'avance aux articles que je vais publier dans ma rubrique "Benoît" (la colonne de droite de ma page d'accueil), où je reprends - mais pas uniquement - des textes déjà publiés et j'ai sur le bureau de mon ordinateur un dossier créé à cette fin.

Dans les prévisions, il y avait la reprise d'une interviewe de Mgr Georg Ratzinger par Angela Ambrogetti.

Hier matin, nous apprenions que le frère du pape avait été hospitalisé à Gemelli, et que Benoît XVI lui avait rendu visite. Et le soir, que Mgr Georg était sorti de l'hopital.

Parmi les commentaires sur le site de Raffaella, je lis:
«Il est resté aux côtés de son frère de 90 ans durant la brève hospitalisation, il n'a pas voulu le laisser seul parmi des gens qui ne parlent pas sa langue, et dans la tristesse d'une chambre d'hopital ».

Je ne sais pas la provenance de l'information, mais je la crois vraie.

* * *

Voici comment dans son livre-interviewe autobiographique "Mon frère le pape", Mgr Georg raconte la visite que lui fit Benoît XVI à l'hopital Gemelli en aôut 2005:

(...) Au cours de l'été 2005, je crois avoir fait [à mon frère] une grosse peur. C'était le 3 août dans l'après-midi, j'écoutais sur un CD une fugue de la Sonate pour piano de Beethoven lorsque tout s'est mis à tourner autour de moi. Je me suis évanoui un bref instant, et j'ai repris connaissance peu à peu. Lorsque le phénomène s'est répété, au diner, mon frère et toute la tablée ont été très inquiets. Il a demandé à son médecin personnel, le Dr Renato Buzzonetti, de m'ausculter, et celui-ci m'a aussitôt envoyé à la clinique Gemelli de Rome, où l'on m'a posé un pacemaker. J'étais alité lorsqu'on m'a annoncé : « Le Pape vient vous rendre visite ! » La nouvelle a fait l'effet d'une bombe parmi le personnel de l'hôpital, les infirmiers et les médecins. Certains ont dit que c'étaient eux, à présent, qui avaient besoin de soins cardiologiques ! Il a pris l'hélicoptère pour se rendre de Castel Gandolfo à Rome, juste parce que les autorités romaines préféraient cette solution. S'il avait pris la voiture, les mesures de sécurité auraient perturbé la circulation. Je me suis beaucoup réjoui de sa visite, mais bien entendu un pape ne vient jamais seul. Il y avait aussi le préfet, l'archevêque Harvey, et son secrétaire, le Dr Gänswein, toute une petite troupe qui fit de cette visite au malade un grand et digne événement. Nous avons tout de méme pu passer un bon quart d'heure seul à seul avant l'arrivée de la télévision.
(page 288)

     
L'interviewe de Georg Ratzinger par Angela Ambrogetti

Georg Ratzinger: ma maison est là où est mon frère
Angela AMBROGETTI
12 Février 2011
(ma traduction)
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- Quel est le premier souvenir du "petit frère"?
- C'est difficile de répondre, et de se souvenir. De la naissance, je me rappelle peu de choses, nous étions tout petits et même au baptême nous n'étions pas présents parce qu'il a été baptisé tout de suite, et nous les aînés n'étions pas là car il faisait très froid. Et puis dans notre vie quotidienne est arrivé ce bébé si petit, et moi, franchement, je ne savais pas vraiment quoi faire avec ce petit enfant.
Puis, quand nous avons un peu grandi, nous étions les deux garçons, et nous avons beaucoup joué ensemble et fait plein de choses ensemble. Certes, au début j'étais plus lié avec ma sœur parce que nous étions les deux aînés, à la maison, mais au fil des ans j'ai construit un contact plus intense avec le petit frère. Tous les deux, nous construisons la crèche ensemble, et puis parmi les jeux les plus fréquents, il y avait les jeux spirituels, nous disions "jouer au prêtre" et nous y jouions tous les deux, notre soeur n'y participait pas. Nous célébrions la messe et nous avions des chasubles faites pour nous par la couturière de maman. Et à tour de rôle, nous étions le célébrant, ou l'enfant de chœur.
Ensuite, le séminaire, et la passion pour la liturgie, la musique, l'étude ...
Ç'a été une évolution continue. Depuis l'enfance, nous avons vécu avec l'amour pour la liturgie et cela s'est poursuivi au séminaire, mais la musique en dehors de la liturgie ne s'est pas ajoutée. C'était un tout.

- Dans ces années, quand vous étiez enfants, aviez-vous des inquiètudes, ou des craintes, ou des espoirs pour le frère cadet qui suivait son propre chemin?
- Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter. Je me suis toujours intéressé à ce qu'il faisait, à ses projets, mais sereinement.

- Et après la première messe?
- Pendant trois ans, nous avons été séparés, parce qu'en 1947, Joseph s'est rendu à Munich et en 1950 nous nous sommes retrouvés à Freising. Après son ordination, de Novembre 1951 à Octobre 1952, nous étions dans des paroisses voisines, séparées seulement par un parc, à Munich. J'étais à l'église de Saint-Joseph et lui à celle du Très Précieux Sang.
C'est vrai que, surtout, Joseph a accepté de devenir professeur à Bonn pour être utile à la famille. En 1955, nos parents ont déménagé à Freising, et en 1956, notre sœur les a rejoints , et moi, quand j'étais libre, je rejoignais toujours la famille à Freising. Le petit frère était une référence pour tous, il n'était pas un problème.

