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Le Pape s'adresse à ses "frères" pentecôtistes

Ma traduction du discours de Caserte, qui mériterait une large diffusion (30/7/2014, mise à jour)

>>> Galerie photos: www.photogallery.va/content/photogallery/it/eventi/caserta-pentecostali

     

VISITE PRIVEE DU PAPE A CASERTE
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Cité du Vatican, 28 juillet 2014 (VIS). Comme annoncé, après avoir effectué samedi une visite pastorale au diocèse, le Saint-Père s'est à nouveau rendu ce matin à Caserta (Italie), mais pour une visite privée à son ami le Pasteur évangélique Giovanni Traettino et à sa communauté de la Réconciliation. Arrivé par hélicoptère à 10 h 15', il s'est d'abord rendu au domicile de son hôte puis a rencontré la communauté dans ses locaux en cours construction. Après le déjeuner en commun, il regagnera le Vatican dans l'après-midi.

     

J'ai eu la curiosité de lire le discours que le Pape a prononcé devant les évangélistes de Caserta, chez son ami le pasteur Giovanni Traettino, et je me suis dit qu'il valait la peine de faire partager ma lecture... je l'ai donc traduit (les maladresses d'expression ne sont pas forcément de moi...).

Il appelle sans aucun doute des commentaires, que je laisse à l'appréciation de chacun.
Je me contente de quelques remarques "à chaud".

La première chose qui frappe, c'est que ce qui devait être une visite strictement privée se retrouve être largement médiatisée, ayant même (ce qui est assez stupéfiant!) les honneurs du site du Vatican; le discours (inhabituellement long) de François, pour le moment disponible en italien, est ainsi promu au rang de magistère papal.

Le deuxième point, c'est que le pape sait très bien s'adapter à son auditoire (à moins que ce ne soit sa pensée profonde): à lire le texte ci-dessous, on a plus l'impression d'entendre un pasteur évangélique qu'un prêtre catholique, encore moins un Pape. Est-ce un phénomène de mimétisme (puisqu'il répondait au discours de son "frère bien-aimé" Giovanni Traettino)?

Troisième point: les irénistes qui croient que le pape a l'intention de "convertir" les évangéliques doivent se rendre à l'évidence: rien de tel n'émerge de ce discours.

Quatrième point: Le mot 'catholique' ou 'catholicisme' n'apparaît pas, sauf pour condamner les catholiques qui ont commis des actes "infâmes" sous le régime de Mussolini. Un fait historique par ailleurs à vérifier - et le Pape a-t-il cédé à une exigence précise de son ami pasteur?
Et à quoi rime cette furie de repentance, pour un fait qui ne concerne absolument pas ce Pape (et même pas les catholiques, mais un régime politique spécifique), qui aime décidément battre sa coulpe sur la poitrine des autres (cf. sa demande de pardon aux victimes des actes pédophiles de la part de prêtres).
Il m'est revenu à l'esprit ce que disait Benoît XVI aux prêtres polonais:
«Il faut toutefois se garder de la prétention de s'ériger avec arrogance au rang de juges des générations précédentes, qui ont vécu en d'autres temps et en d'autres circonstances. Il faut une humble sincérité pour ne pas nier les péchés du passé, et toutefois ne pas tomber dans des accusations faciles en absence de preuves réelles ou en ignorant les différents préjugés de l'époque».

Un dernier point, c'est l'allusion extrêmement habile au concept d'«unité dans la diversité» - ce concept d'Oscar Cullman qu'un hasard m'a fait découvrir il y a deux jours en tradusant un texte de Joseph Ratzinger sur l'oecuménisme. François le reprend à son compte, sans citer la source, et les "continuistes" auront beau jeu de dire que les deux papes ont exactement la même conception de l'oecuménisme, puisqu'ils se réfèrent aux mêmes sources. Mais il suffit de lire attentivement le texte de Joseph Ratzinger, et surtout de voir comment il a réalisé l'oecuménisme au cours de son pontificat (certes pas avec les pentecôtistes, même s'il peut avoir reçu ici et là, loin de projecteurs, certains de leurs représentants), pour constater que leurs conceptions sont en réalité radicalement opposées.

     

(Original en italien: w2.vatican.va)
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Bonjour, frères et sœurs.

