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John Allen raconte son Synode

Il ne voit évidemment pas les choses comme Antonio Socci... mais il confirme l'aspect conflictuel et annonce des lendemains difficiles pour le pape (22/10/2014)

Attention, c'est trompeur. Son récit, comme d'habitude très distancié, a l'air aussi neutre et factuel qu'une photocopie (et dans l'ensemble fidèle aux faits), mais il est quand même orienté, comme cela apparaît particulièrement dans le §3.

     

BIEN QUE DRAMATIQUE, LE SYNODE DE 2014 N'ÉTAIT QU'UN DÉBUT
www.cruxnow.com
Traduction Anna
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Tandis que la poussière commence à se déposer sur le tumultueux Synode des Evêques sur la famille, les conclusions s'envolent sur la signification de tout cela.
Au vu des nettes divisions qui ont partagé l'Assemblée, il n'est pas surprenant que les interprétations après coup divergent aussi largement.

. Pour les uns, le résultat a été une défaite pour le Pape François et sa ligne de plus grande ouverture sur des sujets tels que les gays et les divorcés remariés.
. Pour d'autres, le fait que, même dans un langage atténué, ces points aient survécu dans le document final du synode, représente un tournant, bien que, comme l'a affirmé le cardinal Vincent Nichols de Westminster dans le Royaume-Uni, ils pensent «qu'il n'est pas allé assez loin».
. Ceux qui sont pour permettre aux Catholiques qui divorcent et se remarient hors de l'Eglise de recevoir la Communion affirment qu'il s'agit d'une avancée en vue d'un examen ultérieur du problème, puisque les précédents documents du Vatican avaient complètement fermé la porte.
. Quelques-uns pensent que la rencontre de deux semaines ressemble à un feuilleton (soap opera) - avec les conservateurs se plaignant d'un complot pour étouffer leurs voix et les libéraux râlant pour un manque de courage - et suggérant que François a libéré des forces qu'il ne peut pas contrôler.
«Je ne crois pas qu'il soit un vrai stratège», a déclaré un cardinal à Crux dimanche soir. «Je croyais qu'il y avait un plan derrière le chaos.. . Maintenant je me demande si le chaos n'était pas le plan».
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D'autres pensent que ce synode était la première salve de la vision de François pour le futur. Il sait maintenant où se positionnent les évêques du monde, disent-ils, et peut-être de quoi il a besoin pour les entraîner.

Au-delà des visions concurrentes, voici trois conclusions raisonnablement objectives sur le Synode des Evêques de 2014.


1. Ce n'est pas la fin, c'est juste un début.
Dès le début, le Synode de 2014 était conçu pour n'être que la préparation d'un 'agenda' en vue du plus large synode des Evêques sur la famille convoqué par le Pape François en octobre 2015.
Entre autre, c'est pourquoi voir une fissure, samedi soir, dans le «rejet» par les évêques des deux paragraphes dans le document final qui n'ont pas obtenu les deux tiers des votes, un sur les gays et l'autre sur les divorcés remariés, était une erreur d'analyse (??). En réalité, le but de la rencontre n'était pas d'«accepter» ou de «rejeter» quoi que ce soit.
D'ici l'an prochain, François fera probablement quelques mouvements personnels importants susceptibles d'altérer le caractère de la prochaine assemblée.
D'abord, le cardinal américain Raymond Burke, qui s'est posé comme le leader des forces conservatrices durant le synode, ne sera probablement pas présent au prochain car il va être remplacé à la tête du tribunal suprême du Vatican.
Il est possible aussi que le cardinal allemand Gerhard Müller, autre voix fortement conservatrice du synode, ne soit plus à la tête du plus important Office doctrinaire du Vatican en octobre 2015. Selon celui qui en prendra la relève, cela aussi pourra changer l'alchimie.

