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Environnement:l'Eglise cède aux pressions du monde

Une très intéressante réflexion de Riccardo Cascioli, sur la Bussola, au sujet de la publication par la CEI d'un document sur l'environnement (1er/9/2014)

Sa publication coïncide avec la Journée pour la Sauvegarde de la Création (Giornata per la salvaguardia del creato), une initiative de la Conférence des évêques d'Italie, remontant à 2006, en collaboration avec les autres "communautés ecclésiales" européennes, qui est "célébrée" chaque année le 1er septembre.
Il convient de souligner que le terme "salvaguardia" (sauvegarde) utilisé comme traduction du mot anglais "integrity" a été replacé en 2013 par "custodia" (garde).

La prochaine encyclique sur l'environnement

Le 18 août dernier, dans l'avion de retour de Corée, à une question du journaliste allemand Jürgen Erbacher sur la publication prochaine d'une encyclique sur l'environnement, le Pape répondait:

Cette Encyclique… J’ai parlé beaucoup avec le Cardinal Turkson et avec d’autres, et j’ai demandé au Cardinal Turkson de recueillir toutes les contributions qui sont arrivées. Et avant le voyage, une semaine auparavant, non, quatre jours avant, le Cardinal Turkson m’a remis la première mouture. La première mouture est grosse comme ça… Je dirais que ça dépasse d’un tiers le volume d’Evangelii gaudium ! C’est la première mouture. Mais à présent, c’est un problème pas facile, parce que sur la sauvegarde de la création, l’écologie, l’écologie humaine aussi, on peut parler avec une certaine assurance jusqu’à un point donné. Puis, arrivent les hypothèses scientifiques, dont quelques unes sont sûres, d’autres non. Et une Encyclique de ce genre, qui doit être magistrale, doit se fonder seulement sur les certitudes, sur les choses qui sont sûres. Parce que, si le Pape dit que le centre de l’univers est la terre et non le soleil, il se trompe, parce qu’il dit une chose qui doit être scientifique ; et ainsi, ça ne va pas. C’est ce qui se passe maintenant. Nous devons étudier, numéro par numéro ; et je crois qu’elle deviendra plus petite. Mais, on ira à l’essentiel et à ce qui peut s’affirmer avec certitude. On peut dire en note de pied de page, « sur ce point, il y cette hypothèse, celle-ci, celle-là… », le dire comme information, mais pas dans le corps d’une Encyclique, qui est doctrinale et doit être sûre.
(http://w2.vatican.va)

Le sujet est effectivement hautement sensible car les pressions sur l'Eglise sont énormes [1] (mais est-ce bien une priorité pour elle?... à moins que l'encyclique n'aborde, dans le cadre de l'écologie humaine, le thème bien plus urgent du "gender").
Le pape se montre bien conscient que c'est le Magistère suprême qui est en jeu.
A lui de prendre de la hauteur et ne pas se contenter d'entériner les diktats de l'idéologie dominante.
Comme semblent malheureusement le faire les évêques italiens, au moins si l'on en croit Riccardo Cascioli, le directeur de la Bussola.

     

QUAND LES ÉVÊQUES SE FONT ECOLOGISTES
Riccardo Cascioli
http://www.lanuovabq.it/it/articoli-quando-i-vescovi-fanno-gli-ambientalisti-10196.htm
01/09/2014
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On dit «Création», mais la fin, on prononce toujours «environnement».
C'est dans le domaine de l'écologie, en effet, que se manifeste de façon évidente la subordination culturelle des catholiques à la mentalité du monde, c'est-à-dire aux idéologies dominantes. Un exemple supplémentaire est donné par le message de la Conférence épiscopale italienne pour la Journée de sauvegarde de la Création, célébrée aujourd'hui, 1er Septembre.

Le thème de cette année est «Eduquer à la création de la création , pour la santé de nos pays et de nos villes» (texte à télécharger ici) .

Le fait est que désormais, depuis un certain temps, chaque fois qu'on parle de problèmes environnementaux, invariablement, on part d'une référence biblique à la Création, pour donner l'impression d'une perspective chrétienne, puis on aborde le fond des problèmes en assumant tel quel les critères idéologiques du moment. Comme si le fait qu'il existe un Créateur ne devait pas suggérer un critère original pour aborder ce problème, mais se limitait plutôt à donner un coup de pouce moral, finissant ensuite inévitablement dans le moralisme («Parce que nous sommes chrétiens, nous devons aussi nous préoccuper de l'environnement et faire ... »).

