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Pédophilie, la tolérance zéro vient de Benoît XVI

Démonter les mensonges des journalistes: Une excellente et nécessaire mise au point de Massimo Introvigne, traduite par Anna (28/9/2014)

     

PEDOPHILIE, LA TOLERANCE ZERO VIENT DE BENOIT XVI
www.lanuovabq.it/it/articoli-pedofilia-la-tolleranza-zero-viene-da-benedetto-xvi
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Au sujet de l'archevêque polonais Jósef Wesolowski, ancien nonce apostolique à Saint-Domingue, arrêté par la gendarmerie vaticane sur des accusation d'actes de pédophilie commis alors qu'il était diplomate, nous avons lu beaucoup de bizarreries dans les journaux italiens, montrant une méconnaissance du droit du Saint Siège, autant que du problème des prêtres pédophiles.
Nombreux ont évoqué, afin de l'applaudir et quelques "athées dévots" (1) afin de le déplorer, un tournant radical dans la lutte contre la pédophilie voulue par le pape François, jusqu'à l'affirmation que l'Eglise, après s'y être longtemps opposée, aurait à présent accepté le point de vue de l'ONU selon lequel le Saint Siège est responsable des actes de pédophilie commis non seulement à intérieur des murs du Vatican, mais aussi dans tout le monde.
Il s'agit de deux gros canulars, voyons pourquoi.

Canular numéro un:
En arrêtant Wesolowski le Vatican aurait accepté le principe selon lequel il doit assumer la responsabilité des actes de pédophilie commis par des prêtres ou, pire, évêques catholiques partout dans le monde. Un canoniste de renom, l'avocat Giancarlo Cerrelli, a déjà expliqué hier dans notre journal (ici) qu’il n’en est pas ainsi. Les études juridiques sont rarement une lecture légère, mais celui qui prend la peine de lire M. Cerrelli comprend que les méfaits partout commis par un nonce apostolique pendant l'exercice de son mandat diplomatique relèvent du code pénal du Saint Siège, alors que ceux d'un prêtre ou curé normal, non.
La gendarmerie vaticane n'ira donc pas arrêter votre curé s'il ne se conduit pas bien (espérons qu'il soit un saint), inutile de se déchirer les vêtements si le Pape n'a pas envoyé ses gendarmes arrêter d'autre prêtres pédophiles qui ont défrayé la chronique mais qui n'étaient pas nonces apostoliques ni fonctionnaires d'une congrégation du Saint Siège.

Ce dernier a vigoureusement défendu le principe selon lequel il n'est pas responsable des délits commis par des prêtres et évêques qui, à la différence des nonces apostoliques, ne représentent pas directement le Saint Siège. Encore ces derniers mois il a défendu ce principe contre l'ONU et contre certains cabinets millionnaires d'avocats américains, et sur indications du Pape François. La référence aux avocats américains est importante: ce n'est pas de la théorie, il y a des cabinets en Amérique qui soutiennent ce principe afin de réclamer des dommages au Saint Siège pour chaque cas de vraie ou présumée pédophilie, dans l'espoir de s'enrichir ultérieurement au dépens du Vatican, après avoir mis en faillite plusieurs diocèse. En poursuivant sur la base de son propre code pénal celui qui travaille au Vatican - un nonce est par définition employé au Vatican même s'il se trouve à Saint-Domingue, il ne faut pas s'en étonner car ce même principe vaut pour un ambassadeur italien à l'étranger - le Saint Siège n'accepte absolument pas d'être tenu pour responsable des abus éventuellement commis par des curés ou évêques éparpillés sur le globe terrestre.

Canular numéro deux:
Finalement est arrivé le Pape François qui poursuit les prêtres pédophiles, tandis qu'avant, ce gros méchant de Benoît XVI les protégeait. Ou bien une autre version, si vous préférez: par malheur est arrivé le pape François, qui ne protège ni défend les brebis égarés mais les met en prison (en réalité les assigne à résidence), tandis qu'avant Benoît résistait vaillamment à l'ONU et à La Repubblica (le quotidien) les réprimandait tout en les gardant hors de prison (1).
Les deux versions sont fausses. Il est vrai que la justice pénale du Vatican recourt très rarement à l'arrestation, mais la toute nouvelle sévérité à l'égard des prêtres responsables d'abus sur mineurs n'est pas une invention du Pape François. Les normes en vigueur ont été voulues et, à 90 pour cent, promulguées par Benoît XVI, François y a ajouté quelques éléments ultérieurs.

