Accueil

Saint-Grégoire de Naziance

Rappel de l'extraordinaire catéchèse du 8 août 2007, où Benoît XVI nous livre presque un auto-portrait. Video (2/1/2014)

     

Marie-Anne m'écrit:
"En ce 2 janvier, nous fêtons st Grégoire de Naziance, et j'ai relu la magnifique catéchèse d'août 2007, où notre St Père trace son auto-portrait en parlant de ce saint théologien, devenu évêque malgré lui…"

* * *


J'ai retrouvé sur mon site (benoit-et-moi.fr/2007) ma traduction d'alors (avec mes sous-titres), et transféré la video (un montage d'après le direct de KTO) sur Youtube.

Il y a effectivement beaucoup d'allusions autobiographiques, qui aujourd'hui résonnent différemment d'alors, et que nous n'avions peut-être pas toutes comprises, comme par exemple:

¤ on peut aussi imaginer que cet homme, qui était tellement tenté d'aller au-delà de la terre, a beaucoup souffert par les choses de ce monde.
¤ la solitude, la méditation philosophique et spirituelle, le fascinaient.
¤
il reçut l'ordination sacerdotale avec une certaine réticence, parce qu'il savait qu'il lui faudrait ensuite faire le pasteur, s'occuper des autres, de leurs affaires, et donc ne plus pouvoir se recueillir dans la méditation pure.
¤ Mais aussitôt, une forte opposition se ligua contre lui, jusqu'à ce que la situation devînt insoutenable. Pour une âme sensible comme la sienne, ces inimitiés étaient insupportables
...

     

Grégoire de Naziance

Mercredi dernier, j'ai parlé d'un grand maître de la foi, le "père de l'Eglise" Saint-Basile. Aujourd'hui, je voudrais parler de son ami Grégoire de Naziance, comme lui originaire de la Cappadocie. Ilustre théologien, orateur, prédicateur de la foi chrétienne au IVème siècle, il fut célèbre pour son éloquence, et eut aussi, comme poète, une âme raffinée et sensible.

1. Une grande amitié
Grégoire nacquit dans une famille noble. Sa mère le consacra à Dieu dès sa naissance, autour de 330. Après la première éducation familière, il fréquenta les plus célèbres écoles de son époque: d'abord à Césarée de Cappadocie, où il se lia d'amitié avec Basile, futur évêque de cette ville, puis il s'installa dans d'autres villes du monde antique, comme Alexandrie, en Egypte, et surtout Athènes, où il rencontra de nouveau Basile... Evoquant cette amitié, Grégoire écrira plus tard:
"Je n'étais pas seul à ressentir de la vénération envers mon grand Basile, pour le sérieux de ses moeurs, pour la maturité et la sagesse de ses discours, mais je poussais d'autres, qui ne le connaissaient pas encore à faire de même... nous étions guidés par la même soif de savoir... telle était notre compétition: non pas à celui qui était le premier, mais à celui qui permettrait à l'autre de le devenir. Il semblait que nous ayions une âme unique en deux corps".
Ces mots font un un peu office d'auto-portrait à cette âme noble. Mais on peut aussi imaginer que cet homme, qui était tellement tenté d'aller au-delà de la terre, a beaucoup souffert par les choses de ce monde.

2. le miroir immaculé des choses divines
De retour chez lui, Grégoire reçut le baptême, et s'orienta vers la vie monastique: la solitude, la méditation philosophique et spirituelle, le fascinaient. Lui-même écrira: "Nul ne me semblait plus grand que cela: imposer silence à ses propres sens, sortir de la "chair du monde", se recueillir en soi-même, ne plus s'occuper des choses humaines, sinon des nécessités immédiates, parler avec soi-même, et avec Dieu, mener une vie qui transcende les choses visibles; porter dans son âme des images divines toujours pures, sans se mêler de choses terrestres ou erronées; être vraiment le miroir immaculé des choses divines, et le devenant toujours davantage, prenant la lumière de la lumière...; jouir, dans l'espérance présente, du bien futur, et converser avec les anges; avoir déjà pris congé de la terre, tout en restant sur la terre, transporté en haut avec l'esprit."