- Et quand il est devenu évêque et cardinal?
- D'abord, nous étions séparés, quand Joseph était à Bonn, Münster et Tübingen. Puis à la fin nous nous sommes retrouvés à Ratisbonne, moi, pour diriger les Domspatzen et mon frère à l'Université. C'était une période très belle et intense, nous les trois frères et soeur, nous étions réunis. Bien sûr, avec la nomination et le transfert à Munich - mais la distance n'était pas tellement grande - c'est plutôt le manque de temps qui nous a éloignés, parce que Joseph était très occupé comme évêque et cardinal.

- Et le transfert à Rome?
- En effet, cela a été un peu une perte quand ils ont déménagé à Rome, parce que je savais que c'était une grande responsabilité pour mon frère et je savais que nous aurions peu de contacts.
Trois fois par an j'allais à Rome, en particulier l'été, et à Noël, mon frère et ma soeur venaient chez moi, dans sa maison de Pentling, et il y tenait beaucoup, c'était leur maison. Mais surtout, il y avait des rendez-vous fixes, comme l'Ascension, quand mon frère venait en retraite spirituelle, et puis il restait quelques jours à Pentling. En août, nous allions en vacances ensemble, à Bad Hofgastein, à Bressanone, à Linz.

- Pendant la période où vous étiez loin, y a-t-il un épisode particulier que Joseph racontait?
- Le moment le plus beau était toujours l'arrivée du cardinal, qui était de retour dans son pays. Il atterrissait à Munich, Herr Künel allait le chercher, et quand je dirigeais encore le choeur, il y avait un repas de fête. Il marquait le début du séjour et c'était très beau. Et puis après, qand j'ai pris ma retraite, ce dîner s'est déroulé dans ma maison, Lutzengasse, où je vis encore. C'était un véritable rite de l'accueil, même si le choeur ne se produisait plus. Et on mangeait toujours des choses qu'il aime particulièrement.

- Et maintenant, comment le Pape vous accueille-t-il à Rome? Y a-t-il un rite?
- C'est toujours un moment très festif et très solennel lorsque je descend de l'avion. À l'aéroport, on vient me chercher en voiture au pied de la passerelle, avec les voitures de police. Tot le monde est très gentil, et je peux monter en voiture et me rendre directement ici. Et alors je pense à tous ceux qui doivent prendre les transports en commun, et les problèmes avec les bagages, mais moi, j'arrive en grande pompe.
Et puis il y a toujours l'accueil joyeux de la part des Memores, des secrétaires, de Sœur Christine, qui rendent l'accueil très beau. Ensuite, je vais rendre visite à mon frère dans sa chambre. C'est notre première réunion, et c'est pour moi comme rentrer à la maison, quand nous nous racontons les dernières nouvelles.
La maison, c'est la rencontre avec mon frère, où qu'il soit. Et je sens que là, la famille du pape est également devenue ma famille.

- Quelque chose du passé?
- Maria complétait le trio. Depuis qu'elle n'est plus là, il n'y a plus ce trio. Naturellement, sa présence rappelait aussi la présence de nos parents. Même s'ils étaient absents, elle était la personne qui nous faisait penser à eux.

- Et quand vous avez su que votre frère était devenu pape?
- Pendant le conclave, je n'ai jamais pensé que mon frère pourrait devenir pape. D'autres personnes me l'ont demandé, mais j'ai toujours été convaincu que ce n'était pas possible parce qu'il était trop vieux, à présent. Je me rappelais que le pape Jean XXIII avait un an de moins, mais le collège des cardinaux était réduit, alors, le pape Pie XII n'avait pas créé de nouveaux cardinaux, et il y avait un choix limité. Mais en 2005, ce n'était plus le cas, c'est pourquoi je ne m'y attendais vraiment pas.
Puis, quand la nouvelle est arrivée, la toute première réaction a été la tristesse, parce que je savais que le Pape serait transporté hors de sa vie privée et personnelle. Mais je ne savais pas que je pourrais maintenir une relation très étroite avec le Pape et le rencontrer comme je le fais maintenant, avec tous les privilèges que j'ai pour arriver et repartir. J'ai encore toutes les facilités pour rencontrer le Pape comme frère.

- Parlez-vous de la Bavière, a-t-il la nostalgie de la patrie?
- Il n'y a pas une réelle nostalgie. On grandit et on mûrit. Bien sûr, il s'intéresse à Ratisbonne, aux voisins, aux gens qu'il connaissait avant, aux camarades d'études, et ainsi de suite. Il s'y intéresse beaucoup.

- Il y a une curiosité que nous sommes nombreux à partager, le Pape a-t-il toujours des chats?
- Oui, nous aimons beaucoup les chats, quand nous avons déménagé à la Hufschlag (ndt: avec ses parents) nous avions nos chats, et d'autres venaient dans le jardin. Nous aimons les chats, mais maintenant il n'y a que ceux de Pentling.

- Quelle est votre pensée la plus fréquente, pour votre frère?
- Tous les matins, ma pensée pour lui est qu'il puisse avoir la santé et la force, dont il a besoin pour accomplir sa mission.

- Parlons à nouveau de musique: Jouez-vous ensemble, à présent?
- Pas ensemble, parce que je ne peux plus lire la musique, je peux seulement jouer de mémoire.

- Et à quatre mains?
- Nous l'avons fait quand nous étions jeunes, mais pas beaucoup.

- Et le Pape, quel pianiste est-il?
- Il a certainement un grand talent, qu'il n'a pas beaucoup développé, parce qu'il a consacré plus de temps aux livres; quand j'étais là, c'est moi qui jouais, et il était embarrassé, et il ne jouait pas.