On me pardonnera de me citer, mais en 2010 j'ai publié un livre aux éditions San Paolo, Preti Pedofili, dans lequel je faisais le bilan du problème de la pédophilie dans l'Eglise (2). Le livre eut beaucoup de succès, en ventes et critiques, et fut traduit en plusieurs langues.
J'y formulais trois arguments.
¤ Le premier était que la pédophilie dans le clergé était un phénomène réel, à juste titre dénoncé comme "honte" et "tragédie" par Benoît XVI, qui ne se limitait pas à la dénonciation mais cherchait aussi à ses racines, les repérant dans la révolution anthropologique des années 1960, qui avait affecté la morale et avait aussi pénétré dans l'Eglise Catholique.
¤ Le deuxième argument était que ce drame réel avait été - par un phénomène connu aux sociologues comme "panique morale" - amplifié par les média au-delà de toute mesure raisonnable, donnant l'impression que les prêtres pédophiles (certainement moins d'1% du total des prêtres dans les pays pour lesquels on dispose d'études statistiques sérieuses) étaient au contraire une proportion significative du clergé mondial.
¤ Le troisième argument était que Benoît XVI avait identifié correctement les origines du problème et que les mesures par lui adoptées, en ce qui concerne la prévention et la répression, allaient dans la juste direction.

Sans avoir eu recours aux boules de cristal, je me permets d'affirmer que mes prévisions n'étaient pas fausses. En 2014, avec le psychologue Roberto Marchesini j'ai publié un autre volume au titre Pedofilia, una battaglia che la Chiesa sta vincendo - Pédophilie, une bataille que l'Eglise est en train de remporter - dans lequel je fournissais des données montrant que grâce aux mesures adoptées par Benoît XVI le chiffre réel des cas de pédophilie dans le clergé (à ne pas confondre avec l'intensité du volume des campagnes dans la presse) a diminué très significativement.
Diminué ne signifie pas réduit à zéro: pour l'abolition totale des péchés des prêtres, comme de tout péché, nous devons attendre la fin du monde.

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié le 3 mai 2011 une "Lettre Circulaire pour aider les Conférences épiscopales à établir des Directives pour le traitement d'abus sexuel commis par des clergés à l'égard de mineurs" (3).

Le document, publié sous Benoît XVI, contient aussi un résumé succinct de la riposte de l'Eglise à la crise des prêtres pédophiles. J'en conseille une lecture attentive avant d'écrire des bêtises dans les journaux. Le document ne reconstruit pas l'histoire d'avant 2001 (au sujet de laquelle il y aurait aussi beaucoup à dire) mais part du motu proprio Sacramentorum sanctitatis tutela, daté de 2001, de Saint Jean-Paul II, avec lequel la répression des délits sexuels commis par des prêtres (au sujet de laquelle des normes plus sévères étaient dictées en ce qui concerne la prescription) était confiée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Cela entendait donner une plus grande flexibilité afin de rendre l'action contre les coupables certainement pas plus laxiste, mais bien plus rigide, dépassant un certain angélisme, d'ailleurs/répandu/courant hélas en quelques diocèses.
La Lettre de 2011 rappelle ensuite que "en 2003, le Préfet de la Doctrine de la Foi de l'époque, le cardinal Joseph Ratzinger, obtint de Jean-Paul II la concession de quelques facultés spéciales aptes à fournir une plus grande flexibilité dans les procédures pénales concernant les "delicta graviora", parmi lesquelles l'utilisation du procès pénal administratif".
Cette mise au point n'a pas une simple intention historique, mais est essentielle face à tant de mensonges qu'on lit dans les journaux.
En tant que Préfet de la Doctrine de la Foi, l'actuel Pape Emérite fut très sévère avec les prêtres pédophiles et n'eut de cesse de durcir les mesures répressives. Un travail qu'il a continué comme Pontife, souligne encore la Lettre, avec la "révision du motu proprio (de Saint Jean-Paul II) approuvée par le Saint Père Benoît XVI le 21 mai 2010", qui durcissait ultérieurement les peines et, pour la première fois, punissait sévèrement la fréquentation de la part de prêtres de sites pornographiques sur internet. Pour conclure, la même lettre du 3 mai 2011, revue et voulue par Benoît XVI, affirme d'ailleurs qu' "il faut toujours donner suite aux prescriptions des lois civiles en qui concerne la procédure de saisine des crimes aux autorités préposées (des Etats), sans porter préjudice au forum interne sacramentel (for intérieur). Cette coopération ne concerne évidemment pas que les cas d'abus commis par des clercs, mais aussi bien ces cas d'abus impliquant le personnel religieux ou laïc œuvrant dans les structures ecclésiastiques.