D'une façon générale si le plan du pape de simplifier le Vatican en éliminant ou renforçant quelques départements est mis en place, il pourrait y avoir peu de responsables romains lors du prochain synode.
De la même manière le cardinal allemand à la retraite Walter Kasper, principal protagoniste de la ligne permissive de la Communion aux divorcés remariés, n'était présent à ce Synode que par invitation spéciale du pape. Et il n'est pas sûr qu'il y sera de nouveau, surtout après une controverse accidentelle concernant les africains «qui ne doivent pas nous dire ce qu'il faut faire».

De leur côté, les Africains étaient surpris qu'aucun d'eux ne soit nommé aux groupes de rédaction du document final, et il est probable qu'ils n'attendront pas d'être à Rome la prochaine fois pour faire savoir qu'ils s'attendent à une place à la table dès le début.

En d'autres termes, ne croyez pas qu'en posant les mêmes questions au synode l'année prochaine, François obtiendra les mêmes réponses. Pour utiliser une analogie avec le graveur de DVD, le prochain synode ne sera pas un rembobinage mais une avance rapide.


2. Le synode de 2014 a marqué une belle victoire de la transparence.
Le crédit peut en être attribué aux conservateurs.

Au début, le cardinal italien Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du synode, avait annoncé que les textes des discussions des évêques ne seraient pas diffusés et que les porte-parole du Vatican ne fourniraient à la presse que des aperçus génériques sans mentionner les noms des orateurs. Cela a conduit à des protestations grandissantes de la part des conservateurs, soupçonnant une tentative de faire taire les critiques de la part de quelques figures-clé de la ligne libérale du synode.
Le mécontentement a explosé publiquement lundi, avec un rapport intermédiaire contenant des propos très positifs au sujet des gays, des personnes vivant ensemble en dehors du mariage, et des divorcés et remariés. Les conservateurs ont objecté, avec raison, que le rapport était présenté comme la conclusion de tout le synode, alors que tout le monde n'était pas d'accord.
A partir de ce moment, les choses ont commencé à devenir progressivement plus ouvertes. Baldisseri a été contraint de publier tous les rapports internes des 10 petits groupes (circuli minores) du synode et finalement François a décidé de publier non seulement le document final, mais aussi la votation totale de chaque paragraphe, et dans un temps record.
Il semble probable que le prochain synode sera beaucoup plus transparent dès le début, car personne ne voudra que cela se reproduise à nouveau.
(A noter, on peut aussi raisonnablement parier que quelques prélats vont discrètement suggérer à François d'assigner Baldisseri à une autre tâche, sa performance n'ayant pas fait l'unanimité).


3. François ne craque pas dans les grands moments.
Il a fait un discours à la fin du synode que presque tout le monde s'accorde à considérer comme l'un des meilleurs de son Pontificat (???). Il a offert l'image d'un pontife modéré (??) et exhorté l'Eglise à éviter autant le «raidissemnt hostile» qu'une «fausse miséricorde», suscitant des applaudissement nourris même de la part de ces prélats qui s'étaient presque égorgés, métaphoriquement parlant.
C'était en effet le genre de discours après lequel Raymond Burke et Walter Kasper pouvaient sentir que le pape les avait compris, et qui permettait à deux semaines de tension parfois difficile de finir sur une note positive.

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Aussi bien que cela se soit passé, ce n'est rien face au défi de garder l'Eglise ensemble, à mesure que les choses progressent.
Samedi soir François n'avait qu'à apaiser les sentiments à l'issue d'un débat agité de deux semaines qui n'a finalement rien réglé. La prochaine fois il ne suffira peut-être pas de remercier les évêques de s'être exprimés, car les gens s'attendront à ce que François prenne des décisions.
Pour l'instant, l'appel du pape «à l'unité et à l'harmonie» semble avoir trouver un écho, mais la question est de savoir si les gens seront encore enclins à l'écouter quand François arrêtera de recueillir des avis pour commencer à agir.

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