Mon frère le pasteur Giovanni (Traettino) a commencé en parlant du centre de notre vie: être dans la présence de Jésus. Et puis il a dit «marcher» en présence de Jésus. Et c'est le premier commandement que Dieu a donné à son peuple, à notre père Abraham: «Va, marche en ma présence et sois irréprochable». Et le peuple a marché: quelquefois en présence du Seigneur, de nombreuses fois pas en présence du Seigneur. Il ont choisi les idoles, les dieux ... Mais le Seigneur a de la patience. Il a de la patience avec le peuple qui marche. Moi, je ne comprends pas un chrétien à l'arrêt! Un chrétien qui ne marche pas, je ne le comprends pas! Le chrétien doit marcher! Il y a des chrétiens qui marchent, mais pas en présence de Jésus, nous devons prier pour ces frères. Pour nous aussi, quand à certains moments, nous ne marchons pas en présence de Jésus, parce que nous aussi nous sommes tous pécheurs, tous! Si quelqu'un n'est pas un pécheur, qu'il lève la main.
Marcher dans la présence de Jésus
Des chrétiens à l'arrêt: cela fait mal, parce que ce qui est à l'arrêt, ce qui ne marche pas, se corrompt. Comme l'eau qui s'arrête (stagnante), qui est la première eau à être corrompue, l'eau qui ne coule pas ... Il y a des chrétiens qui confondent "marcher" avec "tourner". Ce ne sont pas des "marcheurs", ce sont des "errants" et il courent ça et là dans la vie. Ils sont dans le labyrinthe, et ils errent, ils errent ... Il leur manque la 'parresia', l'audace pour aller de l'avant; il leur manque l'espérance. Les chrétiens qui n'ont pas d'espérance tournent dans la vie; ils ne sont pas capables d'aller de l'avant. Nous sommes sûrs seulement quand nous marchons dans la présence du Seigneur Jésus, Il nous éclaire, Il nous donne son Esprit pour marcher bien.
[Avec tout le respect dû au Pape, à ce point, on ne voit pas bien où il veut en venir. Ici, c'est lui qui "tourne". Et on se demande qui sont ces mystérieux chrétiens qui refusent de marcher et s'entêtent à "tourner": serait-ce certains catholiques?]

Je pense au petit-fils d'Abraham, Jacob. Il était tranquille, là, avec ses fils; mais à un certain moment est venue la famine et il a dit à ses fils, à ses 11 fils, dont 10 étaient coupables de trahison, ils avaient vendu leur frère: «Allez en Egypte, marchez jusque là-bas pour acheter de la nourriture, parce que nous avons l'argent, mais nous n'avons pas de nourriture. Prenez l'argent et achetez-en là-bas, où on dit qu'il y en a». Et ceux-ci se sont mis en route: et au lieu de trouver de la nourriture, ils ont trouvé un frère! Et ceci est très beau!

Quand on marche dans la présence de Dieu, on trouve cette fraternité. Mais quand nous nous arrêtons, que nous nous regardons trop l'un l'autre, on trouve un autre chemin ... mauvais, mauvais! Le chemin du commérage. Et on commence: «Mais toi, tu ne sais pas?». «Non, non, je ne le sais pas de toi. Je le sais d'un tel ... »; «Je suis pour Paul.. Je suis pour Apollo... pour Pierre»....
Et ainsi ils commencent, c'est comme ça que dès le premier moment a commencé la division dans l'Eglise. Et ce n'est l'Esprit Saint qui fait la division! Il fait une chose qui lui ressemble assez, mais pas la division. Ce n'est le Seigneur Jésus qui fait la division! Celui qui fait la division, c'est justement l'Envieux, le roi de l'envie, le père de l'envie: le semeur de discorde, Satan. Celui-ci s'immisce dans les communautés et fait les divisions, toujours! Depuis le premier moment, le premier moment du christianisme, dans la communauté chrétienne il y avait cette tentation. «Je suis pour celui-ci... je suis pour celui-là... Non! Je suis l'Église, tu es la secte» (!!!)... Et ainsi, celui qui y gagne, c'est le père de la division. Pas le Seigneur Jésus, qui a prié pour l'unité (Jn 17), il a prié!

Que fait l'Esprit saint? J'ai dit qu'il fait une autre chose, dont peut-être on peut penser que c'est la division, mais qui ne l'est pas. L' Esprit Saint fait la «diversité» dans l'Église. La Première Lettre aux Corinthiens, chapitre 12. Lui fait la diversité! Et vraiment, cette diversité est si riche, si belle. Mais ensuite, le même Esprit Saint fait l'unité, et ainsi l'Eglise est "une" dans la diversité. Et, pour utiliser une belle parole d'un évangélique (?) que je t'aime beaucoup, une «diversité réconciliée» par le Saint-Esprit. Il fait les deux: il fait la diversité des charismes et ensuite l'harmonie des charismes. Pour cette raison, les premiers théologiens de l'Église, les premiers pères - je parle du IIIe ou du IVe siècle - disaient: «L'Esprit Saint, Lui est l'harmonie», parce qu'il fait cette unité harmonique dans la diversité.