3. Là où il ne voulait pas aller
Comme il le confie dans son autobiographie, il reçut l'ordination sacerdotale avec une certaine réticence, parce qu'il savait qu'il lui faudrait ensuite faire le pasteur, s'occuper des autres, de leurs affaires, et donc ne plus pouvoir se recueillir dans la méditation pure: pourtant, il accepta cette vocation, et assuma le ministère pastoral en pleine obéissance, acceptant, comme cela lui arriva souvent dans sa vie, de se laisser porter par la providence là où il ne voulait pas aller. En 371, son ami Basile, évêque de Césarée, contre la volonté du même Grégoire, voulut le consacrer évêque de Sasime, un pays d'une importance stratégique de Cappadocie. Lui, cependant, pour diverses raisons, ne prit jamais possession de cette charge, et resta dans la ville de Naziance.

4. Cinq discours splendides et fascinants
Vers 379, Grégoire fut appelé à Constantinople, la capitale, afin de guider la petite communauté catholique fidèle au Concile de Nicée et à la foi en la Trinité. La majorité, à l'inverse, adhérait à l'arianisme, qui était "politiquement correct" et considéré comme politiquement utile à l'Empereur. Ainsi, il se trouva en position de minorité, entouré d'hostilité. Dans la petite église d'Anastasis, il prononça cinq discours théologiques, précisément pour défendre et rendre intelligible la foi trinitaire. Ce sont des discours demeurés célèbres, pour la fermeté de la doctrine, l'habilité du raisonnement, qui fait vraiment comprendre la logique divine. Et aussi la splendeur de la forme les rendent fascinants aujourd'hui encore. A cause de ces discours, Grégoire reçut la dénomination de "théologien". C'est ainsi qu'on l'appelle dans l'Eglise orthodoxe: le théologien. Et ceci parce que, pour lui, la théologie n'est pas une relation purement humaine, et encore moins le fruit de spéculations compliquées, mais elle dérive d'une vie de prière et de sainteté, d'un dialogue assidu avec Dieu. Et ainsi, elle fait apparaître à notre raison la réalité de Dieu, le mystère de la trinité. Dans le silence contemplatif, saisi de stupeur devant les merveilles du mystère révélé, l'âme accueille la beauté et la gloire divine.

5. D'insupportables inimitiés
Alors qu'il participait au second Concile Oecuménique de 381, Grégoire fut élu évêque de Constantinople, et assuma la présidence du Concile. Mais aussitôt, une forte opposition se ligua contre lui, jusqu'à ce que la situation devînt insoutenable. Pour une âme sensible comme la sienne, ces inimitiés étaient insupportables. Ce dont Grégoire s'était déjà plaint précédemment avec des paroles affligées se renouvelait: "Nous avons divisé le Christ, nous qui aimions tant Dieu, et le Christ. Nous nous sommes menti les uns aux autres, au nom de la vérité, nous avons nourri des sentiments de haine à cause de l'amour, nous nous sommes divisés!".
Dans un climat de tension, on arriva ainsi à sa démission. Dans la cathédrale archi-comble, Grégoire prononça un discours d'adieu de grand effet, plein de dignité. Il conclut son intervention peinée par ces mots: "Adieu, grande ville ... aimé du Christ... Mes enfants, je vous en supplie, gardez le dépôt [de la foi] qui vous a été confié, rappelez-vous de mes souffrances. Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous!".

6. Le chemin exemplaire d'un chrétien souffrant
Il s'en revient à Naziance, et, pendant deux années, il se consacra au soin pastoral de cette communauté chrétienne. Puis il se retira définitivement dans la solitude près d'Ariance, sa terre natale, se consacrant à l'étude et à la vie ascétique. Durant cette période, il composa la majeure partie de son oeuvre poétique, surtout autobiographique: "De vita sua", une relecture en vers de son propre itinéraire humain et spirituel, un chemin exemplaire d'un chrétien souffrant, d'un homme plein d'intériorité dans un monde de conflits. C'est un homme qui nous fait sentir la primauté de Dieu, et pour cette raison s'adresse aussi à nous, à notre monde: sans Dieu, l'homme perd sa grandeur, sans Dieu, il n'y a pas de vrai humanisme. Ecoutons donc sa voix, et cherchons à connaître nous aussi le visage de Dieu. Dans une de ses poésies, il avait écrit, s'adressant à Dieu: "Sois bienveillant, Toi, l'Au-delà de tout".
Et en 390, Dieu accueillait entre ses bras ce serviteur fidèle, qui, avec une intelligence aigüe, l'avait défendu dans ses écrits, et qui, avec tant d'amour, l'avait chanté dans ses poésies"