Accueil

Réflexion sur un lynchage

celui de l'évêque de Ciudad del Este, Mgr Rogiele Livieres. Et la perplexité réaffirmée de Marco Tosatti (28/9/2014, mise à jour)

Voir à ce sujet:
¤ Le Pape, les abus sur mineurs, et Danneels
¤ L'Eglise "miséricordieuse" de François

     

La façon dont la destitution de l'évêque de Ciudad Del Este a été gérée par le saint-Siège et présentée par les médias ne grandit ni le premier ni les seconds (sur son blog, Yves Daoudal n'hésite pas à parler d'«effarante désinformation»). Et ce sont une fois de plus les blogs qui ont fait le travail!
Et Marco Tosatti , dont il faut à nouveau souligner l'honnêteté et l'indépendance a été une fois de plus (dans son blog personnel San Pietro e dintorni) à la pointe de la réinformation.

La façon calamiteuse dont l'affaire a été traitée ne serait jamais passée du temps de Benoît XVI: on aurait au minimum parlé de cafouillage médiatique, de bourde de communication (il est vrai qu'aujourd'hui, une cellule ad hoc est aux manettes, on voit avec quelle efficacité!).
Avec une situation inversée (Benoît XVI ayant soutenu l'évêque contre l'épiscopat vent debout contre LUI), souvenons nous de l'affaire Wielgus (cf. beatriceweb.eu/), cet évêque polonais nommé à la tête du diocèse de Varsovie, obligé de démissionner un mois plus tard en janvier 2007, sous l'accusation d'avoir collaboré avec le régime communiste! Une situation qui s'est répétée en 2009 avec Mgr Wagner, l'éphémère évêque auxiliaire de Linz, jugé trop conservateur par ses confrères autrichiens (voir l'article du Père Scalese: benoit-et-moi.fr/2009-I)
Par ailleurs, les prétextes invoqués pour justifier l'éviction de l'évêque Rogielo Livieres, en exploitant une imprudence, ou une erreur réelle qu'il a commise, évoquent beaucoup l'affaire de l'évêque de Limbourg, Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst (cf. benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/leveque-bling-bling-de-limbourg), lui aussi jugé trop conservateur, lui aussi évincé à la suite d'une cabale de ses ennemis intra-ecclésiaux soutenus par les médias, lui aussi désigné à la vindicte populaire sous le qualificatif d'«évêque bling-bling», en opposition avec le slogan du pape pauvre d'une Eglise pauvre pour les pauvres (ici remplacé par le pape justicier de la «tolérance zéro» contre la pédophilie), et lui aussi finalement démis.
Pour illustrer mon propos, j'ai fait une capture d'écran de la notice wikipedia de Mgr Rogelio Livieres. Si elle reste en l'état (à moins que des contributeurs ne se dévouvent pour la rectifier!) voilà ce qui restera pour l'histoire de l'honneur de l'évêque paraguayen démis, au moins pour le public francophone, à moins qu'il n'ait l'idée de se rendre à la source, càd sur le site du diocèse de Ciudad Del Este où les informations sont disponibles en plusieurs langues, dont le français (à suivre...).

Wikipedia, 27 septembre 2014

Cliquez!

     

EGLISE ET DÉLIT D'OPINION (ORTHODOXE).
Marco Tosatti
San Pietro e dintorni
27 septembre 2014
Si la déclaration du père Federico Lombardi au New York Times sur la «décapitation» de Mgr Rogelio Livieres, évêque de Ciudad Del Este au Paraguay est vraie - et elle est certainement vraie - il n'est pas possible de de ne pas souligner certaines perplexités.

* * *

Dans les jours et les mois précédents, on avait fait comprendre à l'information (ndt: donc aux médias) que le problème central était celui de l'incardination dans son diocèse d'un prêtre qui aux États-Unis, durant les décennies précédentes, aurait eu des problèmes de comportement homosexuel, disons trop «expansif», envers les élèves du séminaire. Raison pour laquelle, même s'il ne s'était rien passé de tel à Ciudad Del Este, l'évêque aurait dû exercer une plus grande prudence (et vraiment, je pense qu'il aurait dû, compte tenu des agneaux dont il était entouré ...).
Au lieu de cela, le père Federico Lombardi a déclaré au New York Times: «Le problème important était les relations au sein de l'épiscopat et dans l'église locale, qui étaient difficiles». Donc, «du problème du prêtre soupçonné des faits évoqués ci-dessus, on a discuté, mais ce n'était pas central».

Le timing surprend, et sans être complotiste, cette correction tardive d'une vague médiatique déjà commencée n'enlève rien au fait que l'annonce de la destitution coïncide pratiquement avec l'affaire Wesolowski, exploitant les retombées de la nouvelle, et négligeant d'autres questions.

Si vous lisez attentivement ce que publie le diocèse de Ciudad Del Este, on voit que Livieres, porteur d'une ligne d'Eglise et de pensée différente de celle des autres évêques, a été nommé par Saint Jean Paul II, confirmé et défendu par Benoît ( qui comme nous le savons, après en avoir chassé à peu près quatre-vingt, n'a pas été tendre avec les évêques qui ont failli), et enfin démis rapidement par François.
C'est encore une fois, un signe de profonde discontinuité entre le Pape actuel et ses prédécesseurs.

Mais on peut se demander pourquoi, s'il y avait des problèmes, le pape, si disposé à dialoguer avec tout le monde, ne lui en a pas parlé (voir la correction fraternelle ...). Ou bien pourquoi - et je pense que c'est déjà arrivé - les évêques n'ont pas été convoqués à Rome, pour laver le linge sale, et celui religieux, et peut-être n'y en a-t-il pas peu au Paraguay - devant Pierre.
Mais peut-être y avait-il la crainte que finalement, un fois tout entendu, ils auraient dû ne pas trop donner tort à Livieres. Un risque que les Grands Conseillers latino-américains du pape craignaient évidemment de courir. Un signe de cet embarras peut être perçu dans le fait que le Pape - à ce jour - n'a pas trouvé le temps de le recevoir.
Il était plus facile de démettre Mgr Rogelio, et d'applique pour l'essentiel, en l'absence d'accusations concrètes, le délit d'opinion dans l'Église (orthodoxe).

  © benoit-et-moi, tous droits réservés