Nous sommes dans l'époque de la mondialisation, et nous pensons à ce qu'est la mondialisation et ce que serait l'unité dans l'Église: peut-être une sphère, où tous les points sont équidistants du centre, tous égaux? Non! Ça, c'est l'uniformité. Et l'Esprit Saint ne fait pas l'uniformité! Quelle forme pouvons-nous faire? Pensons au polyèdre [(1)]: le polyèdre est une unité, mais avec toutes les parties différentes; chacune a ses propres particularités, son charisme. Ça, c'est l'unité dans la diversité. C'est sur cette route que nous, chrétiens, faisons ce que nous appelons du nom théologique d'œcuménisme: nous essayons de faire en sorte que cette diversité soit plus harmonisée par l'Esprit Saint et devienne unité; nous essayons de marcher en présence de Dieu pour être irréprochables; nous essayons d'aller trouver la nourriture dont nous avons besoin pour retrouver notre frère. C'est notre défi, c'est notre beauté chrétienne! Je me réfère à ce que mon frère bien-aimé (le pasteur Traettino) a dit plus tôt.

Ensuite, il a parlé d'autre chose, de l'Incarnation du Seigneur. L'apôtre Jean est clair: «Celui qui dit que le Verbe n'est pas venu dans la chair, n'est pas de Dieu! Il est du diable». Il n'est pas des nôtres, c'est l'ennemi! Parce qu'il y a eu la première hérésie - disons le mot entre nous (ndt: façon de parler, vu que cela figure sur le site du Vatican) - et c'est celle-là que l'apôtre condamne: que le Verbe ne soit pas venu dans la chair. Non! L'incarnation du Verbe est à la base! C'est Jésus-Christ! Dieu et homme, Fils de Dieu et Fils de l'homme, vrai Dieu et vrai homme. Et c'est ainsi que l'ont compris les premiers chrétiens et ils ont dû se battre tellement, tellement, tellement, pour garder cette vérité: le Seigneur est Dieu et homme; Le Seigneur Jésus est Dieu fait chair. C'est le mystère de la chair du Christ: on ne comprend pas l'amour pour le prochain, on ne comprend pas l'amour pour le frère, si on ne comprend pas ce mystère de l'Incarnation. J'aime mon frère parce que lui aussi est le Christ, il est comme le Christ, il est la chair du Christ. J'aime le pauvre, la veuve, l'esclave, celui qui est en prison ... Pensons au «protocole» sur lequel nous serons jugés: Matthieu 25. Je les aime tous, parce que ces personnes qui souffrent sont la chair du Christ, et à nous qui sommes sur cette route de l'unité, cela fera du bien de toucher la chair du Christ. Aller vers les périphéries, là où il y a tellement de besoins, ou - disons-le mieux - il y a tellement de nécessiteux, tellement de pauvres ... aussi pauvres de Dieu, qui ont faim - mais pas de pain, ils en ont tellement, du pain - de Dieu! Et y aller, pour dire cette vérité: que Jésus-Christ est le Seigneur et qu'Il te sauve. Mais toujours aller toucher la chair du Christ! On ne peut pas prêcher un Évangile purement intellectuel: l'Evangile est vérité, mais il est aussi amour, il est aussi beauté! Et c'est la joie de l'Evangile! C'est justement la joie de l'Évangile.

Dans ce chemin, nous avons fait tant de fois la même chose que les frères de Joseph, quand la jalousie et l'envie nous ont divisés. Ils sont arrivés d'abord à vouloir tuer leur frère - Ruben a réussi à le sauver - et puis à le vendre.

Le frère Giovanni (Traettino) a lui aussi parlé de cette triste histoire. Cette triste histoire dans laquelle l'Evangile, pour certains, était vécu comme une vérité, et ils ne se rendaient pas compte que derrière cette attitude il y avait de mauvaises choses, des choses pas du Seigneur, une mauvaise tentation de division. Cette triste histoire, dans laquelle on a fait la même chose que les frères de Joseph: la dénonciation, les lois de ce peuple, «cela va à l'encontre de la pureté de la race ..». Et ces lois ont été établies par des baptisés! Certains de ceux qui ont fait cette loi, et certains de ceux qui ont persécuté, dénoncé les frères pentecôtistes parce qu'ils étaient «enthousiastes» presque «fous», qu'ils ruinaient la race, certains étaient catholiques ... Je suis le pasteur des catholiques: je vous demande pardon pour eux! Je vous demande pardon pour ces frères et sœurs catholiques qui n'ont pas compris qu'ils étaient tentés par le diable et ont fait la même chose que les frères de Joseph. Je demande au Seigneur qu'il nous donne la grâce de reconnaître et de pardonner ... Merci! (je suppose qu'il remercie por les applaudissements)