La première mystification est d'utiliser comme synonymes «Création» et «environnement», qui sont au contraire deux termes qui ont derrière eux deux conceptions diamétralement opposées de la relation entre l'homme et le monde qui l'entoure (et Dieu, naturellement).
Dans la culture qui prévaut aujourd'hui, quand on parle d'environnement, on parle d'un système avec son équilibre naturel qui resterait immuable si, malheureusement, l'homme n'intervenait pas, apportant des ravages par sa conduite imprudente. Dans ce cadre prévaut une conception négative de l'homme, dont la présence - à la fois quantitative et qualitative - doit être tenue en respect (moins de naissances dans les pays pauvres, moins de consommation dans les pays riches). Ce n'est pas un hasard si l'on parle toujours de défense de l'environnement: si on doit défendre, cela signifie qu'il y a un agresseur, et telle est en effet la conception que l'on a de l'homme. Qu'aujourd'hui ,nous trouvons de façon implicite également dans la plupart des documents de l'Église.

Et pourtant, l'anthropologie chrétienne est complètement différente: elle met au contraire l'homme au sommet de la Création de sorte que «tout est pour l'homme, mais l'homme est pour Dieu». La reconnaissance d'un Créateur est décisive, l'homme avec son travail, collabore donc à la Création et c'est dans ce sens que doit être compris le terme «garde» (custodia) ou «sauvegarde» de la Création: ne pas conserver les choses comme elles sont, mais les rendre meilleures. Il est vrai que souvent, les hommes utilisent mal leur liberté, et font le mal, mais dans le concept de Création est reconnue d'abord et avant tout la vocation pour le bien que l'homme a en lui.

De ce malentendu découlent alors une série de conséquences malheureuses. Dans le document de la CEI, par exemple, on trouve le mythe de «durabilité». Ainsi, nous serions appelés à «garantir un environnement durable». Ceux qui ont écrit le document ignorent probablement - même si cela ne les absout pas - l'origine de ce concept, qui est né justement pour justifier d'un point de vue «scientifique» la nécessité de mettre l'homme sous contrôle. Il suffit de lire le rapport de la Commission Brundtland (“Our Common Future”, notre avenir commun, voir fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Brundtland) qui en 1987 a officiellement défini ce concept: il est évident ici que le but, purement idéologique, est de justifier des politiques de contrôle des naissances et de réduire la consommation.

Et encore, on présente une fois de plus le schéma selon lequel la crise écologique est le résultat du développement. Mais la réalité démontre exactement le contraire: il est vrai que dans les pays développés aussi, il y a des problèmes, notamment liés à la culture du «profit comme seule loi», mais dans l'ensemble, tous les indicateurs nous disent que là où il y a développement, les conditions environnementales sont bien meilleures, et constamment en progrès, par rapport aux pays sous-développés. Par développement, on n'entend pas seulement l'amélioration des conditions économiques, mais une combinaison de facteurs qui incluent, entre autres, l'éducation, la santé, l'état de droit. Ce n'est pas un hasard si certains phénomènes flagrants de criminalité environnementale - voir en Italie la Terre des feux - surviennent plus facilement dans les zones les plus arriérées, ou là où la présence du crime organisé est la plus forte .

Enfin, il faut souligner à quel point dans le document de le CEI, des clichés sont répétés, comme la récurrence d'événements climatiques extrêmes, et les termes scientifiquement inexistants comme «bombes d'eau», rien que pour suggérer l'idée que nous vivons des changements climatiques sans précédent, provoqués par l'homme. Il n'en est rien et nous l'avons démontré à plusieurs reprises [dans ces pages]: s'il y a une responsabilité de l'homme, elle est dans les conséquences qu'ont certains événements, parce que nous oublions l'histoire du territoire dans lequel nous vivons et que nous avons cessé de prendre soin de sa «manutation».
Face à la crue d'un fleuve, il est beaucoup plus facile de s'en prendre aux changements climatiques (et de mettre ensuite des panneaux solaires, pensant ainsi sauver la planète) que de reconnaître qu'on n'a pas nettoyé le lit de la rivière, qu'on n'a pas entretenu le réseau des eaux usées, qu'on n'a pas renforcé les digues, qu'on construit trop là où ne devrait pas, et ainsi de suite.

C'est une vieille histoire, mais trouver toujours les mêmes faux arguments, jusque dans les documents ecclésiaux, cela suscite une certaine tristesse.

Note

(1) Voir à ce sujet cet article datant de 2007 (http://beatriceweb.eu).
A l'époque, l'Avvenire (justement le journal de la CEI) écrivait que "Le Saint-Siège n'entend pas se contenter d'amplifier les alarmes sur le climat, lancées quotidiennement par des organisations internationales ou des gouvernements, en dépit de pressions considérables dans ce sens".

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