Ayant participé à de nombreux congrès et groupes d'étude sur ce sujet et ayant personnellement rédigé des notes et avis à la demande d'organes du Saint Siège, j'ai quelques titres pour m'indigner des véritables mensonges publiés à l'encontre de Benoît XVI. Bien au contraire, le Pape Ratzinger était critiqué à cause de l'excessive sévérité à l'égard des prêtres pédophiles car sa norme draconienne risquait de porter préjudice à la présomption d'innocence et aux droits de la défense. On peut bien sûr en discuter, entre gens connaissant les normes et ayant lu les documents. Ce qu'on ne peut pas faire, sans se rendre coupable de calomnie - excusée éventuellement par une invincible ignorance, qui néanmoins ne fait pas honneur à celui qui écrit sur des journaux considérés sérieux - est écrire que Benoît XVI agissait de façon indulgente ou hyper-protectrice à l'égard des prêtres pédophiles, alors que exactement le contraire est vrai.

Il n'est pas question d'enlever quoi que ce soit au pape François lequel a poursuivi dans le même chemin tracé d'abord par le cardinal Ratzinger en tant que préfet pour la doctrine de la Foi et ensuite par Benoît XVI, et qui a ultérieurement mis à jour et précisé la norme avec le motu proprio du 11 juillet 2013. D'ailleurs, à chaque fois que qu'il s'est exprimé sur le sujet, le pape François a lui-même affirmé aller dans la lignée de l'action de son prédécesseur, chez lequel la rigueur normative allait de pair avec les marques d'attention, la demande de pardon et l'accueil des victimes des prêtres pédophiles que Benoît lui-même avait rencontrées à plusieurs reprises. D'ailleurs, pourquoi le pape François aurait-il dû changer une stratégie qui portait ses fruits?

Dans son interview à Ferruccio De Bortoli, parue dans le Corriere della Sera di 5 mars 2014 (4), le Pape François soutient qu'en matière de lutte contre la pédophilie, l'Eglise "a fait beaucoup, plus que quiconque, peut-être". " Les statistiques montrent qu'aujourd'hui les abus sont plus nombreux ailleurs, a dit de Pape. "L'Eglise catholique est peut-être la seule institution publique qui a agi avec transparence et responsabilité. Aucun autre n'a fait davantage."
Je crois que même le journaliste le plus captieux ne puisse imaginer qu'en parlant de l'Eglise qui a obtenu des résultats meilleurs que quiconque, justifiés par les chiffres, le Pape ait voulu ne parler que de lui-même et de l'Eglise comme elle est depuis qu'il est devenu Pontife; ne serait-ce que parce que les données statistiques disponibles concernent encore les années du pontificat de Benoît XVI. Il parle donc d'un engagement qui continue évidemment avec François, mais qui a été promu et guidé par Benoît XVI.
Les propos du pape François s'appliquent sans doute au pape Ratzinger: parmi les puissants de la terre, "aucun autre a fait davantage" en matière de lutte sérieuse contre la pédophilie. L'actuel Pontife continue, et avance, sur un chemin déjà rigoureusement tracé par son prédécesseur.

Notes

(1) L’allusion aux athées dévots est un coup de griffe à Giuliano Ferrara qui a publié dans son journal Il Foglio d’avant-hier un article au vitriol « J’arrête, je condamne, mais je ne juge pas » (http://www.ilfoglio.it/articoli/v/121267/rubriche/pedofilia-papa-francesco-arresto-condanno-ma-non-giudico.htm)

(2) Le livre développe - il me semble - l’article d’Introvigne écrit en pleine crise « pédophilie dans le clergé » en mars 2010 : "Prêtres pédophiles: un cas de "panique morale" (http://benoit-et-moi.fr/2010-I/0455009cf20864101/0455009d3a0bca311.html )

(3) Cf. L'Eglise contre la pédophilie des clercs: http://benoit-et-moi.fr/2011-II/0455009ed20de650f/0455009ee71235c0f.html

(4) L’interviewe de François à « Il Corriere », le 5 mars 2014 : http://benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/communication-directe.html

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