Ensuite, le frère Giovanni (Traettino) a dit quelque chose que je partage entièrement: la vérité est une rencontre, une rencontre entre des personnes. La vérité ne se fait pas en laboratoire, elle se fait dans la vie, en essayant de trouver Jésus. Mais le mystère le plus beau, le plus grand, c'est que quand nous trouvons Jésus, nous nous rendons compte que Lui nous cherchait le premier, qu'il nous a trouvés en premier, parce qu''Il arrive avant nous! Moi, en espagnol, j'aime dire dire que le Seigneur nous 'primerea'. C'est un mot espagnol: il nous précède, et toujours, il nous attend. Il est avant nous. Et je crois qu'Esaïe ou Jérémie - j'ai un doute - dit que le Seigneur est comme la fleur de l'amandier, qui est la première qui fleurit au printemps. Et le Seigneur nous attend! C'est Jérémie? Oui, c'est ça (je suppose qu'il répond à quelqu'un de l'assistance)! C'est le premier qui fleurit au printemps, c'est toujours le premier.

Cette rencontre est belle. Cette rencontre nous remplit de joie et d'enthousiasme. Pensons à cette rencontre des premiers disciples, André et Jean. Quand Jean-Baptiste dit: «Voici l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde». Et ils suivent Jésus, ils restent avec lui tout l'après-midi. Puis, quand ils sortent, quand ils retournent à la maison, ils disent: «Nous avons entendu un rabbin» ... Non! «Nous avons trouvé le Messie». Ils étaient enthousiastes. Certains riaient ... Pensons à cette phrase: «De Nazareth, quelque chose de bon peut venir?». Ils ne croyaient pas. Mais ils avaient rencontré! Cette rencontre qui transforme; de cette rencontre, tout vient. C'est le chemin de la sainteté chrétienne: chaque jour, chercher Jésus et chaque jour se laisser chercher par Jésus et se laisser trouver par Jésus

Nous sommes dans ce chemin de l'unité entre frères.
Quelqu'un sera étonné: «Mais, le pape est allé chez les évangéliques». Il est allé voir les frères! Oui! Parce que - et ce que je dirai est la vérité (!!!) - ce sont eux qui sont venus en premier me trouver à Buenos Aires. Et ici, il y a un témoin: Jorge Himitian peut raconter l'histoire de quand ils sont venus, ils se sont approchés ... Et c'est ainsi qu'a commencé cette amitié, cette proximité entre les pasteurs de Buenos Aires, et maintenant ici.
Merci beaucoup. S'il vous plaît priez pour moi, j'en ai besoin ... pour qu'au moins je ne sois pas si mauvais (perché almeno non sia tanto cattivo) (??!!).
Merci!

Note (et mise à jour du 31/7)

Le dodécaèdre

Symbole de l'univers

(1) Un lecteur m'écrit: "Se réfère-t-il à Platon?" (détails ici: Les solides de Platon)
Je veux bien... Si c'est le cas, il devrait le dire.

Plus simplement, l'image du polyèdre (qui ne manque certes pas de pertinence) est récurrente chez ce pape, et il l'explique très bien.

Il l'a déjà utilisé à diverses reprises, et en premier lieu, dans Evangelii Gaudium (§236):
"Le modèle n’est pas la sphère, qui n’est pas supérieure aux parties, où chaque point est équidistant du centre et où il n’y a pas de différence entre un point et un autre. Le modèle est le polyèdre, qui reflète la confluence de tous les éléments partiels qui, en lui, conservent leur originalité. Tant l’action pastorale que l’action politique cherchent à recueillir dans ce polyèdre le meilleur de chacun. Y entrent les pauvres avec leur culture, leurs projets, et leurs propres potentialités. Même les personnes qui peuvent être critiquées pour leurs erreurs ont quelque chose à apporter qui ne doit pas être perdu. C’est la conjonction des peuples qui, dans l’ordre universel, conservent leur propre particularité ; c’est la totalité des personnes, dans une société qui cherche un bien commun, qui les incorpore toutes en vérité".


Il y est revenu en mars dernier, lors de l'entretien avec le Corriere:
"La mondialisation à laquelle pense l'Eglise ne ressemble pas à une sphère, dans laquelle chaque point est équidistant du centre et donc où l'on perd la particularité de chaque peuple, mais à un polyèdre, avec ses différentes faces, où chaque peuple conserve sa propre culture, sa langue, sa religion et son identité")

Et, plus récemment avec le journal portugais La Vanguardia
"La mondialisation bien comprise est une richesse. Une mondialisation mal comprise est celle qui annule les différences. C’est comme une sphère, avec tous les points équidistants du centre. Une globalisation qui enrichie est comme un polyèdre, tous unis mais chacun conservant sa particularité, sa richesse, son identité".

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